La prise en charge de la dénutrition
Le contexte
La nature et le contenu de la prise en charge de la perte de poids par l'équipe soignante dépend de plusieurs facteurs. La renutrition peut intervenir à la période précédent l'opération et/ou en post-opératoire ou à l'occasion dune radiothérapie et/ou d'une chimiothérapie.
Plusieurs méthodes de nutrition, non exclusives peuvent vous être proposées : orale, entérale ou parentérale.
L'alimentation normale
À PRIVILÉGIER...
C'est l'option naturelle qui est applicable dans la grande majorité des cas. Elle permet dans le plus souvent de stabiliser l'état nutritionnel et d'éviter le recours à des techniques de nutrition artificielle.
EN PRATIQUE
En cas de dénutrition modérée, et en l'absence d'obstacle digestif majeur, il est possible d'augmenter les quantités des repas en proposant des aliments à texture modifiée, en variant l'alimentation et en augmentant la ration énergétique d'une portion.
Il est aussi possible de s'aider de compléments nutritionnels, d'autant que certains sont pris en charge par l'Assurance Maladie. Ils sont disponibles sous forme liquide ou sous la forme de crèmes et de potages. Vous pourrez ainsi varier tant la forme que le goût. Ceci vous permettra d'éviter la lassitude. Ils sont à prendre à distance des repas car ces compléments nutritionnels doivent venir compléter un repas aussi riche que possible et non le remplacer.
LES STIMULANTS DE L'APPÉTIT
Plusieurs stimulants de l'appétit peuvent être proposés, si vous manquez totalement d'appétit.
Le rôle stimulant des corticoïdes est connu, mais ceux-ci ne sont peu employés pour augmenter l'appétit du fait du catabolisme protéique qu'ils induisent.
L'acétate de médroxyprogestérone (Dépo-prodasone™, Dépo-provéra™, Farlutal™) entraîne une augmentation de la prise alimentaire mais la prise pondérale observée porte surtout sur la masse grasse.
Du fait de l'hypersérotoninémie observée au cours des cancers, l'utilisation de la cyproheptadine (Périactine™) qui est un médicament qui s'oppose à la sérotonine semble logique mais son effet est modeste sur la prise alimentaire sans réel effet sur l'état nutritionnel.
Les antidépresseurs, en dehors de leur effet propre sur la dépression, elle-même responsable d'anorexie, un effet direct sur le contrôle de l'appétit à été montré.
Des travaux récents suggèrent que les acides gras n-3 (EPA et DHA) provenant des huiles de poissons, auraient un intérêt tout particulier dans le traitement de la cachexie cancéreuse en inhibant la production de certaines cytokines. Des compléments nutritionnels enrichis en acides gras oméga-3 sont maintenant disponibles.
Les classes d'aliments
Classe | Aliments principaux |
---|---|
Groupe I |
|
Groupe II |
|
Groupe III |
|
Groupe IV |
|
Groupe V |
|
Groupe VI |
|
La nutrition artificielle
LE CONTEXTE
Elle peut, parfois, être indiquée. Le choix entre la nutrition entérale et la nutrition parentérale dépend essentiellement de l'état du tube digestif. De principe, lorsque celle-ci est techniquement possible, l'équipe soignante privilégiera la nutrition entérale, plus physiologique et moins dangereuse.
EN PÉRI-OPÉRATOIRE
La nutrition pré-opératoire
Elles a des indications et des modalités relativement précises qui sont : un état de dénutrition sévère et une chirurgie majeure. Sa durée est limitée dans le temps et n'excède pas 10 jour. L'apport nutritif est modéré, de l'ordre de 30 à 35 Kcal/kg/j.
La nutrition post-opératoire
Les principales indications sont les suivantes :
- Si vous avez reçu une nutrition pré-opératoire
- Si vous êtes sévèrement dénutris
- Si l'alimentation orale est inférieure à 60 % des besoins à J7
- En cas d'une complication post-opératoire
APRÈS UNE RADIOTHÉRAPIE OU UNE CHIMIOTHÉRAPIE
Tout d'abord, il faut rappeler qu'une bonne alimentation améliore la tolérance des traitements et probablement leur efficacité.
