Thérapies ciblées
Les inhibiteurs du protéasome
QUELLE EST LA FONCTION DU PROTÉASOME ?
Le protéasome est responsable de la dégradation des protéines de cellule. En dégradant ces protéines et les facteurs de croissance cellulaire, il régule la croissance cellulaire et l'apoptose ou mort programmée des cellules. Plus spécifiquement, le protéasome dégrade les protéines dénaturées ou anormales, comme celles des tumeurs.
CE QUE L'ON SAIT...
Un protéasome fonctionnel est nécessaire à la survie de toute cellule. Les cellules malignes sont beaucoup plus sensibles aux effets pro-apoptotiques de l'inhibition du protéasome que les cellules normales. Du fait de cette propriété, une inhibition du protéasome réduit la prolifération ainsi que la survie des cellules myélomateuses en bloquant leur progression dans le cycle cellulaire et en régulant négativement l'expression d'inhibiteurs d'apoptose.
ACTUELLEMENT...
Les inhibiteurs du protéasome sont indiqués pour le traitement du myélome, leurs effets sont dose-dépendants.
Le bortezomib a été le premier inhibiteur de protéasome développé (inhibiteur réversible). Par la suite, d'autres inhibiteurs du protéasome de seconde génération ont été développés comme le carfilzomib ou l'ixazomib, qui est actif par voie orale et qui diffèrent du bortezomib par leur inhibition irréversible du protéasome.
Bien que leur profil bénéfice/risque soit favorable, ces médicaments sont associés à des effets indésirables comme des neuropathies, et des toxicités cardiovasculaires, hématologiques qui impliquent une surveillance.
Les inhibiteurs du protéasome disponibles
C’est la première molécule développée et commercialisée pour inhiber le protéasome. Il réduit la prolifération ainsi que la survie des cellules malignes en bloquant leur progression dans le cycle et en régulant négativement l'expression d'inhibiteurs d'apoptose.
Des études expérimentales ont confirmé que Velcade™, en altérant la stabilité ou l'activité de ces protéines impliquées dans le cycle cellulaire, induit l'apoptose des cellules myélomateuses malignes, et semble épargner les cellules normales.
L’inhibition du protéasome entraîne également une diminution des capacités d’adhésion des cellules myélomateuses, une diminution des capacités de réparation de l’ADN, accompagnée d’une potentielle restauration de la sensibilité aux agents dégradant l’ADN ainsi qu’un effet anti-angiogénique. Il est indiqué en :
- Monothérapie ou en association à la doxorubicine liposomale pégylée ou à la dexaméthasone, pour le traitement des patients adultes atteints de myélome multiple en progression, ayant reçu au moins 1 traitement antérieur et ayant déjà bénéficié ou étant inéligibles à une greffe de cellules souches hématopoïétiques,
- En association au melphalan et à la prednisone, pour le traitement des patients adultes atteints de myélome multiple non traité au préalable, non éligibles à la chimiothérapie intensive accompagnée d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques,
- En association à la dexaméthasone (VD), ou à la dexaméthasone et au thalidomide (VTD), pour le traitement d’induction des patients adultes atteints de myélome multiple non traité au préalable, éligibles à la chimiothérapie intensive accompagnée d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques
En pratique...
Velcade™ s’administre par voie intraveineuse. La dose de départ est de 1,3 mg/m². Le cycle de chimiothérapie comprend une administration à J1, J4, J8 et J11 suivi de 10 jours sans traitement, soit un cycle de chimiothérapie de 21 jours.
En monothérapie, 4 + 2 cycles sont suffisant en cas de réponse complète confirmée. Dans le cas contraire un total de 8 cycles sera prescrit.
En association avec le melphalan et la prednisone (VMD), 4 cycles de bortezomib à J1, J4, J8 et J11 suivi de 5 cycles à J1 et J8, soit 9 cycles en tout.
