Techniques ablatives transcutanées
Les techniques actuelles validées
Ce sont des techniques alternatives à la chirurgie simples et habituellement bien tolérée, même chez les sujets fragiles. Elles ont comme avantage de préserver le parenchyme hépatique non tumoral.
On peut, techniquement utiliser cinq types différents d'énergies pour détruire la tumeur. Il existe deux stratégies de destruction : les ablations radiaires centrifuges, du centre de la tumeur vers la périphérie ou convergentes centripètes, de la périphérie vers le centre de la tumeur.
La destruction percutanée de la tumeur par la chaleur
LE PRINCIPE DE LA RADIO-FRÉQUENCE UNIPOLAIRE
C’est devenue la méthode de première intention car elle est plus performante, en termes de survie sans récidive et qui nécessite moins de séances que les autres techniques.
La sonde émet un courant alternatif de 300 à 500 kHz de haute énergie, 100 à 200 w qui est appliquée directement au niveau de la tumeur dans laquelle l'électrode est insérée.
Ce courant produit une agitation ionique et élève la température. Il détruit alors la tumeur par coagulation/nécrose dès 60°C, en quelques secondes.
LES INDICATIONS ACTUELLES
C'est une technique validée pour le traitement des tumeurs, primitives du foie mesurant 3 cm au plus et de nombre inférieur à 4 qui peut constituer une alternative à une hépatectomie partielle, ce d'autant qu’il existe une hypertension portale, ou que la fonction hépatique est limite.
Elle ne requiert, dans la plupart des cas qu’une seule application
La recherche clinique a démontré la supériorité de la radiofréquence sur l’alcoolisation en termes de contrôle local de la maladie, de survie sans récidive et de survie globale.
L'INTERVENTION
La technique
L’électrode est insérée, soit au travers de la peau après un repérage précis par échographie, soit au décours d’une intervention.
Le courant est délivré pendant une durée comprise entre 15 et 20 minutes par nodule. Si la tumeur est volumineuse (> 3 cm), une aiguille tripode est utilisée Après arrêt du courant et de la pompe de refroidissement, la température au contact de l’extrémité de l’électrode doit être supérieure à 60 °C. Une destruction thermique par RF du trajet de l’aiguille est effectuée lors du retrait de celle-ci.
En pratique...
L'intervention se fait au bloc opératoire dans des conditions d’asepsie très rigoureuses en raison du risque de surinfection de la nécrose.
Comme la destruction de la tumeur par cette technique est douloureuse, elle nécessite soit une neurolept-analgésie avec anesthésie locale, soit une anesthésie plus profonde. Si le geste risque d’être plus douloureux, plus de trois nodules, nodule sous-capsulaire ou supérieur à 4 cm, une anesthésie générale sera proposée.
Selon les équipes, vous serez hospitalisé une nuit à l’hôpital ou simplement en hôpital de jour, en l’absence de complication.
Après l’intervention, des médicaments contre la douleur vous seront prescrits ainsi qu’un traitement antibiotique systématique pendant trois jours, en raison du risque de surinfection de la nécrose.
Une fois rentré chez vous, il est possible que vous ressentiez une certaine douleur, parfois accompagnée d’un peu de fièvre, pendant les deux premiers jours.
Les patients, pour la plupart, ne ressentent pas d’effets secondaires significatifs, cependant, en fonction de la taille et de la localisation de la tumeur traitée, certaines personnes sont fatiguées.
Vous devriez pouvoir reprendre une vie normale deux jours après l‘intervention, en fonction de votre état.
La méthode est relativement bien tolérée avec, cependant, dans certains cas, des douleurs et des modifications des tests hépatiques.
LES AUTRES TECHNIQUES VALIDEES
La radiofréquence multipolaire consiste à cerner la masse tumorale par deux ou trois sondes péri-tumorales. Le courant électrique entre les sondes induit une nécrose de la tumeur.
