Une leucémie
La lymphocytose monoclonale B (MBL)
DE QUOI S'AGIT-IL ?
La MBL (Monoclonal B-Lymphocytosis) est un état pré-leucémique. Il s’agit d’une prolifération monoclonale isolée de lymphocytes B dont le nombre reste inférieur à 5 000/mm3 évoluant depuis plus de 3 mois. Ces lymphocytes possèdent un phénotype de type LLC.
Comme pour le myélome multiple, cette prolifération est de signification incertaine.
Cette lymphocytose monoclonale concerne de 2 à 3 % de la population générale. Sa prévalence augmente avec l’âge avec plus de 5 % après 60 ans ainsi que dans les formes familiales de LLC avec environ 15 %. Les critères retenus actuellement sont :
- La mise en évidence d’une population de lymphocytes B clonale
- La présence d’un phénotype caractéristique de LLC (CD5+, CD23+)
- Un nombre absolu de cellules B inférieur à 5 × 10 9 /L
- Aucun autre signe de maladie auto immune ou de désordre lymphoprolifératif (absence d’augmentation de taille du foie et de la rate, de signes cliniques d’évolutivité ou de maladie auto-immune)
SON ÉVOLUTION
La MBL serait une étape obligée avant l’apparition de la LLC. Le risque d’évolution vers une LLC est estimé à 1 à 2 % par an. Il très faible lorsque le taux de lymphocytes est inférieur à 5000. Cet état est associé à une augmentation du risque d'infection et de second cancer.
AU DÉPART UN LYMPHOCYTE B PRESQUE NORMAL ...
Les étapes de la transformation d’un lymphocyte B normal en cellule leucémique de LLC restent encore mal connues. Les lymphocytes B leucémiques ont des caractéristiques particulières qui permettent de les reconnaître par immunophénotypage :
- Une diminution de la densité de plusieurs récepteurs de surface, tels que les immunoglobulines et les molécules CD79b+ et CD20+
- Une faible expression du récepteur B pour l’antigène (BCR) avec anomalie de la transduction du signal au travers du lymphocyte
- Une expression de la protéine de surface CD5+ et l'expression des antigènes communs de la lignée B, CD19+, CD23+, alors que les antigènes FMC7 et CD10 sont absents
- Une expression variable d’un autre récepteur membranaire, le CD38+.
Les lymphocytes B sont souvent porteurs d’anomalies chromosomiques :
- Délétion du bras long du chromosome 13 dans 60 % des cas
- Trisomie 12, dans 20 % des cas
- Délétion du bras long du chromosome 11, dans 15 % des cas.
- Plus rarement, on retrouve une délétion du bras court du chromosome 17, du bras long du chromosome 6 ou un caryotype complexe.
Il est établi que la présence de réarrangements clonaux des gènes d’Ig ainsi que l’expression de marqueurs de surface cellulaire spécifiques ont permis d'établir que la LLC est dérivée d’une cellule B mature....
Probablement à la suite d'une STIMULATION ANTIGÉNIQUE PERSISTANTE…
UNE PROLIFÉRATION CLONALE
L’expansion du clone de lymphocytes B
Il pourrait être en relation avec une stimulation antigénique ou auto-immune persistante qui permettrait l’expansion du clone malin.
Des interactions avec le micro-environnement et des mutations successives aboutiraient à l’émergence de lymphocytes échappant à l’apoptose. Cette théorie est confortée par l’existence assez fréquente de mutations de type IgVH affectant le gène contrôlant la synthèse des chaînes lourdes des immunoglobulines (Ig).
Cette cellule deviendrait réfractaire aux mécanismes normaux de la régulation de la différenciation et de la prolifération cellulaire.
Des modifications génétiques
Elles pourraient être induites par des mutations, des translocations chromosomiques, des délétions ou des insertions de gènes viraux, pouvant aboutir à :
- L'expression anormale d'un gène muté voisin du gène normal
- La perte de gènes impliqués dans la régulation d'autres gènes
- L'activation et la modification de l'expression de gènes cellulaires par des gènes viraux.
Contrairement aux autres leucémies, il n'y a, au début, peu d'excès de prolifération maligne donc de pool tumoral.
LA RÉSISTANCE À L'APOPTOSE
L'immortalité
Les mutations aboutissant à l’immortalité de la cellule B résulteraient d'une série de modifications cellulaires aboutissant à une dérégulation du contrôle du cycle cellulaire et de l’apoptose (mort cellulaire programmée).
Les lymphocytes privés d’apoptose deviennent immortels et s’accumulent dans la moelle osseuse, le sang et les organes lymphoïdes. Cette accumulation de cellules tumorales est en relation avec la perte par les cellules du clone malin de la possibilité d'apoptose (mort cellulaire programmée).
Les conséquences de l'accumulation..
Elle induit des phénomènes d’auto-immunité, c’est-à-dire que système immunitaire du sujet à tendance à s’attaquer à ces propres cellules qu’il ne reconnaît plus. Ceci explique la diminution des globules rouges ou anémie, la diminution des plaquettes et la diminution des globules blancs. Cette dernière conséquence explique le risque infectieux aggravé des malades atteints par cette maladie.
