Cancers de primitif inconnu
Ce n'est pas exceptionnel...
Les cancers de primitif inconnu (CAPI) ou CUP (carcinoma of unknown primary origin) représentent 2 à 10 % de tous les cancers diagnostiqués, soit le 10ème cancer en termes de prévalence.
Les cancers de primitif inconnu sont des cancers disséminés dont on ne retrouve pas le cancer primitif, que ce soit par les caractéristiques cliniques, anatomopathologiques ou radiologiques. C’est donc un diagnostic d’élimination. Le cancer primitif est retrouvé dans environ un tiers des cas lors des autopsies. Les localisations les plus fréquentes sont alors :
- Le poumon (27 %)
- Le pancréas (24 %)
- Le foie ou voies biliaires (8 %)
- Le rein (8 %)
- Le colon et le rectum (7 %)
- L'appareil urinaire (7 %)
- L'estomac (6 %)
Les adénocarcinomes ou carcinomes indifférenciés se présentant sous la forme de métastases hépatiques et/ou d’une adénopathie sus-claviculaire. Ils sont le plus souvent d’origine digestive.
Les carcinomes épidermoïdes se manifestant par des adénopathies sus-claviculaires ou cervicales basses orientent vers une origine bronchique.
Les adénopathies cervicales hautes, quant à elles, sont plus en faveur d’un cancer primitif de la sphère ORL.
VERS QUEL PRIMITIF ?
Marqueur | Localisation possible du primitif |
---|---|
CK7+; CK20- | Sein, ovaire non-mucineux, adénocarcinome poumon, pancréatico-biliaire, estomac, endocol, endomètre, thyroïde |
CK7+; CK20+ | Pancréas, estomac, voies biliaires, vessie, carcinome NUT, ovaire et poumon mucineux |
CK7-; CK20- | Prostate, foie, rein, corticosurrénale |
CK7-: CK20+ | Colon, intestin grêle, appendice, Merkel |
LES HYPOTHESES ACTUELLES SUR LEUR NATURE
Les cancers de primitifs inconnus sont le sujet de très nombreuses recherches fondamentales. Les hypothèses actuelles pouvant expliquer ce type de cancer sont les suivantes :
- Présence d’un primitif occulte infra clinique, infra-radiologique,
- Involution de la tumeur primitive par défaut d’angiogenèse,
- Destruction de la tumeur primitive par le système immunitaire,
- Particularité de l’hôte favorisant le processus métastatique.
Le bilan
La recherche du cancer primitif
Pour rechercher le primitif, le spécialiste s’appuiera sur :
- Les signes cliniques
- Les examens de laboratoire usuels (marqueurs tumoraux avec le PSA, alpha-fœto-protéine et HCG, dans le sang ou dans liquides pleuraux/ascite)
- Les examens endoscopiques : bronchique, digestif ou ORL
- L’imagerie médicale : scanner corps entier et le TEP-TDM (tomographie par émission de positons avec 18flurodeoxyglucose) qui permettrait d’identifier plus fréquemment le cancer primitif (24–40 %) que le scanner ou l’IRM (20–27 %)
L’évaluation initiale repose donc sur le bilan clinique et les examens complémentaires
- Un interrogatoire complet avec les antécédents familiaux de cancer,
- Les antécédents personnels de tumeur bénigne,
- La chronologie et l'évolution des symptômes,
- Les premiers signes fonctionnels locaux,
- Un examen clinique complet
- Une tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne.
- Ce bilan peut être associé à un TEP-TDM en cas d’adénopathies cervicales ou de carcinome épidermoïde pour rechercher un primitif ORL ou en cas de métastase unique dans le but d’ajuster le traitement.
L'analyse anatomopathologique à partir de la pièce anatomique ou de la biopsie
Dans environ 70 % des cas, l’analyse histologique basée sur la morphologie cellulaire suffit à suspecter une origine particulière.