Une thermothérapie obtenue grâce à l’utilisation de micro-ondes (HiTT) qui est une technique qui a été développée au début des années 80. Les générateurs produisent des micro-ondes de 2450 MHz avec une longueur d’onde de 12 cm.
Ces interventions peuvent se pratiquer, à travers la peau (transcutanée), au décours d’une laparoscopie ou, enfin, lors d’une intervention nécessitant une laparotomie.
Des études sont en cours pour préciser les indications de ces techniques et leur degré de sécurité.
LA DESTRUCTION PAR LE FROID : CRYOTHÉRAPIE
La cryothérapie ou cryo-ablation est une option récente développée pour le traitement des petites tumeurs de moins de 6 cm. La cryothérapie utilise le froid (azote liquide à –200°C) pour détruire la tumeur.
La sonde, contenant la source de froid et guidée par échographie, est mise au contact de la tumeur qui est ensuite détruite.
Cette technique est réalisée au décours soit d'une laparoscopie soit d'une laparotomie sous anesthésie générale.
Les indications des techniques ablatives (d'après FMC d'hépato-gastro-entérologie)
Stratégie |
Technique |
Thermique |
Nombre d’applicateurs |
Indications |
---|---|---|---|---|
Radiaires centrifuges |
Radiofréquence monopolaire |
Oui |
1 à 3 |
Maximum 3 tumeurs nodulaires <<3 cm |
Micro-ondes |
Oui |
1 à 3 |
< 5 tumeurs nodulaires < 3 cm ou une tumeur unique nodulaire < 5 cm |
|
Laser |
Oui |
2 à > 6 |
< 5 tumeurs nodulaires < 3 cm ou une tumeur unique nodulaire < 5 cm |
|
Cryothérapie |
Oui |
2 à > 6 |
< 5 tumeurs nodulaires < 3 cm ou une tumeur unique nodulaire < 5 cm ou tumeur en situation critique près de structures vitales |
|
Centripètes Convergentes |
Radiofréquence multipolaire |
Oui |
2 à 6 |
< 3 tumeurs nodulaires < 3 cm ou une seule tumeur nodulaire < 4 cm ou une tumeur infiltrante envahissant jusqu’à deux segments |
Electroporation irréversible |
Non |
2 à 6 |
< 3 tumeurs nodulaires < 2.5 cm ou une seule tumeur nodulaire < 6 cm avec ou sans atteinte portale ou une tumeur en situation critique centrale ou périphériques < 5 cm. |
La chimio-embolisation
DE QUOI S'AGIT-IL ?
Le principe du traitement par chimio-embolisation
Il n'est possible que de par la nature essentiellement artérielle de la vascularisation tumorale du carcinome hépatocellulaire qui est exclusivement artérielle.
Il s’agit d’une technique de radiologie interventionnelle loco-régionale qui consiste en l’association d’une chimiothérapie intra-artérielle (doxorubicine) et d’une embolisation artérielle, le plus souvent par gélatine résorbable ou par microparticules. L’ischémie tumorale induite par l’embolisation augmente le temps de contact de la chimiothérapie avec les cellules tumorales et potentialise la nécrose tumorale.
Les techniques actuelles
- La TAE (transarterial embolisation) consiste en une embolisation artérielle pure sans injection de chimiothérapie
- La chimio-embolisation lipiodolée (CEL)
- La TACE (transarterial chemotherapy and embolisation) qui correspond à la chimio-embolisation classique comprenant, une fois le cathéter en place, l’administration d’une chimiothérapie, en général de la doxorubicine émulsionnée à du Lipiodol™ ultra-fluide suivie d’une embolisation artérielle.
- La chimioembolisation aux microparticules est une alternative plus récente à la chimio-embolisation conventionnelle. Elle consiste en l’administration de microparticules ou « billes » dans lesquelles un médicament, tel que la doxorubicine, a préalablement été « chargée ».
