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Les lymphomes cutanés

Généralement, des lymphomes de phénotype "T"

QUELLES MALADIES ?

Ce sont des proliférations monoclonales, de lymphocytes malins " T",  de phénotype CD4+, dans la grande majorité des cas. Parfois, il peut s'agir d'une prolifération monoclonale de cellules NK. La majorité d'entre eux se développent dans l’épiderme, à partir des amas lymphoïdes, d'où le qualificatif "d'épidermotropes".
Les lymphomes T cutanés sont répartis en deux entités principales : le mycosis fongoïde et le syndrome de Sézary* qui correspond à la forme leucémique des lymphomes T cutanés

 QUELQUES CHIFFRES

Les lymphomes cutanés sont des pathologies rares mais dont l'incidence est en augmentation. En France, en 2018, près de 1000 cas ont été recensés dont 65 % chez l'homme.
Les taux d’incidence pour 100 000 personnes-année sont de 0,9 chez l’homme et de 0,5 chez la femme. Ce taux est stable. Le rapport hommes/femmes est égal à 1,8.
L’âge médian au diagnostic est de 65 ans.

LES FACTEURS DE RISQUE

Les facteurs de risque identifiés pour les lymphome périphériques T sont :

  • La maladie cœliaque
  • Certaines maladies dermatologiques : eczéma,  psoriasis
  • Le tabagisme
  • L'obésité
  • Des facteurs environnementaux ont également été retrouvés comme des expositions professionnelles dans certains métiers tels que les agriculteurs, les peintres ou encore les charpentiers. 


Habituellement ces pathologies sont stadifiées :

  • Stade IB mycosis fongoïde classique
  • Stade IIB (au stade de tumeur) mycosis fongoïde en trans formation en pathologie à grandes cellules
  • Stade IIIA (érythrodermie) mycosis fongoïde
  • Stade IVA1 syndrome de Sézary
  • E. Forme primitive cutanée CD30-positive de type lymphome anaplasique à grandes cellules

     

(* Albert Sézary 1880-1956 dermatologue français qui décrivit, en 1938, le syndrome qui porte son nom) -  A. Sézary, Y. Bouvrain, « Érythrodermie avec présence de cellules monstrueuses dans le derme et le sang circulant », Bulletin de la Société française de dermatologie et de syphiligraphie, 1938, 45:254-260

LE MYCOSIS FONGOÏDE

UN LYMPHOME DE BAS GRADE...

C'est un lymphome cutané (épidermotrope) de bas grade et d'évolution lente avec, au stade de début, une médiane de survie de plus de 25 ans, voire une survie identique à celle de la population normale pour les stades les plus précoces. C'est la forme la plus fréquente.
Il touche plutôt les hommes (2 à 3 hommes pour un femme) après 50 ans .
Les lymphocytes tumoraux ont un phénotype de lymphocytes "T" bien différenciés : CD3+,CD4+, CD8–, CD30–.

COMMENT SE PRÉSENTE LA MALADIE ?

Au début...
Les manifestations cutanées sont le plus souvent isolées et associées à des démangeaisons (prurit).
Il s'agit de lésions de la peau ressemblant à de l'eczéma, de plusieurs centimètres, érythémato-squameuses, prédominant aux seins, au tronc et à la racine des membres, notamment, aux fesses.
La fixité, la délimitation nette et l’aspect de la plaque ainsi que le prurit et la résistance au traitement habituels sont évocateurs de la maladie. 
Ultérieurement, ces lésions s’épaississent pour former des plaques figurées prurigineuses.

L’évolution est très lente (années ou décennies)...
Le nombre de lésions augmente, pouvant aller jusqu'à recouvrir la totalité de la surface cutanée. L’évolution ultérieure peut alors se faire vers une érythrodermie, ou plus fréquemment, des tumeurs cutanées apparaissent.

LE TRAITEMENT

Pour les formes avec atteinte cutanée exclusive
Pour celles-ci ainsi que celles qui comportent des lésions non infiltrées ou des plaques infiltrées, le traitement en première intention est soit la chlorméthine (Caryolysine™) en application locale soit la Puvathérapie.
La Puvathérapie est un traitement consistant en l’irradiation du corps par des rayons ultraviolets A (UVA) après la prise d’un médicament photosensibilisant (le méthoxsalène, de la famille des psoralènes).
En cas de réponse incomplète, on peut associer le bexarotène (Soriatane™) à la dose de 0,5 mg/kg/j ou, de l’interféron-alpha (IFN-α) à la dose de 3 millions d’unités trois fois par semaine.

