Les métastases
Défintions
HISTORIQUEMENT
Le terme métastase, du grec metastasis « je change de place », est apparu au XVIème siècle pour désigner les tumeurs secondaires à une tumeur primitive. Ce phénomène est individualisé en tant qu’objet de recherche à partir de 1889, date de la publication dans le Lancet par J. Paget de l’hypothèse "seed and soil" [voir plus bas].
ACTUELLEMENT
Le processus métastatique est défini comme "une dissémination de cellules néoplasiques dans un site secondaire (ou de plus grand ordre) non contigu et distant, au sein duquel ces cellules prolifèrent pour former une masse extravasculaire de cellules incomplètement différenciées".
IMPORTANT !
Le processus métastatique débute très tôt lors du développement d'un cancer. Des travaux ont montré que ce processus pouvait débuter même au stade de cancer in situ.
La tumeur primaire et secondaire évoluent de façon indépendante. De fait, dès le début, le cancer est une maladie systémique...
LA FORMATION DES MÉTASTASES
GLOBALEMENT...
Bien que les métastases ne deviennent cliniquement détectables que tardivement, un certain nombre d’études récentes montrent que la dissémination des cellules cancéreuse à partir de la tumeur primitive est parfois un événement précoce. Toutefois, les cellules cancéreuses disséminées peuvent demeurer dormantes pendant des mois, voire des années (tumor domancy).
EN FONCTION DE LA CHRONOLOGIE DE LA RÉVÉLATION
Les métastases révélatrices
De 10 à 15% des cancers sont révélés par des métastases d'emblée ; la localisation des métastases évoquant souvent la localisation du cancer d'origine.
Les métastases synchrones
Elles sont découvertes soit en raison de symptômes cliniques, soit à l'occasion du bilan d'extension systématique,
Les métastases tardives
Elles sont découvertes après des délais variables de quelques mois à plusieurs années.
Les métastases deviennent de plus en plus rares au fur et à mesure que le temps passe (sauf pour les cancers du sein et du rein).
Une métastase tardive peut être unique et bien réagir à un traitement local.
Les lois de Walter : la localisation des métastases:
HISTORIQUEMENT
Sir James Paget (1814 –1899), chirurgien et pathologiste anglais, à partir d'observations sur le cancer du sein, a émis les hypothèses, toujours d'actualité du " seed and soil " en 1899, dans un article paru dans la revue britannique The Lancet , Selon cette théorie, l'implantation d'une métastase dépend de ces deux paramètres :
- La graine est la cellule tumorale ayant acquis un phénotype spécifique
- Le terreau est constitué par l'organe dans lequel cette cellule va s'implanter
ACTUELLEMENT
Les cellules cancéreuses, soit après passage par la voie lymphatique, soit directement, pénètrent les capillaires sanguins sont alors entraînées par la circulation vers les organes qui filtrent le plus gros volume de sang. De ce fait, les localisations préférentielles des métastases sont variables selon le type d'organe malade. Elles dépendent :
- Du drainage habituel de l'organe atteint, comme le foie par voie portale pour un cancer colique,
- De la présence de molécules d'adhésion des cellules cancéreuses aux capillaires des organes cibles, expliquant des localisations métastatiques privilégiées, comme par exemple l’os pour le cancer de la prostate.
LA DISSÉMINATION....
LE PROCESSUS
Le développement de métastases à distance de la tumeur primitive nécessite la réalisation d’une longue série d’événements
Des cellules cancéreuses originaires de la tumeur primitive doivent en effet coloniser par voie sanguine ou lymphatique de nouveaux organes. Pour ce faire, elles doivent, tout d’abord, se détacher de la tumeur primitive (délamination), puis entrer dans la circulation (intravasation), et voyager à travers le corps en suivant les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Il leur faut, ensuite, sortir de ces vaisseaux (extravasation) et coloniser un nouvel organe où elles se multiplient et, à terme, se développent en tumeurs secondaires (métastases).
