Les chimiothérapies ciblées
Le mirvetuximab soravtansine-gynx (Elahere™)
SON MODE D'ACTION
C'est anticorps monoclonal immunoconjugué dirigé contre le récepteur 1 du folate (FOLR1) associé à des tumeurs ovariennes), conjugué à une toxine, le maytansinoïde DM4.
Cet immunoconjugué cible et se lie à l’antigène FOLR1, puis est internalisé et scindé dans le cytoplasme pour libérer le maytansinoïde DM4 (ou ravtansine), qui se lie aux tubulines et perturbe l’assemblage des tubulines en microtubules. Ce processus conduit à l’inhibition de la division cellulaire, et à la mort par apoptose des cellules cancéreuses surexprimant FOLR1. Le bras espaceur empêche le clivage du disulfure dans la circulation sanguine.
SON INDICATION THERAPEUTIQUE
Elahere™, en monothérapie est indiqué dans le traitement du cancer épithélial séreux de haut grade de l’ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif, positif au récepteur alpha du folate (FRα), résistant aux sels de platine et qui ont reçu une à trois lignes de traitement systémique antérieures. Un test diagnostique (théranostic) par immunohistochimie (test compagnon) doit démontré, avant sa prescription, d'une surexpression de FOLR1 sur les cellules tumorales.
La dose recommandée est de 6 mg/kg de poids idéal ajusté, administrée une fois toutes les trois semaines (cycle de 21 jours) en perfusion intraveineuse jusqu’à la progression de la maladie ou toxicité inacceptable.
Les traitements contre l'angiogenèse
Le pazopanib (Armala/Patorma™)
C’est un nouvel inhibiteur de tyrosine kinase bloquant la famille VEGFR, PDGFR, KIT et FLT3, administré par voie orale à 400-800 mg/j.
En phase 3 de développement pour le traitement de maintenance des cancers de l'ovaire, ce médicament permet d'allonger significativement la période de rémission.
Le Vargatef ™ (nintedanib)
C'est un inhibiteur de la tyrosine kinase qui bloque l'activité du VEGFR, du PDGFR et du FGFR actif par voie orale à la dose de 200 mg en deux prises par jour.
Il est actuellement homologué pour le traitement de certains cancers du poumon.
Dans le traitement des cancers de l'ovaire, les résultats, en Phase 2, comme traitement de maintenance après un traitement de la rechute, sont positifs et la tolérance de la molécule correcte. Des études de Phase 3, dont l'étude CHIVA, en première ligne, le nintedanib, associé à la combinaison CarboTaxol, a démontré un bénéfice modeste en survie sans progression au prix d’une toxicité digestive et hématologique modérée.
Le cediranib
C'est un inhibiteur de tyrosine-kinase dirigé contre VEGFR1-3 et c-Kit, ayant démontré une activité dans le cancer de l’ovaire en rechute dans un essai de phase 2 qui a montré un bénéfice clinique de 30 %, dont 17 % de réponses partielles, augmentation de la survie sans progression.
Un essai de Phase 3 (ICON 6) portant sur des patientes en rechute "sensible" a confirmé ces premiers résultats en terme de temps sans progression de la maladie.
Sa tolérance est celle des médicaments de cette classe avec des cas de diarrhée, de neutropénie, d'hypertension artérielle et de modification de la voix.
D'autres inhibiteurs de tyrosine kinase
LE SELICICLIB
C'est un inhibiteur de kinases cyclines dépendantes (CDKs) aux fonctions multiples dans la cellule et qui augmente les effets de la sapacitabine. Il est en développement pour le traitement de plusieurs types de cancers.
LE VOLASERTIB
C'est un inhibiteur sélectif de la polo kinase 1 qui induit un arrêt mitotique et une apoptose.
Un essai de phase II a évalué le volasertib ou une chimiothérapie en monothérapie chez les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire résistant ou réfractaire au platine. Le volasertib en monothérapie a montré une activité antitumorale chez ces patientes au prix d'une tolérance acceptable.
La létalité synthétique, en bref...
LA LÉTALITÉ SYNTHÉTIQUE
Une tentative de définition
La létalité synthétique est la mort cellulaire obtenue par synergie d’action de deux événements non létaux individuellement. Elle est obtenue par une combinaison de deux mutations de gènes différents.
Le mécanisme de cette létalité synthétique semble provenir de l’accumulation de cassures d’ADN non réparées, induisant une accumulation d’ADN défectueux et ensuite la mort cellulaire.
Les cassures de l'ADN
Les cassures de l'ADN sont très fréquentes à l'état normal et sont, en général, réparées.
Si les cassure d'un double brin (dsb - double strand breakdown) sont les plus dangereuses pour la vie de la cellule, les cassures simple brin (ssb - single strand breakdown) sont les plus fréquentes.