Les autres protocoles pouvant être utilisés sont : Velcade™, Lenalidomide, Dexaméthasone (VRD), Velcade™, Endoxan, Dexaméthasone (VCD) ou Velcade™, Dexaméthasone (VD)
Sa tolérance
Les effets indésirables les plus fréquents, en monothérapie sont les troubles digestifs, la fatigue et l’anorexie le plus souvent modérée.
Une diminution des plaquettes, ou thrombopénie, est observée dans un tiers des cas avec une récupération pour le cycle suivant de chimiothérapie, elle ne s’accompagne que rarement de neutropénie ou d’anémie (< 10 %).
La toxicité la plus gênante est la neuropathie périphérique habituellement sensitive et douloureuse.
Son utilisation est associée à un risque de zona.
C'est aussi un inhibiteur irréversible du protéasome actif par voie injectable,
Il s'utilise en en association, soit avec le lenalidomide et la dexaméthasone (RevDex), soit avec la dexaméthasone seule. Il est indiqué dans le traitement du myélome multiple chez les patients qui ont reçu au moins un traitement antérieur.
C'est le premier un inhibiteur du protéasome actif par voie orale permettant des traitements "tout oral" : ixazomib, 4 mg une fois par semaine, en association avec le RevDex (lenalidomide + dexaméthasone) 3 semaines de suite suivi d'une pause thérapeutique d'une semaine.
Il est indiqué en association avec le lenalidomide et la dexaméthasone pour le traitement de patients atteints de myélome multiple qui ont reçu au moins un traitement antérieur. Ce médicament est à prendre une seule fois par semaine.
Le thalidomide
Le thalidomide fut synthétisé en 1954 par le laboratoire allemand Grünenthal à Stolberg près d'Aix-la-Chapelle (Aachen en allemand).
Le thalidomide sous le nom Contergan™ fut introduit en Allemagne en 1956 comme somnifère puis utilisé, à la fin des années 50, pour ses propriétés antiémétiques (contre les vomissements). Ce médicament était, alors, considéré comme peu toxique et une de ses principales indications était les nausées et les vomissements du début de la grossesse.
De la fin des années 1950 au début des années 1960, ce sont 12 000 enfants qui sont nés en Europe avec de graves malformations des jambes, des bras, des mains, des oreilles et des organes internes qui conduisent à son retrait du marché en 1961.
En 1964, le Pr. J. Sheskin, de l'Université hébraïque de Jérusalem avait montré que l’administration du thalidomide améliorait les patients présentant un érythème noueux lépreux, une complication douloureuse de la lèpre. La découverte de son efficacité dans le traitement de la lèpre a conduit à la poursuite de son utilisation sous l'égide de l'OMS.
Pour le traitement des rechutes
L'association à la dexaméthasone à haute dose séquentielle augmente les taux de réponses partielles de plus de 50 %.
- Le melphalan (M - Alkéran™) est donné quatre jours de suite (J1 à J4), à la dose quotidienne de 0,25 mg/kg, pour les patients de 65 à 75 ans, et 0,20 mg/kg, au-delà de 75 ans, et ce toutes les six semaines
- La prednisone (P) est administrée à la dose de 2 mg/kg/jour aux mêmes dates que le melphalan (J1 à J4)
- Le thalidomide (T) est prescrit à la dose quotidienne de 200 mg en continu, entre 65 et 75 ans, et à 100 mg, au-delà de 75 ans
La prednisone et le melphalan sont donnés les 4 premiers jours du cycle le matin. Le thalidomide est à prendre de manière continue, tous les jours en une prise le soir. Le thalidomide est disponible uniquement en pharmacie hospitalière.
Une prophylaxie antithrombotique pour prévenir la survenue d'éventuelles phlébites et/ou d'embolies pulmonaires, est systématiquement associée sous la forme d’injection sous cutanée d'héparine de bas poids moléculaire ou par la prise orale d’antivitamine K, ou encore, chez les patients sans antécédents de thrombose, d’aspirine.