LES PRE-REQUIS
Chacune de ces étapes nécessite l’acquisition de caractéristiques particulières ... Il s'agit alors de l’acquisition de la capacité à dégrader la matrice extracellulaire, de la motilité, de la résistance aux forces de cisaillement rencontrées dans la circulation sanguine, la possibilité d’échapper au système immunitaire, de la capacité de survivre et, surtout, acquisition de la capacité à proliférer dans un nouvel environnement. Ce phénomène suppose que soient remplies au moins 3 conditions :
- La perte de protéines d’adhésion ou intégrines, en particulier de la cadhérine E, qui assurent la cohésion des cellules entre elles au sein d’un tissu d’un organe comme un épithélium
- La possibilité, pour des cellules tumorales, de résister à la turbulence du flux sanguin
- La capacité, pour les cellules tumorales, d'échapper à la surveillance du système immunitaire,
Si ces trois conditions sont remplies, les cellules tumorales peuvent s'implanter dans un organe et y former des métastases.
Les quatre voies de dissémination des cellules tumorales...
- Par voie sanguine, par les artères et les veines de l’organe atteint
- Par voie lymphatique, par les vaisseaux lymphatiques et leurs relais ganglionnaires puis un retour dans la circulation veineuse par canal thoracique
- Par des conduits naturels, comme l’espace entourant le système nerveux central, ou espace péridural
- Par les séreuses, comme la plèvre ou le péritoine
L'extension lymphatique....
C'EST LA PLUS FRÉQUENTE...
C’est la voie la plus fréquente de dissémination des carcinomes, mais peut se rencontrer également au cours des sarcomes. Elle est répond à deux mécanismes principaux :
- Un déterminisme dit "passif" qui est fonction du flux sanguin et de certains facteurs mécaniques
- Un déterminisme dit "actif" dont le substratum repose sur l’existence de sites métastatiques spécifiques pour certains organes dans lesquels sont impliqués la biologie de la cellule cancéreuse et les caractéristiques de l’organe cible
Les cancers les plus lymphophiles sont les carcinomes, en particulier les cancers du sein, de la thyroïde, du col utérin, et les mélanomes.
COMMENT ?
Par le système lymphatique et les relais ganglionnaires...
Dans les vaisseaux lymphatiques, les cellules tumorales transit lentement vers les sites de drainage de la tumeur primitive.
Dans le ganglion lymphatique, les cellules tumorales atteignent les sinus corticaux qui sont des canaux situés à l’intérieur du ganglion. Le premier ganglion touché constitue le premier relais ganglionnaire. Ce premier relais est important et son identification est la base de la technique du ganglion sentinelle .
Lorsque les cellules arrivent dans un ganglion, on observe souvent un état réactionnel, sous forme de d’une inflammation ou lymphadénite chronique.
Un fois arrivées dans les ganglions lymphatiques, les cellules cancéreuses ont plusieurs devenirs possibles :
- Elles peuvent y être détruites
- Elles peuvent se fixer en restant quiescentes
- Elles peuvent se fixer et se multiplier pour donner une métastase ganglionnaire palpable et entraîner une stase sous-jacente de la lymphe, pouvant se traduire par un gonflement (œdème) du membre inférieur ou du bras
- Elles peuvent traverser le ganglion, et gagner les relais ganglionnaires suivants, soit dans le sens normal du courant, soit à contre-courant, en cas de stase lymphatique
- Elles peuvent infiltrer tout le trajet des vaisseaux lymphatiques ce qui se traduit par une lymphangite carcinomateuse. La présence d’embols lymphatiques qui réalisent une lymphangite carcinomateuse localisée, visible sur les pièces d’exérèse chirurgicale constitue des signes d’agressivité de la tumeur.
Au terme de leur propagation le long des vaisseaux lymphatiques et notamment du canal thoracique, les cellules cancéreuses sont souvent arrêtées, pour un temps restreint, par un dernier ganglion sus-claviculaire gauche, appelé ganglion de Troisier* mais dénommé, en-dehors de la France , ganglion de Virchow**... La constatation d'un tel ganglion signifie une généralisation du cancer.
La présence de ganglions ou adénopathies
La présence de ganglions envahis traduit le pouvoir métastatique d'une tumeur et est le signe de la présence probable de métastases diffuses microscopiques. Elles rendent ainsi le pronostic plus incertain et incitent souvent à la prescription d’un traitement adjuvant de radiothérapie et/ou de chimiothérapie.
