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Les alkylants et les sels de platine

Les moutardes azotées

LES GAZ MOUTARDE...

L’idée de l’utilisation des alkylants pour traiter les cancers est née de la constatation, par EB. Krumbhaar, en 1919 (JAMA, 1919;72 :39-45) , que des soldats canadiens victimes du gaz de combat (gaz moutarde) utilisés en 1917 présentaient, après les problèmes respiratoires, une aplasie lymphoïde, c'est-à-dire, une disparition des lymphocytes dans le sang.

LES DEVELOPEMENTS ULTERIEURS

Les alkylants constituent la plus ancienne famille de traitements cytotoxiques utilisés pour traiter les cancers. Ils ont permis l’obtention des premières réponses dans le traitement des hémopathies malignes.
En 1942, les premiers essais furent réalisés à l’université Yale aux États-Unis et notèrent une importante régression de lymphomes dans des modèles expérimentaux de souris mais aussi chez l’homme avec une disparition spectaculaire de la tumeur du premier patient traité qui était atteint d’un lymphosarcome radio-résistant.
Ce n’est qu’en 1946 que l’article princeps, révélant l’efficacité des moutardes azotées, parut*.

(* L.S. Goodman Nitrogen mustard therapy; use of methyl-bis(beta-chloroethyl) amine hydrochloride and tris(beta-chloroethyl) amine hydrochloride for Hodgkin's disease, lymphosarcoma, leukemia and certain allied and miscellaneous disorders JAMA 1946;132:126–132)

UNE DÉFINITION MODERNE...

Un alkylant est un composé organique capable d'introduire sur une molécule donnée, un groupement hydrocarboné (alkyl-, noté R-CH2).
Il existe maintenant 7 grandes familles d'agents alkylants dits classiques.

Leur mode d’action

DES GROUPES CHIMIQUES SENSIBLES

Dans les molécules biologiques, les groupes les plus sensibles aux agents alkylants sont SH, OH, COOH, NH2, NH, inclus dans une chaîne linéaire ou dans un cycle comme celui des bases puriques et pyrimidiniques, ainsi que les phosphates des liaisons phosphodiesters.

LEUR CIBLE :  L'ADN DE LA CELLULE

Ces médicaments détruisent les cellules en attaquant directement l'ADN. Ils ont comme caractéristique commune de former des radicaux alkyles (méthyles ou éthyles), d’où leur nom d'agents alkylants. Ces radicaux forment des liaisons covalentes avec certains atomes de l’ADN ou de l’ARN. Ces substances créent un lien chimique covalent fort, entre elles-mêmes et un ou plusieurs groupements (azote-7 de la guanine - N7G, surtout ; oxygène-6 de la guanine O6G) d'un acide nucléique.
Cette alkylation des bases de l’ADN est responsable de l’effet cytotoxique de ces médicaments, car elle interfère avec des processus essentiels à la division cellulaire comme la réplication ou la transcription. Lors de la division cellulaire, le dédoublement des deux brins d’ADN devient difficile et la transcription est arrêtée au niveau de l'agent alkylant, aboutissant à l’arrêt de la division cellulaire. Il existe plusieurs sous-groupes de médicaments.

Les 7 grandes familles d’agents alkylants dits « classiques »

  1. Les moutardes azotées
  2. Les oxazaphosphorines
  3. Les éthylène-imines (azridines et mitomycine C)
  4. Les alkyl alcane sulfonates
  5. Les triazèneset hydrazines
  6. Les nitroso-urées
  7. Les organoplatines

Deux types de produits

LES AGENTS ALKYLANTS MONOFONCTIONNELS

Ces médicaments ont un seul groupement réactif et ne forment qu'un seul lien chimique avec l’ADN. Ils créent de véritables ponts entre différents secteurs de l'ADN. Il s’agit de la dacarbazine (Déticène™), de son analogue, le témozolomide (Témodal™) et de la streptozocine.
Du fait de l'existence d'enzymes de réparation de l’ADN, comme la ligase, une endonucléase, ces agents n'entraînent pas un véritable arrêt cellulaire mais peuvent favoriser l'apparition d’ADN porteur d’anomalies, susceptibles de dégénérer secondairement en cancers chimio-induits. Ceci explique, en partie, les leucémies secondaires, dites chimio-induite, observées, parfois, à la suite des traitements de la maladie de Hodgkin, ou des cancers de l'ovaire.

LES AGENTS BI-FONCTIONNELS

Ils comportent deux groupements réactifs. Ils créent de véritables ponts entre différents secteurs de l'ADN ou entre une molécule d'ADN et une protéine.
Il s’agit du cyclophosphamide (Endoxan™), de l'Ifosfamide, (Holoxan™), du melphalan (Alkéran™), de la procarbazine (Natulan™), du busulfan (Misulban™), du triphosphoramide (Thiotépa™), de l'hexamethylmélamine (Hexastat™), de la chlorméthine (Caryolysine™), etc, mais aussi
des sels de platine et le nouveau, le Zepzelca™ (lurbinectedine), indiqué dans le traitement des cancers à petites cellules du poumon en deuxième ligne.

Mise à jour

16 juin 2020