Le bilan des études actuelles, montre qu'une alimentation artificielle, au mieux ne fait rien, au pire aggrave la maladie.
Dans certains cas précis, les spécialistes proposent de privilégier la voie entérale par rapport à la nutrition parentérale, sauf dans des cas très particuliers.
Des études sont en cours pour justifier la supplémentation en glutamine ou en arginine, qui possède, aussi, un effet immunomodulateur. L'arginine deiminase PEGylée fait l'objet d'études de phase 2.
Équilibre, glucides, lipides, protéines
Protéines | Lipides | Glucides |
---|---|---|
|
|
|
La nutrition parentérale
Elle consiste à apporter par voie veineuse périphérique ou centrale des substrats nutritifs.
Les indications médicales sont variables et correspondent à des situations très différentes et concernent, en priorité :
- Les séquelles de cancers digestifs : grêle court, entérite radique, occlusion chronique
- Les carcinoses péritonéales avec syndrome occlusif
De courte durée
Dans ce cas, il s'agit de mettre en repos le tube digestif ou d'attendre, comme à la suite d'une opération abdominale, la reprise du transit intestinal. Elle peut être indiquée en pré et/ou post-opératoire.
De longue durée
Cela peut être le cas si vous avez subi une chirurgie lourde du grêle ou si vous souffrez d'un syndrome de malabsorption.
Autres circonstances
C'est le cas quand alimentation orale est impossible, en raison de vomissements ou dans les suites d'une irradiation de l'abdomen (entérite radique).
EN PRATIQUE...
Elle se fera à partir d'une veine du bras si sa durée est brève, moins de 2 semaines, si les solutés injectés ont une osmolarité* inférieure à 700 osmol/L et que l'apport, en volume, est modéré. La voie veineuse sera changée tous les 2 ou 3 jours. Dans les autres cas, elle sera centrale.
(*L'osmolarité correspond au nombre de particules osmotiquement actives par litre de solution et permet de mesurer la pression osmotique. Sa valeur physiologique est située entre 280 et 300 mOsm/L dans le plasma sanguin. Une osmole est une mole de particules effectivement en solution. Par exemple, une solution à 1 mol/L de NaCl correspond à une osmolarité de 2 osmol/L.)
Que me passe-t-on dans les veines ?
LES SÉRUMS GLUCIDIQUES
Rappelons qu'un gramme de glucide apporte 4 kcal...
Les préparations sont dosées à 5 à 50 % et sont prescrits à la dose de 200 à 400 g/j.
LES ÉMULSIONS LIPIDIQUES
Elles sont constituées de chylomicrons comparables aux naturels (< 1 µm). Elles apportent les acides gras essentiels que l'organisme ne peut pas synthétiser. Elles contiennent des triglycérides, des phospholipides et du glycérol.
Leur avantage est un apport calorique élevé (un gramme de lipide apporte 9 kcal) sous faible volume, isotonique, avec des acides gras essentiels.
Plusieurs sources de lipides existent sur le marché, l'huile de soja étant majoritairement utilisée (Endolipide™, Intralipide™ ,…).
Toutes les émulsions, sauf le Médialipide™, sont constituées de triglycérides à chaîne longue. D'autres sources de lipides sont commercialisées.
Le Clinoléic™ est une émulsion à base d'huile d'olive dont l'intérêt est d'apporter un meilleur profil d'acides gras essentiels.
L'Omegaven™, est une émulsion à base d'huile de poisson. Elle contient des acides gras oméga-3 polyinsaturés.
Le Structolipide ™ est une formulation de lipides structurés.
La posologie quotidienne usuelle est de 1 à 2 g/kg de poids sous forme d'un flacon de 500 ml d'émulsion à 20 % sur plus de 6 heures.