(* Charles Emile Troisier, médecin français (1844-1919) - « L'adénopathie sus-claviculaire dans les cancers de l'abdomen ». Arch. Gen. de Med., vol. 1, 1889, p. 129–138 et 297–309)
(**Rudolf Virchow, médecin allemand (1821-1902) décrit le premier le ganglion et son lien avec le cancer de l'estomac « Zur Diagnose der Krebse in Unterleibe », dans Med. Reform., vol. 45, 1848, p. 248)
L'extension hématogène
COMMENT ?
Les cellules tumorales, soit après passage par la voie lymphatique, soit directement par effraction de la paroi vasculaire sanguine, pénètrent les petits vaisseaux sanguins et sont entraînées par la circulation vers les organes qui filtrent le plus gros volume de sang.
Cette effraction est d’autant plus facile que les vaisseaux du stroma ont une paroi mince et qu’il existe, dans certaines tumeurs (sarcomes), des lacunes vasculaires bordées de cellules tumorales.
QUELLES TUMEURS ?
La diffusion par voie sanguine est commune aux sarcomes, aux carcinomes et aux mélanomes.
La localisation des métastases hématogènes dépend du mode de drainage veineux de l’organe atteint par la tumeur, et du premier filtre capillaire à travers lequel passe le sang en aval.
LES QUATRE TYPES DE MIGRATION
Le type cave
Les cellules tumorales sont entraînées dans le système de la veine cave supérieur (sein) ou de la veine cave inférieur (rein, utérus) puis vers les veines sus-hépatiques puis vers le cœur.
La conséquence est que les cellules tumorales atteignent en priorité le poumon, puis tout l’organisme.
Le type porte
Les cellules cancéreuses issues d’un cancer du tube digestif (côlon, estomac, pancréas) sont entraînées par le système porte vers le foie où elles engendrent des métastases (hépatiques), pouvant donner secondairement des métastases pulmonaires ou dans le reste de l’organisme.
Le type pulmonaire
Les cellules circulantes à partir d’un cancer du poumon sont déversées directement dans les veines pulmonaires, puis le cœur gauche et enfin a grande circulation, donnant des métastases ubiquitaires (os, foie, encéphale, reins, surrénales, etc.).
Le type hépatique
C'est le cas des cancers du foie.
Les quatre voies de dissémination hématogène...
Voie | Comment ? |
---|---|
Pulmonaire |
Les cellules tumorales circulantes sont directement déversées dans les veines pulmonaires, puis le cœur gauche et la grande circulation et induisent des métastases ubiquitaires : os, foie, encéphale, reins, surrénales, etc. |
Hépatique |
Les cellules circulantes gagnent le cœur droit par les veines sus-hépatiques, puis le poumon où elles forment des métastases. |
Porte |
Les cellules tumorales d’un cancer digestif (côlon, rectum, estomac...) sont drainées par le système porte vers le foie où elles donnent spécifiquement des métastases. |
Cave |
Les cellules tumorales drainées par le système cave atteignent en priorité le poumon, puis tout l’organisme (pelvis, rein, etc.). |
D'AUTRES FACTEURS DE DISSÉMINATION...
LES FACTEURS RECONNUS
La localisation des métastases dépend également d’autres facteurs que le flux sanguin....
Certains organes, tels les os et les ovaires, qui ne sont pas des « filtres sur la circulation » comme le poumon et le foie sont pourtant souvent siège de métastases.
À l’inverse certains organes très vascularisés, tels le muscle strié, la rate et la thyroïde, ne sont presque jamais sièges de métastases.
Parmi les autres facteurs impliqués
L’adressage (homing) est dû à l’expression par les cellules tumorales de molécules d’adhérence qui leur permettent de se localiser spécifiquement dans certains tissus
Le micro-environnement spécifique à chaque tissu est plus ou moins favorable à la croissance des cellules tumorales. Ces affinités reposent au moins en partie sur les interactions de chimiokines et de leurs récepteurs.
PLUS RÉCEMMENT...