Aux stades plus avancés de la maladie
La radiothérapie ou l’IFN-α associé ou non à la Puvathérapie ou aux rétinoïdes sont indiqués. La Puvathérapie est un traitement consistant en l'irradiation du corps par des rayons ultraviolets A (UVA) après la prise d'un médicament photosensibilisant.

En cas d’échec...
Une monothérapie par méthotrexate ou, secondairement une polychimiothérapie sont proposées. Dans ce dernier cas, elles comprennent, le plus souvent, les anthracyclines (adriamycine), le cyclophosphamide (Endoxan™), la vincristine (Oncovin™) ou la vinblastine (Velbé™) associés à la prednisone.
Le pralatrexate (Folotyn™) est un médicament antifolate proche du methotrexate ou du permetrexed. Cette molécule est active par voie IV et qui nécessite une supplémentation en acide folique et vitamine B12 pour diminuer le risque de mucite n'est pas encore homologuée en France contrairement aux USA et au Canada.

PRONOSTIC

Le pronostic du mycosis fongoïde est favorable dans la majorité des cas.

LE SYNDROME DE SÉZARY

UNE MALADIE RARE

Elle se présente, sous une forme plus généralisée d'atteinte de la peau avec un prurit important qui devient rouge et qui pèle (érythrodermie exfoliative). 
L'examen clinique met souvent en évidence des adénopathies, une hyperkératose palmoplantaire avec anomalies unguéales (onychodystrophie), une alopécie diffuse et des ectropions des paupières.
Les cellules tumorales, dites "cellules de Sézary", infiltrent l'épiderme et souvent le sang. Elles sont détectées dans la peau par la biopsie cutanée et les ganglions. Les caractéristiques de l’immunomarquage sont identiques à celles du mycosis fongoïde.

Le bilan initial comporte, outre la biopsie cutanée, les examens suivants :

  • Une numération et formule sanguine (NFS), avec recherche et numération des cellules de Sézary
  • Le dosage des LDH pour évaluer la masse tumorale
  • Un adénogramme en cas d’adénopathie superficielle
  • Un scanner (TDM) thoraco-abdominal en cas d’atteinte ganglionnaire superficielle
     

 PRISE EN CHARGE DE LA MALADIE 

Le traitement de première intention
Il fait appel soit à l’interféron gamma, soit à la photophérèse*, soit encore à une chimiothérapie par le méthotrexate à la dose de 0,3 mg/kg/semaine.
En cas d’échec, on peut avoir recours à une association chlorambucil et d'un corticoïde (prednisolone).
Les formes agressives avec envahissement ganglionnaire ou viscéral nécessitent le recours une polychimiothérapie.

La romidepsine (Istodax™)
C'est un inhibiteur d’histones désacétylases actif par voie intraveineuse. Il  est indiqué pour le traitement des lymphomes T cutanés épidermotropes, en échec d’au moins une ligne de traitement systémique. et dont le taux de plaquettes ≥ 75 000 et le nombre de polynucléaires neutrophiles ≥ 1.5 G/L.

PRONOSTIC

C'est une maladie dont le pronostic réservé et plus défavorable que celui du mycosis fongoïde.

 

* La Photophérèse Extra Corporelle (PEC) est un traitement immunomodulateur en 3 étapes:
- prélèvement par aphérèse de cellules mononucléées (CMN) autologues circulantes au moyen d’un séparateur de cellules
- exposition des CMN aux UVA en présence d’un photosensibilisant (8 MOP)
- réinjection des cellules traitées par ce procédé au patient.
Selon le type de séparateur disponible, ces 3 étapes sont réalisées en système ouvert ou fermé.

Les autres lymphomes T cutanés

LES SYNDROMES LYMPHOPROLIFÉRATIFS CD30+

Les pathologies
Elles sont généralement de bon pronostic et souvent régressent spontanément. Une simple surveillance est souvent recommandée.
Pour les lésions non régressives, lorsqu'elles sont uniques ou localisée, une exérèse et/ou radiothérapie sont des options utiles. En cas de lésions multifocales, un traitement à base d'interféron alpha, de méthotrexate ou de bexarotène est recommandé.

La papulose lymphomatoïde
Elle constitue une entité clinique particulière. Elle se présente en général chez la femme d’âge moyen par l’apparition de lésions papulonodulaires du tronc et de la partie proximale des membres qui évoluent en quelques semaines vers la nécrose suivie d’une cicatrice atrophique résiduelle. Différentes poussées peuvent se chevaucher avec, ainsi, la présence simultanée de lésions à différents stades cliniques. Elle peut s’associer à d’autres formes de lymphomes cutanés ou systémiques.
Au début, c'est l'abstention thérapeutique. En cas de lésions multiples et invalidantes, on peut vous proposer : une Puvathérapie, un traitement par la chlorméthine ; si échec ou allergie, par la carmustine, le méthotrexate ou l'interféron alpha.

