Cancer du cavum (rhinopharynx et UCNT)
Rhinopharynx (cavum), nasopharynx, épipharynx...
ANATOMIQUEMENT
Le cavum constitue la partie supérieure du pharynx. Il mesure chez l’homme adulte 40 mm de large, 30 à 40 mm de hauteur et 20 mm de grand axe antéropostérieur.
Il est situé sous la base du crâne et est compris entre les choanes du nez, en avant et le rachis cervical haut en arrière. Il est caché à l’observateur par le rideau vélo-palatin. Sa taille et sa forme évoluent avec l’âge. Il est de forme parallélépipèdique.
Sa limite inférieure est constituée par un plan horizontal passant par le palais dur. Il s’ouvre en bas directement dans l’oropharynx. Sa paroi latérale est musculo-aponévrotique. Sa paroi antérieure est constituée par les choanes et la face postérieure du voile du palais. Sa paroi postéro-supérieure présente une formation lymphoïde (végétations adénoïdes).
La muqueuse du cavum est un épithélium de type respiratoire riche en éléments lymphoïdes.
SA VASCULARISATION
Il est vascularisé par des branches collatérales de l’artère carotide externe.
Les voies de drainage lymphatiques du cavum sont communes à celles des cavités nasales. Le réseau lymphatique est très riche au niveau du toit et des parois latérales du cavum. En cas de cancer du cavum le drainage lymphatique se fait vers trois relais principaux (avec possibilité de saut de relais). Le caractère croisé des voies lymphatiques explique la fréquence des adénopathies bilatérales en cas de cancer du cavum.
Un cancer particulier ...
ÉPIDÉMIOLOGIE
Variable selon les pays
Globalement dans le monde, GLOBOSCAN, estime, en 2022, le nombre de cas incidents à 120 500 dont 85 % d'hommes.
Dans les zones à haut risque, l'incidence annuelle pour 100 000 personnes incidence varie de 30 à 80. Elles concernent l'Asie du Sud-Est : sud de la Chine, population cantonaise , Hong-Kong. Dans ces régions, il s’agit de l’affection maligne la plus fréquente.
Dans les zones à risque intermédiaire, l'incidence annuelle est de 10 pour 100 000 personnes. Cela concerne l'Afrique du Nord et le Moyen Orient, le pourtour méditerranéen Taiwan, Vietnam, Philippines, Indonésie, Malaisie, Thaïlande / Inuits du Groenland / Eskimos d’Alaska.
Les zones à risque faible ont une incidence annuelle pour 100 000 personnes variant de 0,5 à 2 cas dans les zones à faible endémie, à 30 à 80 cas dans les zones de forte endémie. la France appartient à cette classe avec, annuellement, moins d'un cas pour 100 000 habitants.
Qui est affecté ?
Le pic se situe vers 40–50 ans, avec une distribution souvent bimodale : 20–30 ans et après 50 ans. Comme pour tous les cancers de cette région, l’homme est plus fréquemment touché que la femme (sexe ratio : 2,5–3).
LA OU LES CAUSES
Le virus d'Epstein-Barr (EBV : Epstein-Barr Virus)
L'EBV est la cause de la mononucléose infectieuse (MNI) qui est une maladie bénigne de l’enfance et de l’adolescence.
Dans ce type de cancer, il est pratiquement toujours retrouvé et s'accompagne d'une augmentation des taux d'anticorps anti-EBV. Cependant, sa causalité n’a encore jamais été clairement établie.
Il faut souligner que la maladie n'apparaît qu'à l'occasion d'un certain nombre de circonstances locales favorisantes supplémentaires, comme des infections ORL répétées et certaines habitudes alimentaires, comme le poisson séché en Asie.
L'infection à Papillomavirus (HPV16)
Une infection par l'HPV16 est retrouvée dans 85 % des cas, selon certaines études scandinaves. Actuellement, le taux séropositivité HPV dans les cancers ORL varie entre 20 et 50 % selon les études. Dans toutes les études le sérotype 16 est le plus fréquent.