LES SOLUTIONS D'ACIDES AMINÉS
Elles ont une concentration en azote comprise entre 6,7 et 30 g/l. Leur qualité nutritionnelle dépend de la qualité de l'apport azoté, en particulier le pourcentage d'acides aminés essentiels (30% des acides aminés totaux).
Les solutions commercialisées diffèrent selon leur composition relative en acides aminés et la concentration d'azote qui conditionne l'osmolarité et donc la voie d'administration. Une forte osmolarité, à partir de 15 g/L, impose une administration par voie veineuse centrale. Ces préparations permettent un apport quotidien de 300 à 350 mg/kg d'azote.
LES OLIGO-ÉLÉMENTS
Ils ont un rôle clé dans le métabolisme intermédiaire comme cofacteurs enzymatiques et un effet neutralisant des radicaux libres.
Les dix oligoéléments essentiels, chrome, cuivre, fer, fluor, iode, manganèse, molybdène, sélénium, zinc, cobalt sont indispensables pour une nutrition parentérale, surtout si celle-ci est de longue durée.
Ils sont administrés sous forme de ration quotidienne (Décan™ ou Nonan™ ).
En cas d'hypercatabolisme important ou lorsque les pertes sont élevées, des carences spécifiques peuvent apparaître en zinc, en fer, en sélénium ou en molybdène. Celles-ci seront corrigées en administrant des doses de charge de l'élément carencé.
LES VITAMINES
À l'exception de la vitamine K, pour ne pas interférer avec un traitement par les médicaments anticoagulants, les préparations commerciales contiennent l'ensemble des vitamines :
- Les vitamines hydrosolubles: les huit vitamines du groupe B et la vitamine C
- Les trois vitamines liposolubles : les vitamines A, D, E
L'administration peut être réalisée à l'aide de spécialités vitaminiques. Il existe des formulations contenant l'ensemble de ces vitamines, comme le Cernévit™ ou des formulations "non complètes" comme le Soluvit ™ (mélange de vitamines hydrosolubles), le Vitalipide™ (vitamines liposolubles) ou l'Hydrosol polyvitaminé ™ (vitamines A, D, E, cinq vitamines hydrosolubles du groupe B et vitamine C).
LES MÉLANGES
Plusieurs types de mélanges sont commercialisés. Ils apportent une cal/ml.
Les mélanges ternaires comprennent des acides aminés, des glucides, des lipides; les mélanges binaires, quant à eux comportent des acides aminés et des glucides.
Ils se présentent sous forme soit de flacons de 500 ou de 1000 ml soit de poche à volume variable.
La nutrition entérale
DÉFINITION
C'est une thérapie de substitution de l'alimentation orale qui permet de réaliser un apport nutritionnel par sonde directement dans l'estomac ou dans le duodénum, jéjunum.
Pour cela on utilise une sonde, lestée, à œillets terminaux et latéraux, en élastomère de silicone ou en polyuréthane et d'une longueur de 90 à 120 cm.
INDICATIONS
Elle peut être utilisée en cas de pathologie extra digestive comme en cas d'anorexie ou d'hypercatabolisme.
Elle est surtout proposée en en pré et/ou en post-opératoire. Elle s'impose en cas de cancer de la sphère ORL et de séquelles de cancer digestif : œsophagectomie, gastrectomie, DPC.
LES VOIES D'ADMINISTRATION
Elles sont variables et sont définies par leur type et la longueur du tuyau servant à l'alimentation :
- Sonde nasogastrique, sonde nasoduodénale, sonde nasojéjunale
- Sonde de gastrostomie ou de jéjunostomie
Cette méthode est contre-indiquée en cas de troubles de la déglutition, lors d'une œsophagectomie ou d'une gastrectomie, la présence d'une fistule gastroduodénale.
