Leucémie à tricholeucocytes
Les hémopathies malignes avec cellules "chevelues"
Ces maladies ont été classées parmi les lymphomes lors de la dernière classification de l'OMS. Ils appartiennent à un groupe d’hémopathies malignes caractérisées par la présence dans le sang de cellules "chevelues". Il existe plusieurs entités :
- La leucémie à tricholeucocytes dans sa forme classique (HCL) ou sa forme variante (HCL-V)
- Le lymphome splénique de la zone marginale (SMZL)
- Le lymphome diffus de la pulpe rouge de la rate (SRPL)
QUELQUES DONNÉES GÉNÉRALES
C'est la plus rare des hémopathies malignes à cellules B avec 320 cas incidents en 2018.
Les taux d’incidence standardisés sont pour 100 000 personnes‑années de 0,5 chez l’homme et de 0,1 chez la femme (ratio hommes/femmes 5).
L'incidence de la maladie augmente après 50 ans (âge médian de diagnostic (( à 60 ans.
Un lymphome (leucémie) particulier
UNE IDENTIFICATION RÉCENTE...
Son nom en anglais, souvent utilisé par les spécialistes, est Hairy Cell Leukemia c'est-à-dire, une leucémie à cellules "chevelues", au microscope.
C'est une forme de leucémie particulière, décrite pour la première fois en 1958 par la pathologiste américaine, Bertha A Bouroncle (Blood1958;13:609-30). Dans cette pathologie, le taux de globules blancs du sang périphérique est rarement supérieur à 20 000/mm3 .
Son point de départ est un lymphocyte, mature de la zone marginale du ganglion qui exprime une protéine à leur surface, le CD20+, mais ni le CD5-, ni le CD10-.
LES FACTEURS DE RISQUE
Plusieurs rapports de cas ont évoqué la responsabilité de l'exposition à des solvants organiques ou des expositions agricoles.
Deux études réalisées sur des populations exposées aux radiations ionisantes ont observé un nombre de cas de leucémie à tricholeucocytes plus élevé qu'attendu.
LES SIGNES ET LES SYMPTÔMES …
Une augmentation, parfois très importante, de la taille de la rate (splénomégalie) est pratiquement toujours observée. Les adénopathies sont habituellement absentes.
L'examen de sang (NFS ou hémogramme) révèle souvent :
- Une pancytopénie, c’est-à-dire une atteinte des toutes les lignées sanguines, avec une anémie, une thrombopénie et une neutropénie. Elle est due à la fois, à une insuffisance médullaire et à un hypersplénisme qui correspond à une augmentation de la capacité de destruction des globules par la rate
- Une diminution du nombre de monocytes à la prise de sang (monocytopénie), caractéristique de la maladie
- La présence, en nombre variable, de tricholeucocytes, parfois très faible (de < 1 à 25 % des leucocytes)
LE PRONOSTIC
Il dépend, du risque infectieux et donc du taux de polynucléaires neutrophiles et des monocytes.
Un traitement spécifique...
TRAITER OU NE PAS TRAITER ?
Le traitement doit être initié en cas de maladie symptomatique ou si l’hémogramme montre un taux d'hémoglobine < 11 g/L, une thrombopénie < 100 000 ou enfin une neutropénie < 1 000
LES ANALOGUES DES PURINES
Les analogues des purines, cladribine ou pentostatine sont le traitement de première ligne de la maladie. Les deux analogues ont une efficacité identique mais ont des effets secondaires et des modalités d’administration différentes.
L’évaluation de la réponse au traitement doit être réalisée après au moins trois mois après la fin du traitement.
Nipent™ (désoxycoformycine)
Il est utilisée depuis 1987, à la dose de 4 ou 5 mg/m² en IV, tous les 14 jours avec un maximum de 8 -10 cycles, ce médicament permet d'obtenir des réponses complètes prolongée et rapides dans 60 à 80 des cas
Les effets secondaires sont une myélosuppression, de la fièvre, un risque d'infection, des troubles digestifs, hépatiques et neurologiques.
Le suivi du traitement nécessite des prises de sang répétées pour suivre la numération des globules (NFS).
Leustatine™ (cladribine)
La 2-chlorodéoxyadénosine (2-CdA) est donnée à la dose de 0,1mg/kg/jour en perfusion continue pendant 7 jours. Des traitements discontinus, perfusion de deux heures pendant 5 jours ou trois heures une fois par semaine pendant 6 semaines représentent une alternative.
Ce médicament permet d'obtenir des rémissions complètes de plus d'un an dans environ 70 % des cas.
L'effet secondaire dominant est le risque de neutropénie, parfois sévère associée à une immunodépression induite et de la fièvre.
RAREMENT LES INTERFÉRONS (IFN)...
Ces médicaments ont été introduit dans le traitement de la maladie dès 1984 et ont bouleversé son pronostic. Ils permettent l'obtention de rémissions complètes, définies par l'absence de tricholeucocytes dans sang et moelle ou des rémissions partielles caractérisées par une normalisation de la NFS (hémogramme) mais avec la persistance de tricholeucocytes dans la moelle.
L'IFN-2 alpha (Roféron™) s'utilise à la dose de 3 millions d'unités (MU) en intramusculaire 3 fois par semaine pendant 12 mois suivi d'un traitement de maintenance à la dose de 1 à 2 MU 2 fois par semaine pour prévenir une rechute et les éventuelles complications infectieuses.
L'IFN-2 bêta (Introna™) est prescrit à la dose 2 millions d'UI/m² administrée par voie sous-cutanée 3 fois par semaine. Le traitement est maintenu jusqu'à progression de la maladie ou intolérance sévère.
Les effets secondaires les plus fréquents sont des syndromes pseudo-grippaux, des troubles hépatiques ou des syndromes dépressifs.
LA SPLENECTOMIE
Cette opération consiste à enlevé la rate. Elle permet de corriger les cytopénies périphérique liées à l'hypersplénisme.
DEMAIN...
De nombreuses recherches sont en cours pour évaluer l'intérêt thérapeutique en seconde ligne des stratégies suivantes :
- Le rituximab seul ou associé à une chimiothérapie en seconde ligne
- Les immunotoxines recombinantes (BL22, HA22 ou LMB-2) comme le moxetumomab-pasudotox peuvent être une option pour les patients non porteurs de la mutation BRAFV600E. Il combine un anticorps monoclonal anti-CD22 couplé à une toxine de pseudomonas.
- Les inhibiteurs de BRAF, vémurafenib ou dabrafenib, permettent d'obtenir une réponse thérapeutique près de 100 % des cas, avec une réponse complète dans 35 à 40 % des cas
Le pronostic
Il s'agit d'une leucémie/lymphome de pronostic très favorable, avec un taux de survie à 5 ans de 95 %.
Ce taux est peu dépendant de l'âge au diagnostic. Il est légèrement supérieur chez les personnes jeunes, passant de 97 % pour un diagnostic à 40 ans à 92 % pour un diagnostic à 80 ans.
Mise à jour
10 octobre 2024