- CDT : Cyclophosphamide + Dexaméthasone + Thalidomide
- DT-PACE : Dexaméthasone + Thalidomide +cisPlatine + Adriamycine™ + Cyclophosphamide + Etoposide
- DVD-T : Doxorubicine + Vincristine + Dexaméthasone + Thalidomide
Les effets secondaires possibles….
Comme le thalidomide est un tératogène puissant, il ne doit en aucun cas être utilisé chez la femme enceinte ou susceptible de l'être, sauf si toutes les conditions du Programme de prévention des grossesses sont remplies. Les conditions du Programme de prévention des grossesses doivent être remplies par tous les patients, et concernent à la fois les hommes et les femmes.
L’un des effets les plus gênants est le risque de neuropathies avec des troubles de la sensibilité. Une surveillance précise sera organisée par l’équipe soignante.
Un risque de thrombose veineuse (phlébite) majoré lors d'utilisation associée à une chimiothérapie, notamment des anthracyclines peut faire discuter l'utilisation de médicaments anticoagulants.
Les autres toxicités observées sont essentiellement liée à une fatigue, une somnolence, un état dépressif ou à des modifications du comportement, une rétention hydrique, une constipation. Ces risques sont majorés avec l'âge et peu influencés par la dose.
Pour le thalidomide (comprimés à 50 et 100 mg)
La dose initiale est de 200 mg/jour pendant 2 à 3 semaines. Si le pic du composant monoclonal commence à diminuer, il est possible de poursuivre le traitement à cette posologie en se guidant sur l'évolution du pic. En fonction de la tolérance, si le pic monoclonal reste stable ou ne baisse que très légèrement, il est possible d'augmenter la posologie jusqu'à 400 mg/jour. C'est un traitement continu.
Pour le thalidomide 100 mg
- Le myélome non traité, en association avec le melphalan et la prednisone, chez les patients de plus de 65 ans ou présentant une contre indication à la chimiothérapie à haute dose.
- Lorsqu’il n’existe aucune alternative thérapeutique : myélome réfractaire et/ou en rechute après au moins une ligne thérapeutique ayant comporté des alkylants.
Le lénalidomide (Revlimid™), la nouvelle référence
UN IMID DE NOUVELLE GENERATION
Le lénalidomide est un médicament immunomodulateur, proche du thalidomide. Il est actif par voie orale, en association avec la dexaméthasone, pour le traitement du myélome multiple.
Son efficacité
Chez les patients en rechute, le temps sans progression de la maladie fut, dans les essais thérapeutiques de 11,3 mois contre 4,7 mois dans le groupe témoin. La survie globale a été augmentée de 34 %.
Sa tolérance est acceptable avec cependant un taux de neutropénie marquée de 29,5 % contre 2,3 % et de thrombocytopénie de 11,5 % contre 5,7 %.
LE RevDEX EN PRATIQUE…
Ses indications actuelles en France
En première ligne, il est indiqué pour le traitement du myélome multiple non préalablement traité chez les patients adultes non éligibles à une greffe
En seconde ligne, il est indiqué, en association avec la dexaméthasone, pour le traitement du myélome multiple chez les patients adultes ayant déjà reçu au moins un traitement antérieur.
La dose initiale recommandée de lenalidomide est de 25 mg par voie orale tous les jours pendant 21 jours consécutifs suivi d’une semaine d’arrêt. La dexaméthasone à la dose de 40 mg en une prise par jour est administrée par voie orale, par séquence de quelques jours ou en prise unique hebdomadaire.
Les effets indésirables possibles...
Il est fréquent que les patients traités se plaignent de fatigue, d'éruptions cutanées, de crampes musculaires et de douleurs musculosquelettiques, d'une rétention hydrique, des diarrhées et des troubles de l'érection
Les précautions à prendre
Le traitement ne doit pas être initié si la numération des polynucléaires neutrophiles est < 1 000 et/ou si la numération des plaquettes est < 75 000.
Une prévention des thromboses veineuses est généralement initiée par des médicaments anticoagulants.