L’infection par HPV pourrait être liée, principalement, à des comportements sexuels à risque bien qu’une autre voie de contamination ne peut être exclue. Elle surtout dangereuse lorsqu'elle est associée au tabac.
Les autres facteurs
Aucune relation avec l'intoxication alcoolo-tabagique, habituellement rencontrée dans les autres cancers ORL, à l'exception des cancers des cavités aériennes de la face, n'est retrouvée pour cette maladie.
LES FORMES DE LA MALADIE
LA CLASSIFICATION DE L'OMS
La classification internationale de l'OMS distingue :
- Type 1 : carcinome épidermoïde kératinisant, se voit surtout dans les régions du monde à très faible incidence.
- Type 2 : carcinome épidermoïde non kératinisant (15 à 20% des cas).
- Type 3 : UCNT (Undifferentiated Carcinoma Nasopharyngeal Type) d'origine épithéliale (non kératinisant) avec un stroma lymphoïde caractéristique qui représente entre 65 % (Amérique du Nord) et 95 % (Chine) des cas et qui est en étroite liaison avec l’infection par le virus Epstein Barr (EBV)
- Les lymphomes représentent environ 20 % des cas.
Les carcinomes du cavum sont très lymphophiles et s’accompagnent d’adénopathies dans 60 % à 80 % des cas, souvent bilatérales
LES FORMES EN RELATION AVEC UNE INFECTION À HPV
Les tumeurs induites par l’HPV sont différentes des autres carcinomes. Elles sont plus souvent de petite taille (T1/T2) mais associée à une atteinte ganglionnaire plus marquée (N2/N3).
En général, leur pronostic est plus favorable que pour les tumeurs non HPV-induites avec un meilleur contrôle locorégional, un allongement de la survie sans progression et une réduction du risque de décès toutes causes confondues. Néanmoins, ce pronostic plus favorable est atténué voire annulé en cas de consommation tabagique.
LES SYMPTÔMES
Les cancers de l’oropharynx se manifestent habituellement par une dysphagie haute (difficulté à avaler), une otalgie unilatérale et, assez souvent, par une adénopathie cervicale isolée, quelquefois bilatérale. Parfois une triade " caractéristique", amène à consulter le médecin ORL :
- Une obstruction nasale traînante
- Des saignements de nez ou épistaxis
- L'apparition d'une perte de l'audition ou d'une surdité unilatérale ou une otite séreuse unilatérale
Plus rarement, les signes peuvent être neurologiques avec atteinte d'un ou plusieurs nerfs crâniens en particulier le III, le IV, le V le VI, le IX, le X, le XI. Dans environ 40 % des cas, il peut s'agir d'une adénopathie cervicale apparemment isolée.
Le diagnostic
Le bilan initial
La rhinoscopie antérieure se fait après rétraction de la muqueuse par un anesthésique local associé à un vasoconstricteur. La rhinoscopie antérieure est en général négative sauf s’il existe une extension importante au niveau de la fosse nasale.
L'endoscopie naso-pharyngienne est la technique de choix pour voir le cavum, elle se fait à l’aide d’une optique ou un naso-fibroscope souple. Elle permet de préciser le point de départ de la tumeur, son volume, son aspect et surtout permet une une biopsie dirigée. La tumeur est souvent d’aspect bourgeonnant au niveau de la paroi postérieure, postéro-supérieure ou latérale, saignante au contact. L’endoscopie permet de préciser les extensions locales de la tumeur et surtout de pratiquer des biopsies. Il s'agit alors d'un UCNT dans 50 % des cas en France, de carcinomes épidermoïdes dans 35 à 40 % et de lymphomes dans 10 à 15 % des cas.
Le bilan d'extension
C'est un cancer très lymphophile et s’accompagne dans plus de 60 % des cas d'adénopathies.
