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Les cancers triple-négatifs

Une forme particulière

DÉFINITION

Les cancers du sein « triple négatifs » représentent près de 20 % des cancers du sein et constituent un groupe hétérogène caractérisé par l’absence de récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progestérone (RH-) et l’absence de surexpression du facteur de croissance HER-2 en immunohistochimie. Dans 15 % des cas, ils présentent une mutation du gène BRCA1Les spécialistes décrivent six sous-types

  1. Basal-like 1 (BL1),
  2. Basal-like 2 (BL2),
  3. Immunomodulateur (IM),
  4. Mésenchymateux (M),
  5. Mésenchymateux stem-like (MSL)
  6. Luminal avec androgène récepteur (LAR)
     

CRITÈRES

Le terme tumeur « triple négative » est une définition immunohistochimique correspondant à l’absence d’expression des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone et à l’absence d’expression du récepteur HER2. 
Les seuils de négativité retenus, en France, sont de moins de 10 % de cellules marquées pour les récepteurs hormonaux (RH), et un marquage membranaire d’HER2 de score 0 ou 1+ ou bien 2+ mais sans amplification en FISH pour ERBB2.

UN LIEN AVEC LA MUTATION BRCA1

il existe un recouvrement entre tumeurs dites "triple-négatives" et les mutations germinales du gène BRCA1. Parmi les tumeurs survenant chez des patientes porteuses de mutations germinales de BRCA1 , 80 % sont "triple-négatives". Parmi les cancers du sein triple-négatifs, 10 % sont diagnostiqués chez des patientes présentant des mutations germinales de BRCA1.

C'EST UNE FORME PLUS AGRESSIVE

Ce sont des carcinomes canalaires de grosse taille, de haut grade avec un index mitotique Ki87 élevé et des atypies nucléaires nombreuses à l'examen anatomo-pathologique.
Ces cancers sont souvent apparentés au sous-type basal et présentent des similarités avec les cancers développées sur mutation germinale de BRCA.
Ce sont des tumeurs habituellement de haut grade, plus volumineuses et avec un profil plus agressif : forte expression de p53 et Ki67 élevé.
Elles présente un plus fort risque de récidives métastatique dans les trois premières années après le diagnostic.

Point important...

..."Le cancer du sein triple négatif ne correspond pas à une maladie en soi mais à un statut immuno-histo-chimique commun à un ensemble de tumeurs avec une carte d’identité tumorale et une évolution clinique différentes..."

Leur profil

DES SPECIFICITES

L'épidémiologie et les caractéristiques cliniques montrent que le risque de développer cette forme dans le cas suivants :

  • Un âge plus jeune au diagnostic souvent en pré-ménopause
  • Une première grossesse précoce
  • Une obésité associée ou non à un syndrome métabolique
  • Une incidence plus élevée chez les caucasiennes
     

Une évolution particulière :

  • Un risque de rechute plus élevé malgré une plus grande chimiosensibilité
  • Une plus grande fréquence des métastases pulmonaires et cérébrales
     

 LEUR PRÉSENTATION

Ils sont plus souvent diagnostiqués au stade de tumeur cliniquement détectable à la palpation.
C'est une forme fréquente dans les cancers d’intervalle (cancers diagnostiqués entre deux mammographies de dépistage).
Leurs caractéristiques radiologiques sont variables ; ils sont souvent décrits comme une masse circonscrite, sans spicule périphérique, ni microcalcification associée. Il existe souvent un rehaussement en IRM et un hypermétabolisme en TEP-TDM.

LA PRISE EN CHARGE...

La chirurgie
La chirurgie conservatrice peut être proposée pour les tumeurs"T1" et parfois pour les tumeurs "T2". La mastectomie totale est nécessaire dans les tumeurs plus volumineuses, multifocales ou multicentriques. En cas de formes survenant dans le contexte d’une mutation BRCA1 , la mastectomie totale, éventuellement prophylactique controlatérale pourra vous êtes proposées.
La chirurgie sera suivie d'un traitement adjuvant de radiothérapie et chimiothérapie.

La chimiothérapie
Ces sont des tumeurs chimiosensibles. C'est une chimiothérapie, en général, dose-dense comportant soit 4 cycles de AC (Adriamycine (A)/cyclophosphamide (C)) 60mg, soit  Epirubicine 90 mg Cyclophosphamide 600 mg (E90C600) tous les 14 jours suivis de 12 perfusions hebdomadaires de paclitaxel 80 mg.
La chimiothérapie peut être néoadjuvante, adjuvante ou pour traiter les stades avancés de la maladie.

L'immunothérapie ciblée
Elle a pris une place importante dans la prise en charge de ces tumeurs, dès la première ligne de traitement.

Le pronostic
Il est moins favorable que celui des autres formes, avec un risque de récidive invasive. La plupart de ces récidives surviennent dans les trois ans suivant la chirurgie mais ce risque, par la suite, diminue rapidement.