LES INDICATIONS ACTUELLES
La chimio-embolisation hépatique est le traitement le plus utilisé à travers le monde pour les patients avec les tumeurs qui ne sont pas candidates à des thérapies chirurgicales ou ablatives. Cette option thérapeutique peut être proposées dans plusieurs situations pour un cancer du foie asymptomatique et multinodulaire, hypervascularisé, sans signe d’insuffisance hépatocellulaire sévère et sans maladie associée extra-hépatique, pour les formes uninodulaires de plus 5 cm de diamètre, ainsi que pour les cancers de petite taille : unique < 5 cm, ou multiple avec 2 ou 3 nodules < 3 cm, en attente d’une transplantation hépatique
LA CHIMIO-LIPIO-EMBOLISATION
La technique
Le Lipiodol™, produit à base d'iode, est injecté dans l'artère hépatique qui nourrie le foie. Il se fixe à plus de 75 % dans le foie et il y demeure plusieurs semaines. Il se fixe aussi au niveau de la tumeur. Il peut être associé à différentes substances de chimiothérapie comme la doxorubicine ou le cisplatine.
Couplée à l'embolisation cette technique permet de réduire le volume de la tumeur chez plus de 50 % des patients.
La chimio-lipio-embolisation peut être renouvelée tous les deux mois.
Les indications actuelles sont :
- Les carcinomes multifocaux, pour lesquels un traitement chirurgical ou par radiofréquence ne peut être proposé.
- Dans l'attente d'une transplantation, en présence de lésions évolutives
- En association avec la radiofréquence hépatique pour des lésions de plus de 3 cm de diamètre
- En préparation à une hépatectomie réglée chez des patients cirrhotiques en association avec une embolisation portale
Elle nécessite une surveillance clinique et biologique stricte...
Le syndrome post chimio-embolisation est un effet quasi attendu de la chimio-embolisation hépatique. On l’observe dans 50 à 90 % des cas. Il persiste de deux à quatre jours et se manifeste par une fièvre, des douleurs, nausées et vomissements.
Les complications de la chimio-embolisation sont de gravité variable. Les abcès sont plus fréquents chez les patients avec anastomose bilio-digestive ou sphinctérotomie. L es complications biliaires sont plus fréquentes chez les patients avec thrombose artérielle qui est souvent secondaire à des chimio-embolisations répétées. Les complications extra-hépatiques, cholécystite, pancréatite, ulcère gastrique sont favorisées par les variantes artérielles hépatiques.
L’altération des fonctions hépatiques est transitoire et se manifeste par des transaminases élevées parfois un ictère ou une ascite. Le retour à la normale s’observe en deux à trois semaines.
LA CHIMIO-EMBOLISATION ARTERIELLE PRE-OPERATOIRE (TACE)
Elle a pour but de provoquer une nécrose de la tumeur. Cette nécrose tumorale, en diminuant la taille de la tumeur, pourrait aboutir à augmenter les possibilités de résection et de réduire la migration de cellules tumorales pendant la résection.
Les techniques modernes font appel à l'utilisation de microbilles chargées de doxorubicine (DCBeads™). Des études sont en cours, pour valider le bien fondé de cette approche.
LA CHIMIOTHÉRAPIE INTRA-HÉPATIQUE
Elle consiste à administrer, au décours d’une intervention chirurgicale, directement dans l’artère hépatique le médicament anticancéreux. Ainsi, le 5-FU, le cisplatine, la mitoxantrone, la floxuridine et la doxorubicine ont été administrés seuls ou associés par cette technique. Plus récemment une association FOLFOX (5-FU, oxilaplatine).
Des essais thérapeutiques sont en cours pour valider l’intérêt de cette technique et pour préciser les indications pour son utilisation.
Les effets secondaires, à type de fièvre supérieure à 38°C, de douleurs abdominales et de vomissements sont fréquents. Ils peuvent être prévenus par des traitements appropriés.
Les complications hémorragiques (ulcérations gastriques ou duodénales) et infectieuses (cholécystite, abcès) sont rares.
La défaillance hépatique représente la complication la plus grave mais est exceptionnelle.
