help

La classification biomoléculaire

Quelques définitions utiles pour la suite...

LES ALTÉRATIONS MOLÉCULAIRES

Elles se retrouvent uniquement au niveau des cellules tumorales et sont impliquées dans la cancérogénèse. Elles ont un rôle à la fois pronostic et dans la réponse ou la toxicité des chimiothérapies.
Les altération constitutionnelles sont détectées dans le sang. Ces altérations génétiques présentes au niveau de toutes les cellules de l’organisme et sont le substrat des syndromes de prédisposition héréditaire. Elles jouent aussi un rôle important dans la réponse et la toxicité des chimiothérapies.

LES MARQUEURS MOLÉCULAIRES

La recherche des marqueurs "diagnostic" a pour objectif soit d'éviter la survenue de la maladie ou de permettre un diagnostic plus précoce permettant un traitement à visée curatrice.
Les marqueurs "pronostic" d'affiner la stratégie thérapeutique, comme, par exemple, de préciser l'intérêt d'une chimiothérapie adjuvante.
Les marqueurs "prédictifs" de la réponse et de la toxicité des chimiothérapies et des thérapies ciblées, permettent un traitement “personnalisé”.

Que veut dire dMMR/MSI ?

GLOBALEMENT

Les erreurs de réparation des mésappariements de l’ADN
Le maintien de l’intégrité génétique est un processus central de la viabilité cellulaire qui est permis par un large réseau de voies de réparation. Lorsque ce système de réparation est défectueux, il génère une instabilité génomique et entraîne une accumulation d’aberrations chromosomiques et de mutations qui peuvent alors être responsables de divers phénotypes cliniques dont la susceptibilité à développer un cancer.
La découverte, il y a 25 ans, d’un lien entre la survenue de certains cancers et l’existence d’anomalies du système de réparation des erreurs de réplication de l’ADN (système MMR pour mismatch repair) a ouvert un champs de recherches important. 
Lors de la réplication de l’ADN, nécessaire à la division cellulaire, des mésappariements peuvent survenir (T=G au lieu de T=A par exemple)...
Un complexe protéique est alors nécessaire pour réparer ces mésappariements. Ce complexe inclus, entre autre, les protéines MLH1, PMS2, MSH2 et MSH6. Ce système est dénommé système MMR (MisMatch Repair). Il est indispensable au maintien de l’intégrité génétique de la cellule et permet de repérer et réparer les erreurs d’appariements nucléotidiques du brin d’ADN nouvellement synthétisé. 

Lorsque l’une des protéines du complexe MMR est non fonctionnelle
Le système de réparation des mésappariements est alors dit déficient (phénotype dMMR). 
Dans les tumeurs, le système MMR peut être défaillant, permettant la survenue d’anomalies génétiques très nombreuses dans les cellules tumorales et conduisant à une instabilité de l’ADN avec accumulation de mutations somatiques (c’est-à-dire présentes dans les cellules tumorales), en opposition aux mutations constitutionnelles (présentes dans toutes les cellules de l’individu). 
Un complexe MMR déficient est associé à une accumulation d’erreurs dans la réplication de l’ADN, essentiellement au niveau des microsatellites, conférant une instabilité microsatellitaire (MSI) et une augmentation du risque de cancer. La biologie moléculaire est capable de détecter cette instabilité des microsatellites.

LORSQUE QUE LE SYSTEME EST DEFICIENT...

Lorsque le système de réparation de l'ADN, MMR, est déficient, les erreurs survenues au cours de la réplication de l’ADN s’accumulent particulièrement dans les régions microsatellitaires, ce qui aboutit à une instabilité des microsatellites (MSI). La déficience du système MMR n’est pas un mécanisme de cancérogenèse mais elle peut être responsable de la survenue de différents types de cancers par accumulation d’erreurs dans des séquences d’ADN. Ces erreurs peuvent être activatrice d’oncogènes ou inhibitrices de gènes suppresseurs de tumeurs. L'instabilité des microsatellites (MSI) est fréquente dans les cancers et peut être la conséquence :

  • D'une mutation constitutionnelle d’une des protéines du système de réparation de l'ADN, MMR (MLH1 et MSH2>>MSH6>>>PMS2) ou du gène Epcam. C'est le cas dans le syndrome de Lynch/HNPCC.
  • D'une altération épigénétique, le plus souvent par hyperméthylation du promoteur du gène MLH1, c'est le cas des cancers MSI sporadiques

Peut être cinq maladies différentes...

LE CONTEXTE...

Sur le plan anatomo-pathologique, les cancers colorectaux sont dans plus de 95 % des cas, des adénocarcinomes. La biologie moléculaire a permis, plus récemment, de montrer des voies de carcinogenèse particulières, dont deux voies moléculaires majeures : l'instabilité chromosomique et l'instabilité des microsatellites (MSI). Ces deux voies sont toutes deux caractérisées par l'accumulation d'altérations génétiques somatiques, responsables de la carcinogenèse, puis de la progression de la maladie.