De ce fait, le spécialiste recherchera d'éventuelles adénopathies et pratiquera un examen neurologique à la recherche d'une atteinte d'un nerf crânien. L'atteinte du nerf crânien III, du IV et du VI traduit un envahissement du sinus caverneux*, celle du V du foramen ovale**, celle du IX, X et du XI du trou déchiré postérieur.
L'imagerie médicale, scanner et/ou IRM permet de mettre en évidence une éventuelle extension à la base du crâne ou intracrânienne et de rechercher des métastases.
* Les deux sinus caverneux se trouvent des deux cotés de la selle turcique et sont reliés entre eux par les sinus intercaverneux antérieur et postérieur. Il contient la partie caverneuse de l'artère carotide interne et draine principalement le sang en provenance de l'hypophyse et de la veine ophtalmique supérieure.
** trou de la base du crâne, situé sur la face endocrânienne de la grande aile de l'os sphénoïde, par lequel passent le nerf mandibulaire (branche 3 du nerf trijumeau), et l'artère méningée accessoire.
Le bilan habituel
- Une rhinoscopie pour faire des biopsies de la lésion
- Une otoscopie à la recherche de liquide derrière le tympan (otite séro-muqueuse)
- Une pan-endoscopie sous anesthésie générale (bilan d’extension)
- Un bilan dentaire
- Une sérologie virale : anticorps anti-EBV + recherche virale dans les biopsies
- Une cavoscopie
- Une IRM de la région
- Un scanner cranio-cervico-thoracique
- Une scintigraphie osseuse
- Une TEP/TDM
Les valeurs T,N,M (UICC 8ème édition)
Tumeur T | Ganglions N | Métastase(s) à distance M |
---|---|---|
|
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Stadification AJCC/UICC (8ème édition)
Stade | Tumeur T | Ganglions N | Métastases M |
---|---|---|---|
0 | Tis | N0 | M0 |
I | T1 | ||
II |
T2 |
N0-1 |
|
III |
T1-T3 |
N2 |
|
IVA |
T4 |
N0/N1/N2 |
M0 |
LE TRAITEMENT...
LE CONTEXTE
La réunion de concertation multidisciplinaire (RCP)
Comme pour tous les cancers des VADS, les différentes alternatives et la stratégie de traitement sont discutées en RCP afin de proposer au patient un programme personnalisé de soin. Cette réunion est réalisée en présence des différents praticiens impliqués dans la prise en charge du patient: chirurgien, radiothérapeute, oncologue, radiologue, psychologue, anatomopathologiste, stomatologue.
Les spécificités
En raison de la situation anatomique, la chirurgie n’est pas une option habituelle. A l'opposé, il s’agit d’un cancer radiosensible : le contrôle local est de 80-90 % des cas de T1-T2 et 50-75 % des cas de T3-T4 en radiothérapie classique.
LA RADIOTHÉRAPIE
La radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI)
C'est la technique de choix. Elle permet une amélioration de la couverture dosimétrique tumorale avec une meilleure épargne des structures saines et des zones à risque. Le gain en toxicité salivaire est significatif par rapport à une irradiation conventionnelle et la qualité de vie améliorée à long terme.
La RCMI est souvent réalisée avec un fractionnement de type boost intégré (complément de dose sur le volume cible macroscopique simultané de l’irradiation prophylactique avec des niveaux de dose différents par fraction). La dose recommandée est de 70 Gy en 33 à 35 fractions réparties sur 7 semaines.
Elle traite la tumeur et les aires ganglionnaires.
Du fait de la situation anatomique du cavum et des nombreux organes à risque majeurs : le tronc cérébral et les voies optiques qui l’entourent, la technique de radiothérapie est complexe. Elle nécessite une préparation à l’irradiation avec des soins dentaires, confection de gouttière porte gel fluoré (pour prévenir les complications tardives à type d’ostéo-radionécrose) et des bains de bouche systématiques (pour prévenir la radiomucite).
La curiethérapie
Elle est peu utilisée. Elle peut être proposée en complément après une irradiation externe à doses complètes ou en rattrapage en cas de petite récidive superficielle. La dose varie entre 6 et 24 Gy en 2 à 5 fractions après la radiothérapie externe.