Stratégies de traitement après la chirurgie

 

Première ligne Seconde ligne Au-delà
Docétaxel/paclitaxel hebdo +/-bevacizumab ou
Paclitaxel hebdo + Atezolizumab pour les cancers avec un statut PD-L1 positif (ATU de cohorte)
ou 
Capécitabine si exposition aux anthracyclines et taxanes dans les 12 mois carboplatine +/-gemcitabine ou paclitaxel (mutation BRCA)
immunothérapie (pembrolizumab)
Capécitabine ou eribuline si contre-indication à la capécitabine 
ou
Carboplatine anthracyclines si envisageable

Eribuline ou capécitabine ou taxane ou gemcitabine, vinorelbine, cyclophosphamide métronomique
Immunothérapie

 

LES ANTICORPS MONOCLONAUX CONJUGUÉS

SACITUZUMAB GOVITECAN (TRODELVY™)

C'est un anticorps monoclonal humanisé conjugué au métabolite actif de l'irinotecan qui cible le trophoblast cell-surface antigen 2 (Trop-2).-132.
Les premiers résultats des études cliniques, chez des patientes en échec thérapeutique et présentant une maladie métastatique, montrent un impact positif sur le temps sans progression.
Il est homologué en cas d'échec thérapeutique après deux lignes de traitement systémique ou plus.

EN COURS DE DEVELOPPEMENT

Anetumab ravtansine
C'est un anticorps monoclonal conjugué. Il cible spécifiquement les cellules cancéreuses qui expriment la mésothéline. La mésothéline(MSLN) est une glycoprotéine surexprimée à la surface des cellules tumorales de plusieurs types de cancers comme le mésothéliome et les cancers du pancréas, de l'ovaire et du poumon. Du fait de sa spécificité, la MSLN constitue une cible thérapeutique prometteuse. 
Il est en cours de développement.

Ladiratuzumab vedotin
C'est un anticorps conjugué couplé à monomethyl auristatin et cible un transporteur de Zinc dont les premiers essais révèlent un taux de réponses intéressant. 

Les nouveautés

LES ANTI-PARP

L'utilisation de l'anti-PARP, talazoparib (Talzenna™) pour les tumeurs portant une mutation des gènes BRCA, impliquées dans les cancers du sein héréditaires.
Il est indiqué en monothérapie pour le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique HER2 négatif et présentant des mutations germinales BRCA1/2 en seconde ligne après une anthracycline et/ou un taxane au stade (néo)adjuvant, localement avancé ou métastatique, sauf s’ils n’étaient pas éligibles à ce type de traitement Les patients atteints d’un cancer du sein positif aux récepteurs hormonaux (RH) doivent préalablement avoir reçu une hormonothérapie ou être considérés comme non-éligibles à une hormonothérapie.
La dose recommandée est de 1 mg en une seule prise jusqu’à la progression de la maladie ou la survenue d’une toxicité inacceptable.

L’IMMUNOTHÉRAPIE

Ces tumeurs présentent une charge mutationnelle élevée, elles seraient ainsi plus immunogène. Partant de là, ces tumeurs seraient de bons candidats à un traitement pour une immunothérapie ciblant les points de contrôle immunologiques. Ce d'autant que que l'expression de PD1-PDL1 dans le cancer du sein serait de meilleur pronostic.

Tecentriq™ (atézolizumab) 
C'est un anticorps monoclonal anti-PD-L1. Il est autorisé pour le traitement du cancer du sein triple négatif. Il est homologué, en association au nab-paclitaxel, dans le traitement du cancer du sein triple négatif localement avancé non résécable ou métastatique, dont les tumeurs présentent une expression de PD-L1 ≥ 1 % et n’ayant pas précédemment reçu de chimiothérapie en situation métastatique.

Ketruda™ (pembrolizumab) 
C'est  un inhibiteur de PD1, qui bloque son interaction avec les ligands PD -L1 et PD-L2 vient d'être homologué pour le traitement de certains cancers du sein triple négatifs :

  • En association à une chimiothérapie comme traitement néoadjuvant, puis poursuivi après la chirurgie en monothérapie comme traitement adjuvant, est indiqué dans le traitement des cancers du sein triple négatifs localement avancés ou de stade précoce à haut risque de récidive. 
  • En association à une chimiothérapie, dans le traitement du cancer du sein triple négatif localement récurrent non résécable ou métastatique , dont les tumeurs expriment PD -L1 avec un CPS ≥ 10 et qui n'ont pas reçu de chimiothérapie antérieure pour la maladie métastatique.
     

Actuellement plus de 50 essais cliniques évaluent  le durvalumab, l'ipilimumab, le nivolumab, le tremelimumab ainsi que l'atezolizumab.

LES ANTI-ANDROGÈNES

Le sous-type moléculaire "apocrine" des cancers triple négatifs est caractérisé par l'expression de gènes luminaux, une expression des récepteurs androgènes (RA) dans 25 à 35% des cas.
Des premiers essais avec l'abiratérone, médicament utilisé pour le traitement des cancers de la prostate, montre un taux de réponses intéressant.
Cinq autres études sont en cours de recrutement avec le bicalutamide et l'enzatulamide.

Pour conclure...

Le cancer du sein triple-négatif est un groupe de tumeurs du sein qui regroupe de nombreuses entités cliniques et biologiques.
Certaines tumeurs sont peu agressives et assez lentement évolutives mais la plupart sont plus évolutives et présentent des risques de rechute importants.
Les cancers dits basal-like sont souvent sensibles à la chimiothérapie, mais le risque d'échappement au traitement important.
En cas de tumeur métastatique, les sels de platine sont particulièrement actifs chez les patientes porteuses d'une mutation germinale de BRCA. L'utilisation des inhibiteurs de PARP est validée pour cette population particulière.

mise à jour

10 novembre 2023