Pour les femmes susceptibles de procréer, la prescription est limitée à 1 mois de traitement, un test de grossesse doit être réalisé tous les mois, dans les 3 jours précédant la prescription.
Le pomalidomide (Immovid/Pomalyst™)
LE MÉDICAMENT
Le pomalidomide est un immunomodulateur (IMiD) de seconde génération appartenant à la famille du thalidomide et du lenalidomide.
Le pomalidomide possède avec les autres IMiD un effet antitumoral direct, interaction avec le micro-environnement médullaire et une action immuno-modulatrice. L’action du pomalidomide est fortement synergique avec la dexaméthasone.
Les données expérimentales suggèrent que cette molécule pourrait être plus puissante que les autres "IMiDs" commercialisés.
Le taux de réponse obtenus chez les malades réfractaires au thalidomide, au lenalidomide ou au bortezomib, en association à la dexaméthasone est significativement plus marqué lors des essais.
Le pomalidomide possède un profil de tolérance meilleur que les autres "imids". Néanmoins, il existe une toxicité hématologique et un risque thromboembolique nécessitant une prophylaxie. Il est tératogène comme tous les médicaments de cette classe.
EN PRATIQUE
Les indications du "PomDex"...
Le pomalidomide est homologué en association avec la dexaméthasone, dans le traitement du myélome multiple en rechute et réfractaire chez les patients ayant déjà reçu au moins deux traitements antérieurs comportant le lenalidomide (Revlimid™) et le bortezomib (Velcade™) et dont la maladie a progressé pendant le dernier traitement.
Sa posologie par voie orale
La dose préconisée est de 4 mg 21 jours par mois. La dexaméthasone est donnée à la dose 40 mg/j à J1, J8, J15, J22.
Les effets secondaires hématologiques
Ils consistent essentiellement en une myélosuppression pouvant être associée à un risque augmenté d'infections. C'est pourquoi, les médecins recommandent une vaccinations contre la grippe et le pneumocoque pour tous les patients et leurs proches. De plus, une antibioprophylaxie pendant les premiers cycles de traitement par pomalidomide ou pendant la durée complète du traitement est recommandée pour les patients à risque d’infection.
Les autres problèmes possibles sont communs avec les médicaments de cette classe sont, une augmentation du risque de thrombose, des neuropathies.
Le PCD
C'est aussi une association validée complètement "orale" qui correspond à Pomalidomide 4 mg/jour 21 jours par mois + Cyclophosphamide 50 mg 21 jours par mois + Dexaméthasone 40 mg/j J1, J8, J15, J22. C'est option intéressante en traitement de seconde ligne.
Le VMP
L'association bortézomib (Velcade™)-Melphalan-Prednisone est aussi homologuée pour le traitement de première intention pour les patients sans limite d’âge ne pouvant bénéficier d’un traitement intensif.
Chez les sujets de moins de 65 ans, le traitement est poursuivi jusqu’à obtention d’une réponse maximale, généralement durant 2 à 4 mois. Ensuite un prélèvement de cellules souches hématopoïétiques autologues dans le sang en vue d’une autogreffe. Enfin, une intensification chimiothérapique suivie d’une réinjection de cellules souches hématopoïétiques autologues (autogreffe) es réalisée.
Chez les sujets de plus de 65 ans, le protocole de traitement est poursuivi jusqu’à obtention d’une réponse maximale (généralement après plusieurs cycles) et peut être poursuivi sur 12 à 18 mois.
La réponse au traitement est évaluée sur la diminution du pic d'immunoglobuline monoclonale dès les premiers cycles et en fin de traitement.
En l’absence de réponse, un protocole de deuxième ligne sera proposé.
La panoplie thérapeutique actuelle
Inhibiteurs du protéasome | Imids | Anticorps monoclonaux | Alkylants |
---|---|---|---|
Bortézomibe |
Thalidomide |
Daratumumab, isatuximab (anti-CD38) |
Bendamustine |
Mise à jour
18 juillet 2023