L'INSTABILITÉ MICROSATELLITAIRE (MSI)

Les microsatellites
Ce sont des petites séquences d'ADN, non codantes, réparties aléatoirement dans le génome. Elles sont souvent caractérisées par des répétitions d'une base ou de deux bases ou bi-nucléotide, identiques, comme par exemple, ACACACACAC..., voir plusieurs bases.
Au cours de la réplication de l'ADN, se glissent fréquemment des erreurs d'appariement des bases induisant des erreurs de séquence au sein de l'ADN répliqué.
Lors du processus normal de réparation de l'ADN, ces erreurs sont automatiquement corrigées, en cours de réplication, par un ensemble coordonné de protéines : les protéines du système MMR (Mismatch Repair). Cette correction assure, ainsi, la préservation de la séquence de l'ADN qui sera transmis aux cellules filles.
Non réparées, ces erreurs, aboutissent à des mutations fonctionnelles des gènes de réparation de l'ADN (DNA mismatch-repair genes).
Ces variations de séquence au niveau des microsatellites, identifiables par techniques de biologie moléculaire à base de PCR, se nomment : instabilité micro-satellitaire (IMS) ou MSI en anglais (MicroSatellite Instability.

Le système biologique de réparation des erreurs
Il est constitué d'une famille de protéines, les protéines du système MMR, dont les principales sont les MSH2, MLH1, MSH6, PMS1, PMS2, etc. Les gènes codant pour ces protéines sont respectivement les gènes hM6H2 , hMLH1Le phénotype est défini par le niveau d'instabilité de l'ADN microsatellitaire (MSI) et est stratifié en trois stades selon le Bethesda Panel :

  • IMS élevé (MSI-H) déterminé par la présence d'au moins deux microsatellites instables sur cinq testés (15 % des cas)
  • IMS bas (MSI-L) lorsque le taux d'instabilité est d'un microsatellite sur cinq
  • IMS stable (MS-S) lorsque aucun microsatellite instable sur cinq testés n'est retrouvé.  Dans ce cas, le cancer est généralement proximal, en amont de l’angle gauche et touche préférentiellement le sujet âgé.


LE PHÉNOTYPE "CIMP"

Les ilots CpG correspondent à des séquences nucléotidiques localisées dans la région promotrice des gènes* et caractérisées par une répétition du motif Cytosine-Guanine (CpG). La méthylation des cytosines de ces séquences est responsable d'un défaut d'expression des gènes correspondant.
Le phénotype CpG island methylator phenotype (CIMP) comporte, aussi, trois niveaux d'expression : CIMP haut (CIMP-H) , CIMP bas et CIMP-négatif (CIMP-neg)

LES CHIFFRES...

Près de 20 % des cancers colorectaux présentent une instabilité microsatellitaire, (MSI+ve) et un quart d'entre eux sont avec une une instabilité chromosomique (CIN+ve).
Environ 60 % des cancers du côlon présentant une instabilité chromosomique, CIN+ve
Environ 20 % sont associés à un phénotype CpG island methylator phenotype, CIMP+ve. 

 

* Région de l'ADN située à proximité d'un gène et indispensable à la transcription de l'ADN en ARN

Critères de Bethesda pour la recherche d'une instabilité des microsatellites

  • Patient de < 50 ans
  • Tumeur colorectale synchrone ou métachrone ou d'une autre tumeur du spectre HNPCC quelque soit l'âge.
  • Histologie évocatrice de MSI chez un patient < 60 ans
  • Un parent du 1er degré a une tumeur du spectre HNPCC + un des cancers diagnostiqué avant 50 ans
  • Deux parents du 1er ou du 2ème degré ont une tumeur du spectre HNPCC, quelque soit l'âge

Consensus molecular subtypes - CMS

Comme les cancers du côlon sont un groupe de maladies hétérogènes, un consortium international d'experts a réussi à dégager 4 grands sous-types de cancer colorectaux, classifiés, CMS1 à 4 et caractérisés par des facteurs moléculaires, biologiques et cliniques, et des pronostics particuliers...

 

Sous-type (%)

Caractéristiques

Pronostic

 CMS1 (14 %)
 MSI/tumeurs immunogènes

  • Côlon droit
  • Sexe féminin
  • Age élevé
  • Haut grade
  • MSI (microsatellite instable), hypermuté 
  • BRAF muté
  • Activation immunitaire
  • Meilleure survie sans récidive (SSR)
  • Survie globale (SG) intermédiaire
  • Mauvaise survie après rechute (SAR)
  • Peu chimiosensible

 CMS2 (37 %)
Canonique

  • Côlon gauche
  • Phénotype épithélial
  • Haut grade
  • MSS
  • CIN high, P53 muté
  • EGFR surexprimé/amplifié
  • Activation de la voie WNT/CMYC
  • SSR intermédiaire
  • Meilleure survie globale et après rechute
  • Chimiosensible

CMS3 (13 %)
Métabolique

  • Type épithélial avec dérégulation des voies du métabolisme
  • MSS 90%
  • Taux élevé d'altération du nombre de copies (SCNA)
  • KRAS muté
  • MYC amplifié
  • IGFBP2 surexprimé
  • Survie globale, sans récidive et après rechute intermédiaires