Des ré-irradiations externes à doses entières sont possibles en cas de récidives locales pas trop étendues.
LA CHIMIOTHERAPIE
Elle est très souvent préconisée car ce sont des tumeurs chimiosensibles. Les médicaments les plus utilisés sont inclus dans le protocole BEC (Bléomycine, Epirubicine, Cisplatine).
Elle est utilisée seule ou en association avec la radiothérapie (radiochimiothérapie concomitante). Elle est prescrite avant, pendant et-/ou après la radiothérapie. En cas de chimiothérapie/radiothérapie concomitantes, le cisplatine est préconisé et administré 1 fois par semaine (40 mg/m²) ou 1 fois toutes les 3 semaines (100 mg/m²).
EN FONCTION DES FORMES
Devant un carcinome indifférencié UCNT, le traitement habituel consiste en une radiothérapie - chimiothérapie concomitante qui peut être suivie d’un évidement ganglionnaire en cas de non-stérilisation ou de récidive ganglionnaire.
Face à un carcinome épidermoïde, une chimioradiothérapie concomitante qui peut être précédée d’un évidement ganglionnaires si la taille des ganglions est supérieure à 3 cm (N2 ou N3) représente l'option habituelle.
Chez l’enfant, une chimiothérapie sera proposée pour diminuer les doses d’irradiation délivrée sur la base du crâne.
Dans le cas d'un lymphome, c'est le traitement habituel des lymphomes, chimio- et/ou radiothérapie après un bilan d’extension complet qui sera proposé.
EN CAS DE RECHUTE
Dans ce cas les options thérapeutiques suivantes pourront vous être proposées à l'occasion de la RCP :
- Une ré-irradiation externe qui nécessitera alors une protection médullaire
- Une chimiothérapie radio-sensibilisante associée à une radiothérapie externe
- Une curiethérapie à iridium 192
- Très rarement une chirurgie, sauf en cas de reliquat ganglionnaire cervical
Traitement en fonction du stade
Stades |
Options habituelles |
---|---|
I - IIa |
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Stades IIB, III, IVA, IV B |
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Le pronostic
LES FACTEURS PRONOSTIQUES RECONNUS
- Le type histologique
- La charge virale mesurée dans le sang d'EBV et à un moindre degré ou la charge virale d'HPV
- Le degré d’extension initial avec notamment l’ostéolyse de la base du crâne, de pronostic sombre
LE PRONOSTIC
Tous malades confondus, le taux de survie à 5 ans est proche de 60 % ; meilleur chez les femmes. Si un contrôle local a été obtenu, le taux passe alors à près de 75 % (T1 ou T2 : 90 %; T3 ou T4 : 55-60 %). Selon les dernières statistiques, la survie nette à 10 ans est estimée à 42 %.
Le suivi
APRÈS LE TRAITEMENT
Un contrôle sera fait à 2 mois. Il comprend, en dehors de l'examen clinique, un examen naso-fibroscopique, une IRM et un bilan biologique standard.
PAR LA SUITE...
Le suivi standard
Il comprend un examen ORL avec cavoscopie tous les trois mois pendant trois ans, bilan tous les 6 mois jusqu’à 5 ans après rémission puis une surveillance clinique annuelle à vie.
- Radio pulmonaire annuelle.
- Surveillance endocrinienne hypophysaire : une fois par an
- Surveillance dentaire : deux fois par an
- Sérologie EBV si initialement positive : une ou deux fois par an.
Si vous êtes en rémission complète, une simple surveillance sera instituée à l'occasion des visites de suivi habituelles.
Il y a une récidive...
Les rechute se produisent essentiellement durant les 3 premières années post-thérapeutiques. Le taux de rechutes locales ou locorégionales est de l'ordre de 30 %. Elles sont, le plus souvent, locales et la maladie peut encore être contrôlée.
Mise à jour
30 septembre 2024