Une maladie plus cumulative que proliférative...
Résistance à l’apoptose
⇒ immortalisation des lymphocytes qui s'accumulent dans les organes lymphoïdes
⇒ Les lymphocytes « étouffent » les cellules normales de la moelle osseuse
+/-
Prolifération monoclonale ⇒ augmentation de la masse tumorale
PAR LA SUITE, L’EXPANSION D’UN POOL PROLIFÉRATIF TUMORAL…
D’autres mutations de ce clone de lymphocytes aboutit à l’émergence d’un clone prolifératif, tumoral. C'est alors une prolifération monoclonale, c’est-à-dire à partir d'un seul type de lymphocytes matures de morphologie normale et de phénotype B3. C’est ce clone, représentant la masse tumorale qui est en cause dans l’évolution de la maladie. Les lymphocytes malins expriment à leur surface les protéines suivantes, désignées par l’abréviation CD (Cluster of Differentiation) :
- Les CD19+, CD5+, et CD23+
- Faiblement le CD20+/- et le CD79b+/-
- La chaine légère d’immunoglobuline kappa ou lambda.
L’expansion de ce pool prolifératif tumoral est à l’origine d’une infiltration de la moelle osseuse, de sang périphérique et parfois des ganglions lymphatiques.
Son évolution
ELLE EST TRÈS VARIABLE...
Elle va d'une maladie indolente compatible avec une espérance de vie normale sans traitement, jusqu’à, beaucoup plus rarement, une maladie évoluant en moins de 3 ans quelle que soit la chimiothérapie utilisée. Comme pour toutes les formes de leucémies, l'existence de certaines mutations est une donnée très importante.
- Les LLC présentant peu de mutations de la chaîne lourde des IgVH et un niveau élevé d’expression de la protéine 70-kD zéta seraient plus agressives.
- Un faible niveau d’expression de cette protéine serait le fait des LLC indolentes, c’est-à-dire n’évoluant peu ou pas.
LES COMPLICATIONS POSSIBLES
Non traitée, ou échappant au traitement, l'évolution de la LLC peut être émaillée par plusieurs types de complications comme une anémie, une thrombopénie et une neutropénie
Cette défaillance de la moelle osseuse est assez souvent liée à son envahissement entraînant une insuffisance médullaire. Ces manifestations peuvent, aussi, être dues à une auto-immunité. Dans une maladie auto-immune, les cellules du malade sont attaquées et détruites par ses propres lymphocytes.
Les complications infectieuses sont favorisées par l'hypogammaglobulinémie (manque d’anticorps Ig) et par des déficits de l'immunité cellulaire T, ce qui explique pourquoi les vaccinations sont peu efficaces. Les infections le plus souvent rencontrées, peuvent être :
- Bactériennes (germes encapsulés) : septicémie, pneumopathie, choc septique
- Virales : herpès, varicelle, zona
- Fungiques (à champignons) ou mycoses systémiques
Le syndrome de Richter
Il a été initialement décrit par le pathologiste new-yorkais Maurice Richter en 1928 comme la coexistence d’un "sarcome à cellules réticulaires" et d’une " leucémie lymphoïde".
Il est défini comme la survenue d’un lymphome agressif, le plus souvent un lymphome B diffus à grandes cellules et plus rarement un lymphome de Hodgkin, chez un patient présentant une leucémie lymphoïde chronique de découverte antérieure ou concomitante.
Son incidence est estimée à 0,5-1 % des cas de leucémie lymphoïde chronique par an et est associée à un pronostic défavorable.
Cette évolution est suspectée devant le développement rapide d'une masse tumorale, de phénomènes compressifs, de signes généraux d'évolutivité (fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes).
L’immunochimiothérapie à base de rituximab est le traitement standard.
Les immunochimiothérapies à base de sels de platine telles que R-CHOP, avec l'ofatumumab (OFAR), DHAP ou ESHAP sont celles qui présenteraient le meilleur rapport efficacité/toxicité. Le traitement par R-CHOP permet un taux de réponse globale de plus de 60 %.
Les cellules de départ des leucémies
Cellule en cause |
Type de maladie en fonction du niveau de maturation des cellules B |
---|---|
Cellule souche |
Lymphome/leucémie lymphoblastique |
Précurseur des cellules B |
Lymphome/leucémie à précurseur lymphoblastiques |
Lymphocyte B immature |
Lymphome à cellules non clivées |
Lymphocyte B mature naïf (avant exposition aux antigènes) CD5+, CD20+, CD23+ |
Leucémie lymphoïde chronique atypique |
Lymphocyte B mature du manteau CD5+, CD20+, CD23- |
Lymphome à cellules du manteau |
Lymphocyte B mature après exposition aux antigènes CD5-, CD20+, CD10+ ou CD10- |
Lymphome folliculaire |
Plasmocyte CD5-, CD20+, CD10- |
Myélome multiple |
Mise à jour
22 février 2024