 CMS4 (30 %)
Mésenchymal

  • Forte infiltration stromale
  • Jeune âge
  • Stades avancés (III/IV)
  • CIN/MSI
  • Voie TGFβ/VEGF activée conduisant à une immunosuppression
  • NOTCH3 surexprimé
  • Mauvaise SSR
  • Mauvaise OS
  • SAR intermédiaire
  • Peu chimiosensible

Non classés (21 %)

 

SSR, OS et SAR intermédiaires

 

 

Une nouvelle classification

Les cancers de type "stem-like" (cellules ressemblant à des cellules souches)
Ils sont caractérisés par une expression des facteurs de transduction de la voie « Wnt *» associée à la présence de cellules souches, de cellules myoépithéliales et mésenchymateuses et une faible expression des gènes de différenciation. Le point de départ de la maladie se situe au fond de la villosité colique. La stratégie du traitement nécessiterait un traitement adjuvant systématique. Le pronostic de la maladie serait plus réservé.

Les cancers de type inflammatoire
Ils comportent une expression élevée de chimiokines et des gènes impliqués dans la production d’interféron. Le protocole de traitement inclurait un traitement adjuvant. Le pronostic serait intermédiaire.

Les sous types «transit amplifying»
Il comporte une expression variables des gènes des cellules souches et des éléments du système de transduction du Wnt. Dans ce sous-groupe, on distingue les tumeurs :
- Résistantes au cetuximab (Erbitux™) qui peuvent émerger de n'importe quelle partie de la crypte colique. Elles ne bénéficieraient pas d'un traitement adjuvant et seraient de pronostic réservé.
- Sensibles au cetuximab, peuvent émerger de n'importe quelle partie de la crypte colique. Elles ne bénéficieraient pas d'un traitement adjuvant mais seraient de bon pronostic.

Les cancers à cellules en gobelet
Ce sous-type est définit par une forte expression de l'ARNm spécifique de ce type de cellules : MUC2 et TFF3. Elle émergent au sommet des cryptes coliques. Ils ne bénéficieraient pas d'un traitement adjuvant et seraient de bon pronostic.

Les cancers à cellules de type entérocyte
Le sous-type à cellules de type « entérocyte », est définit par une forte expression de gènes spécifiques des entérocytes. Elle émergent au sommet des cryptes coliques. Elles bénéficieraient d'un traitement adjuvant et seraient de pronostic intermédiaire.

* Les Wnt constituent une grande famille de glycoprotéines, facteurs de croissance qui jouent un rôle dans les développements embryonnaires, mais aussi dans l'entretien, le renouvellement des tissus adultes. Ils se lient aux récepteurs Fizzled et agissent de façon paracrine pour initier différentes voies de transduction.
La signalisation Wnt (combinaison de 2 dénominations Wng - Wingless) chez la drosophile et Int chez la souris) joue un rôle important dans le développement fœtal, le maintien des cellules souches (dans l’intestin par exemple) et la cancérogenèse. En 1982, Wnt1 a été initialement identifié chez les vertébrés comme un oncogène du cancer du sein, avant que l’on se rende compte qu’il s’agissait d’un orthologue (gènes similaires présents chez deux espèces différentes) de Wingless connu pour son rôle dans la polarisation des segments selon l’axe antéro-postérieur. Enfin, dans 90% des cancers colorectaux une altération génétique des facteurs de la voie Wnt est mise en évidence. 

 

@ Référence : Nature Medicine 2013;5:619-25

Des applications d'ores et déjà dans la prise en charge de ces découvertes...

Toutes ces classifications très complexes sont des éléments fondamentaux pour l'avenir permettant une médecine de "précision" et personnalisée. A une tumeur donnée, une stratégie thérapeutique plus adaptée et mieux tolérée...
Plusieurs études scientifiques ont montré un meilleur pronostic de la maladie chez des patients porteurs d'une tumeur MSI par rapport aux tumeurs MSS (stabilité des microsatellites), indépendamment des autres facteurs pronostiques. Cette notion est encore controversée et est en cours de validation.
Les études ont montré pour la classification la plus récente aussi une bonne corrélation avec le pronostic. Elles contribuent au choix du meilleur traitement.

Par exemple, le statut MSI influence la réponse aux chimiothérapies... Des études ont mis en évidence, pour les tumeurs MSI, une diminution de l'efficacité du 5-fluorouracile (5-FU) et une augmentation de la réponse à l'irinotécan.

Les mutations RAS (RASM) concernent la moitié des cas de cancers colorectaux. C’est un facteur prédictif majeur de non-réponse à un traitement par anti-EGFR. Dans ce cas, l’utilisation du cetuximab ou du panitumumab en situation métastatique n’est pas utile et pourrait même être délétère.

La mutation BRAF est retrouvée dans environ 5 à 10 % des cancers colorectaux. Elle est associée à un pronostic réservé pour les tumeurs métastatiques quel que soit le traitement reçu. De ce fait, la quadrithérapie FOLFOXIRI (FOLFOX + irinotécan) + bévacizumab est devenue le traitement de première ligne des patients métastatiques BRAF mutés

Mise à jour

7 décembre 2023