Les autres entités
Il n’y a pas de traitement standard pour les entités suivantes mais certaines orientations peuvent être proposées :

  • Pour la leucémie/lymphome à cellules T de l’adulte : polychimiothérapie si la forme est disséminée et aiguë
  • Pour le lymphome T sous-cutané (α/β) : corticoïdes ± méthotrexate
  • Pour le lymphome T/NK extra-nodal, de type nasal : polychimiothérapie

Les nouveautés dans le traitement

Une nouvelle formulation : le Ledaga™ (chlorméthine)
C'est un gel dosé à 160 microgrammes/g qui est indiqué dans le traitement des lymphomes T cutanés de type mycosis fongoïde (LTC-MF), sans association d'un autre médicament topique

Les anticorps monoclonaux

Poteligeo™ (mogamulizumab)
C'est, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le récepteur 4 aux chimiokines CC (CCR4), pour le traitement du mycosis fongoïde ou du syndrome de Sézary ayant déjà reçu au moins un traitement systémique. Il est actif en perfusion intraveineuse.
La dose recommandée est de 1 mg/kg, administrée en perfusion intraveineuse une fois par semaine les jours 1, 8, 15 et 22 du premier cycle de 28 jours, suivies de perfusions toutes les deux semaines les jours 1 et 15 de chaque cycle de 28 jours suivant jusqu’à la progression de la maladie ou la survenue d’une toxicité inacceptable.

Adcetris™ ( brentuximab vedotin)
C'est un anticorps anti-CD30 chimérique couplé à la monométhyl auristatine E (MMAE), un agent cytotoxique anti-tubuline
Il est indiqué dans le traitement du lymphome T cutané (LTC) CD30+ chez l’adulte après au moins un traitement systémique antérieur.
La dose recommandée est de 1,8 mg/kg administrée par perfusion intraveineuse toutes les 3 semaines pour un maximum de 16 cycles.

Lacutamab
C'est un anticorps monoclonal anti-KIR3DL2 en cours de développement clinique.

Une immunothérapie ciblée
Des études cliniques sont en cours avec différentes molécules comme le nivolumab (anti-PD-1) pour les formes réfractaires, le pembrolizumab (anti-PD-1) et l'atezolizumab.

Les options thérapeutiques en fonction du stade

Stade Option thérapeutiques
 IA - IB - IIA
  • En première ligne : dermocorticoïdes (si quelques plaques) ; chlorméthine topique ; en cas d'échec ou d'allergie : carmustine (BICNU ) topique ; photothérapie : PUVA (± rétinoïdes) ou UVB ; photothérapie dynamique
  • En seconde ligne : interféron alpha (± PUVA) ; méthotrexate ; bexarotène ; électronthérapie avec maintien chlorméthine.
 IIB 
  • En première ligne la "triple association" : PUVA, Interféron alpha 2A et rétinoïdes
  • En seconde ligne : radiothérapie, chlorméthine, carmustine, méthotrexate
  • En troisième ligne : doxorubicine liposomale ; polychimiothérapie ; alemtuzumab.
 III
(erythrodermique)
  • Triple thérapie + dermocorticoïdes puissants
  • Methotrexate ou photophorèse extracorporelle peuvent être utilisés en seconde intention en cas de cellules de Sézary circulantes
IV 
  • En première ligne : interféron alpha ; méthotrexate à faible dose ; photophérèses seules ou en association avec interféron alpha ; chlorambucil ± prédnisone à faible dose ; bexarotène ; corticoïdes ; chlorméthine ou carmustine ; PUVAthérapie.
  • En seconde ligne : électronthérapie avec maintien de chlorméthine ; doxorubicine liposomale ; alemtuzumab ; polychimiothérapie.

 

Trois spécificités des lymphomes cutanés primitifs ...

  1. Meilleur pronostic que celui des lymphomes ganglionnaires
  2. Evolution lente
  3. Le mycosis fongoïde est le plus fréquent des lymphomes cutanés

 

 

Important - le centre de référence

Réseau GFELC (Groupe Français d'Etude des Lymphomes Cutanés)
Centre de Référence National pour les Lymphomes Cutanés
Centre expert national: Service de dermatologie, Hôpital St Louis AP-HP, Paris Pr Martine Bagot - 38 centres experts régionaux dont 3 belges et 2 suisses.
Site internet: https://www.gfelc.org

 

Mise à jour

5 juillet 2022