Longtemps, les spécialistes ont considéré que la dissémination métastatique se faisait selon une trajectoire unidirectionnelle de la tumeur primitive vers la métastase. Depuis les études génomiques, ce processus s'est beaucoup complexifié. Les travaux récents ont montré que les métastases pouvaient :
- Réensemencer un autre organe à distance (métastases tertiaires) ou encore réensemencer la tumeur initiale (« self-seeding »
- Etre issues d’un même sous-clone ancestral commun quel que soit leur site d’implantation (monophylétiques)
- Etre issues de différents sous-clones disséminant indépendamment dans différents organes (polyphylétiques)
- Etre issues de plusieurs clones provenant de sites tumoraux distincts (polyclonales)
Les localisations les plus fréquentes.
La circulation particulière du foie par la veine porte, explique la fréquences des métastases, en particulier en cas de cancer digestifs. Les métastases hépatiques sont génératrices de jaunisse (ictère) et d'insuffisance hépatique
Par ordre de fréquence, des métastases hépatiques peuvent être retrouvées en cas de :
- Les cancers du côlon ou du rectum +++
- Le cancers du pancréas +++
- Les cancers du sein (jeune âge (< 50 ans), atteinte ganglionnaire, grade 3, tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux, et/ou exprimant HER2, maladie extra-cérébrale étendue (plus de deux sites métastatiques)
- Les cancers du poumon
- Les cancers de l'estomac (gastriques)
- Les cancers de l'ovaire
Les cancers primitifs les plus susceptibles de métastaser au niveau du poumon sont, par ordre de fréquence,
- Les cancers du rein
- Les cancers colorectaux
- Les mélanomes
- Les cancers du sein
- Les sarcomes
Les métastases pulmonaires sont génératrices d’essoufflement (dyspnée), d'insuffisance respiratoire, ou de saignements (hémoptysie)
Les métastases osseuses sont responsables de douleurs et de fractures. Elles sont surtout rencontrées pour les cancers suivants :
- Les cancers du sein, en particulier lorsque la tumeur exprime les récepteurs hormonaux
- Les cancers du poumon
- Les cancers de la prostate
- Les cancers du rein
- Les cancers colorectaux, bien que plus rarement
Il existe deux type de métastases osseuses, selon le type de cancer primitif.
- Les métastases ostéolytiques sont des métastases qui détruisent de l'os, souvent en rapport avec une sécrétion inappropriée d'un analogue de l'hormone parathyroïdienne (PTH). Elles se rencontrent surtout dans les cancers du sein.
- Les métastases ostéo-condensantes, parfois appelées ostéoblastiques, sont des lésions qui construisent le l'os. Elles sont l'apanage du cancer de la prostate.
Deux types...
Les métastases cérébrales peuvent être la conséquence d'une diffusion hématogène tardive dans l'évolution d'un cancer évolué métastasique.
A l'opposé, des métastases, parfois uniques peuvent se voir au décours de l'évolution de cancers primitifs dont les cellules tumorales peuvent avoir accès à la circulation artérielle puis les veines pulmonaires. Ces cellules pourront, secondairement "ensemencer" le cerveau.
Quel que leur type, les métastases cérébrales peuvent s’accompagner de maux de tête (céphalées), d’œdème cérébral (hypertension intracrânienne) et de signes spécifiques, fonction de leur localisation dans le cerveau.
Par ordre de fréquence...
Les cancers primitifs pouvant donner des métastases cérébrales sont les suivants, par ordre de fréquence :
- Les cancers du poumon +++
- Les cancers du sein +++
- Les mélanomes
- Les cancers du rein
- Les cancers colorectaux, moins souvent
Pronostic
Il est variable en fonction de l'organe atteint et des caractéristiques des métastases (taille, nombre des lésions...).
Si l'atteinte est importante, le pronostic vital peut être engagé.
Selon les chiffres de l'Institut national du Cancer, le taux de survie à 5 ans d'un cancer avec métastases :
- Du sein : 20%
- Du poumon métastatique : 10 à 15%
- D'un cancer colorectal : 30%
- D'un mélanome (métastases à distance) : 15%.
- D'un cancer de la thyroïde : 60%
Mise à jour
2024