La réparation des cassures de l'ADN
Les cellules disposent de six possibilités pour la réparation de l’ADN appelées :
- Direct repair ou reparation directe (DR)
- Nucleotide excision repair ou réparation par excision de nucléotides (NER)
- Base excision repair ou réparation par excision de bases (BER) dans laquelle intervient une enzyme, la PARP1 (Poly (DP- R ibose) Polymérase), découverte en 1963 par Pierre Chambon de l'Université de Strasbourg. Elle appartient à une famille d’enzymes, présentes en abondance dans le noyau de la cellule. Elles servent à détecter les cassures de l’ADN qui induisent leur activation et contribuent à leur réparation. La PARP catalyse alors la synthèse de molécules de polyADP-ribose ce qui aboutit à des chaînes branchées de poly-ADP-ribose. Ces chaînes attirent et collaborent avec les effecteurs du système de réparation BER (Base Excision Repair) qui est le mécanisme de réparation de l'ADN par excision de base.
- Mismatch repair ou réparation des mésappariements (MMR)
- Homologous repair ou réparation par recombinaison homologue (HR) sous l'influence du gène BRCA
- Non-homologous end-joining ou jointure d’extrémités non-homologues (NHEJ)
Dans les cancers du sein ou de l'ovaire avec mutation des gènes BRCA1 et BRCA2
Deux gènes suppresseurs de tumeurs, BRCA1 et BRCA2 dont les produits fonctionnels réparent les dommages dans le génome, sont essentiels.
Des mutations peuvent déclencher une croissance incontrôlée. Cet avantage sélectif du point de vue cellulaire, amène en même temps les cellules cancéreuses à leur perte car elles sont très sensibles à l’inhibition de l’enzyme de réparation, la poly (ADP) polymérase ribose (PARP), faute de mécanismes alternatifs.
Les inhibiteurs de la PARP ne rendent pas seulement les cellules plus sensibles aux radiations ou à la chimiothérapie. Les cellules tumorales peuvent avoir leur matériel génétique beaucoup plus endommagé, les mutations se créant plus rapidement, et comme elles ne peuvent plus se réparer, cela conduit à l’apoptose : c’est une nouvelle stratégie pour combattre le cancer
LES INHIBITEURS DE PARP ET LA LÉTALITÉ SYNTHÉTIQUE
Le principe : induire une apoptose
Cette stratégie consiste à bloquer la voie de réparation BER par un inhibiteur de PARP dans des cellules cancéreuses déjà porteuses d’une altération de la voie de réparation HR (mutées BRCA1/2).
Dans les cellules normales, non mutées, les gènes BRCA1 et BRCA2 régulent la réparation des cassures double brin par la voie de recombinaison homologue (HR).
Si on ajoute un inhibiteur du PARP1, inhibiteur du système de réparation BER (Base Excision Repair) , rien ne se passe. Il en va de même lorsque l'on laisse intacte la voie du BER.
En revanche, dans les cellules présentant une mutation BRCA1 ou BRCA2 , en présence d'un inhibiteur de PARP1, la recombinaison homologue est déficiente. L es cassures simple-brin non réparées du fait de l’inhibition de PARP1 se transforment en cassures double-brin au cours de la réplication ce qui entraîne un arrêt du cycle cellulaire en G2/M conduisant à l'apoptose.
La réparation en tant que cible thérapeutique
La réparation de l’ADN comme cible thérapeutique est une voie de recherche très prometteuse en cancérologie.
Dans cette optique, la réparation de l’ADN n'est plus considérée comme un simple facteur de résistance à des agents ciblant l’ADN mais comme une cible en soi.
Pour assurer sa survie, la cellule cancéreuse demeure fortement dépendante de sa propre capacité à réparer les lésions les plus dangereuses.
De ce fait, cibler les protéines de réparation de l’ADN afin de bloquer une voie de réparation de l'ADN peut être une option pour, d'une part, augmenter la chimiosensibilité et d'autre part induire la mort cellulaire par apoptose.
GLOSSAIRE
- HRR : Réparation par Recombinaison Homologue
- HRD : Homologous Recombination Deficience
- Létalité synthétique : mort cellulaire par combinaison de deux effets
Les nouveaux anti-PARP
ZEJULA™ ( NIRAPARIB)
Cette molécule est active par voie orale en prescription continue à la dose de 300 mg.
Un bénéfice clinique de ce médicament est observé chez des patientes porteuses ou non de mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2 et souffrant d'un cancer de l'ovaire en rechute sensible aux sels de platine.
Il est homologué, aux États-Unis et en Europe, en monothérapie comme traitement de maintenance des cancers de l'ovaire avec mutations détectées par le nouveau test HRD et sensibles au sels de platine.
RUBRACA™ (RUCAPARIB)
Ce médicament est indiqué en monothérapie pour le traitement d’entretien du cancer épithélial de l’ovaire, de la trompe de Fallope ou péritonéal primitif, de haut grade récidivant sensible au platine, qui sont en réponse (complète ou partielle) à une chimiothérapie à base de platine avec une mutation du gène BRCA germinale et/ou somatique, qui ont été traitées avec deux lignes antérieures ou plus de chimiothérapie à base de platine et qui ne peuvent pas tolérer une autre chimiothérapie à base de platine.
La posologie est de deux comprimés à 300 mg à prendre deux fois par jour jusqu’à progression de la maladie ou toxicité inacceptable. Pour le traitement d’entretien, celui-ci doit être débuté au plus tard 8 semaines après avoir reçu la dernière dose de chimiothérapie.
Mise à jour
10 février 2025