LES CONTRAINTES
Cette technique amène l'alimentation au niveau du carrefour duodéno-bilio-pancréatique qui joue un rôle primordial dans le processus de dégradation des aliments. De ce fait, la nutrition entérale va modifier profondément le transit en raison d'une modification des sécrétions exocrines et ralentir et la capacité d'absorption. Celle-ci sera maximale sur le grêle sain.
Que m'admistre-t-on ?
GÉNÉRALITÉS
Les caractéristiques nécessaires d'une nutrition entérale doivent répondre à certains critères :
- D'avoir un pH neutre compris entre 7 à 7,6
- Une osmolarité qui correspond à la concentration de molécules osmotiquement actives dans une solution, c'est-à-dire la concentration des solutés qui vont exercer un pouvoir attractif sur les molécules d'eau qui doit être physiologique : 300-1000 mOsmol
- Un nombre de germes inférieur à 200 000 à l'exclusion de tous germes pathogènes
- Une viscosité suffisante qui peut être augmenté par l'adjonction de tapioca
Le plus souvent l'alimentation est faite à faible débit continu grâce à une instillation digestive automatique à débit stable et réglable. Pour éviter tout risque de contamination lors de l'instillation, on utilise des pompes, à galets pour mélanges industriels, réfrigérées avec agitateur pour mélanges mixés
LES MÉLANGES INDUSTRIELS
Les diètes polymériques comme le Sondalis™ et le Realmentyl™, proposent un produit complet comprenant les 3 types de nutriments. Son avantage. Elles sont, par définition complètes, prêtes à l'emploi et bien tolérées.
Les diètes semi-élémentaires ou oligomériques , comme le Réabilan™( HN) permettent une meilleure absorption protéique et possède une osmolarité satisfaisante. En revanche, elles ne contiennent pas de fibre. Elles sont utiles en cas de grêle radique ou d'insuffisance pancréatique grave.
Les alimentations élémentaires ou monomériques comme le Vivonex™ ou l'Entéronutril™ ont comme avantage une absorption proximale dans le tube digestif, une diminution du transit et de la vidange gastrique et une grande fluidité. Leur inconvénient principal est leur forte osmolarité et donc la possibilité d'engendrer des nausées. De plus, il s'agit de régimes déséquilibrés pouvant entraîner des carences en lipides. Ce type d'alimentation est utile en cas de régime sans résidu strict
À SAVOIR...
Ces suppléments alimentaires sont remboursés selon la LPPR (Liste des Produit et Prestations Remboursables).
Les supplémentations orales doivent être hyperprotidiques et hypercaloriques et apporter plus d'une calorie par millilitre. Elles doivent alterner les goûts sucrés et salés.
Il peut s'agir d'aliments mixés ou de " petits pots " dont le choix tentera de coller à vos goûts en matière d'alimentation.
Les problèmes rencontrés
MÉCANIQUES
Ils ne sont pas très fréquents. ils sont de plusieurs ordres.
- Une sonde naso-gastrique peut être à l'origine d'une sinusite, d'une œsophagite par reflux
- Une sonde de gastrostomie, jéjunostomie de Witzel peut entraîner, dans moins de un pour-cent des cas un volvulus de l'anse ou une péritonite. Une obturation de la sonde est possible ce qui explique le contrôle fréquent effectué par l'équipe soignante
- Une inhalation pulmonaire
LES AUTRES INCIDENTS
Les nausée et les vomissements
Ils imposent de contrôler la position de la sonde, en particulier de vérifier l'absence d'enroulement dans bouche... Une osmolarité élevée impliquera une dilution de la supplémentation et une augmentation progressive de la concentration
Les diarrhées
Elles sont assez souvent en rapport avec un problème technique, débit trop rapide, quantité prescrite trop importante, osmolarité élevée. Rarement une infection ou une intolérance au lactose sont en cause. Parfois, elles sont révélatrices d'une anomalie abdominale sous-jacente, en particulier un état sub-occlusif dans le cas des carcinoses péritonéales.
Mise à jour
7 avril 2010