La destruction de la tumeur par l’occlusion de l'artère hépatique
POSSIBLE GRACE À LA DOUBLE VASCULARISATION DU FOIE
Le foie possède deux sources de sang, celui venant de l'artère hépatique et celui venant de la veine porte. La vascularisation des hépatocytes, est essentiellement assurée par le sang venant de la veine porte.
La vascularisation du carcinome hépatocellulaire est exclusivement artérielle... C’est le rationnel des thérapies endo-artérielles comme l’embolisation, la chimio-embolisation et la radio-embolisation ainsi que des thérapies ciblées inhibant l’angiogenèse.
LES TECHNIQUES
Deux méthodes consistent à supprimer l'apport de sang de la tumeur en obstruant son artère nourricière, lors d’une intervention. Il s’agit de :
- La ligature de l'artère hépatique,
- L’embolisation de l’artère hépatique à l’aide d’une injection de Spongel™ ou des morceaux de gélatine d'origine non bovine
LES INDICATIONS ACTUELLES
Selon les recommandations actuelles, c'est un traitement de première ligne pour contrôler les formes plus avancées de la maladie présentant plusieurs nodules (multinodulaires). Elle n'est possible qu'en l’absence de métastase et d’atteinte de la veine porte, chez les malades dont la fonction hépatique est Child-Pugh A ou B, qui sont asymptomatiques et en bon état général.
Des anciennes techniques comme la destruction de la tumeur par une injection intratumorale
AVEC DE L'ÉTHANOL (PEI)
Cette technique consistait en l'injection d'alcool absolu dans la tumeur. L'injection était guidée par échographie et ne nécessitait qu'une anesthésie locale.
L'alcool ainsi injecté dans la tumeur entraîne une déshydratation et une nécrose de la tumeur.
En cas de petite tumeur (< 3 cm), cette technique, répétée plusieurs fois, permettait une destruction de la lésion.
Pour mettre en œuvre le traitement, il faut que la tumeur soit visible en échographie et soit accessible à la ponction. De 5 à 10 cm3 d’alcool sont alors injectés dans la tumeur. Cette injection est ensuite répétée tous les 2 à 4 jours.
AVEC DE L'ACIDE ACÉTIQUE (PAI)
L’acide acétique à 50 % s’injecte soit en deux à trois sessions à la dose moyenne de 1,4 ml, soit en une seule session, en injectant de 4 à 11 ml par session. Elle s’adresse aux tumeurs uniques de moins de 3 cm.
Cette technique ne nécessite qu'une anesthésie locale et traitement pour prévenir et traiter la douleur. La technique est très proche de celle de l’alcoolisation. La ponction s’opère sous contrôle échographique, avec apparition d’une zone hyperéchogène lors de l’injection. L’injection est arrêtée en cas de douleur ou de passage de produit de contraste dans les voies biliaires ou la veine porte. L’aiguille est laissée en place quelques minutes avant le retrait, pour éviter les fuites péritonéales d’acide acétique.
En post-procédure, des douleurs sévères, dans environ 10 % peuvent apparaitre et seront traitées immédiatement, ainsi qu’une poussée de fièvre. Les autres problèmes sont exceptionnels.
La radio-embolisation
Cette technologie associe une radiothérapie « interne » et une micro-embolisation.
C'est une nouvelle méthode de traitement consiste en l’injection intra-artérielle hépatique de microsphères à base de résine porteuses d’yttrium 90, émettrices de rayonnement bêta. L'yttrium-90 est une source radioactive ayant une demi-vie (2,67 jours) et une distance de pénétration dans les tissus (2,5 mm en moyenne) courtes.
L’intérêt de cette méthode est l’absence de nécessité d’isoler le patient en chambre plombée.
Cette technique nécessite deux artériographies, la première occluant les artères collatérales. Lors de la seconde, l'injection des microsphères se dirige uniquement dans le foie. La méthode est générale bien tolérée.
La place de la radio-embolisation est actuellement évaluée dans des essais thérapeutiques.
Mise à jour
1er août 2022