L’immunohistochimie permet, le plus souvent, une orientation diagnostique pour les tumeurs malignes indifférenciées à partir de de trois anticorps dirigés respectivement contre des antigènes :
- Epithéliaux (cytokératine à large spectre)
- Lymphoïde (CD45)
- Mélanique (protéine S100)
Marqueurs pouvant orienter vers un primitif
Localisation primitif | Marqueurs |
---|---|
Prostate | PSA (85 %), PSAP (85–95 %), NKX3-1 (95–100 %), ERG (40 %) |
Sein | GATA3 (90 %), mammaglobine (60 %), RO/RP, Her2 (15 %), TFF1 (70–90 %), GCDFP-15 (60 %) |
Colorectal | CDX2 (> 90 %), SATB2 (80–90 %), CDH17 (> 90 %) |
Poumon | TTF1 (70–90 %), napsine A (60–80 %) |
Urothélial | Uroplakine 2 (50–80 %), uroplakine 3 (15–50 %), GATA3 (60–90 %), S100P, p40, CK903, p63 |
Pancréas | MUC5AC (> 90 %), Maspin (> 90 %), S100P (> 90 %), IMP-3 (> 90 %) |
Rein à cellules claires | PAX8 (90 %), RCCma (80 %), vimentine (90%), pVHL (> 90 %), CD10 (> 90 %), KIM-1 (75 %) |
Rein papillaire | P504S, RCCma (90 %), vimentine (87 %–100 %), pVHL (> 90 %), CD10, KIM-1 (> 90 %) |
Foie | Arginase-1 (80–90 %), HepPar-1 (70–90 %), glypican-3 (80–90 %), AFP (60 %) |
Thyroïde | Thyroglobuline (90 %), TTF1 (100 %), PAX8 (90 %) |
Thyroïde médullaire | Calcitonine (100 %), TTF1 (90–100 %), ACE (90 %) |
Endomètre | PAX8/PAX2 (60 %/40 %), RO (60 %), vimentine (90 %) |
Ovaire type mucineux | pVHL (> 90 %), HNF-1β (90 %), KIM-1 (90 %), PAX8 (90–100 %) |
Ovaire non-mucineux | PAX8 (90 %), RO, WT1 (88 %) |
Surrénale | Inhibine-α (85–95 %), calrétinine (85–95 %), SF1 (80–90 %) |
Thymus | GLUT-1 (> 90 %), PAX8 (80–90 %), CD117 (90 %), p63 (85 %), CD5 (80 %) |
Le score pronostique (GEF-CAPI)
Afin d’identifier les patients pouvant bénéficier d’un traitement systémique, il existe un score pronostique (GEFCAPI) basé sur le performans status ou OMS (PS) et les LDH permettant de classer les patients en pronostique « favorable » ou « défavorable »
Classes | Critères |
---|---|
Favorable | OMS 0-1 et LDH normales ou absence de métastases hépatiques si LDH inconnues |
Défavorable | OMS > 1 ou LDH élevées |
Traitement des formes à pronostic favorable
Les formes à pronostic favorable (score GEFCAPI) seront traitées comme les cancers métastatiques avec primitif connu. La chirurgie et la radiothérapie seront discutées en RCP, selon le site tumoral et en cas de lésions uniques.
Type de cancer primitif inconnu | Traitement recommandé | Cancer similaire |
---|---|---|
Neuroendocrine peu différencié | Association platine-étoposide | Carcinome neuroendocrine peu différencié avec primitif connu |
Neuroendocrine bien différencié | Analogues somatostatine, streptozocine-5FU, sunitinib, everolimus | Carcinome neuroendocrine bien différencié avec primitif connu |
Adénocarcinome péritonéal séro-papillaire chez la femme | Chirurgie de cytoréduction maximale, puis chimiothérapie avec carboTaxol | Cancer de l'ovaire |
Atteinte ganglionnaire axillaire isolée chez la femme | Curage ganglionnaire, mastectomie ou radiothérapie et chimiothérapie adjuvante | Cancer du sein |
Adénopathies cervicales à l'examen histologique de type carcinome épidermoïde | Curage ganglionnaire ou radiothérapie. Chimiothérapie d’induction ou radiochimiothérapie concomitante pour les stades avancés | Cancers de la sphère ORL |
Cancer avec profil IHC/moléculaire de cancer colorectal | Même stratégie que pour les cancers colorectal | Cancers colorectaux |
Métastase unique | Exérèse chirurgicale et/ou radiothérapie avec ou sans chimiothérapie adjuvante | Métastase unique |
Homme avec métastases osseuses ostéo-condensantes et/ou PSA élevé | Hormonothérapie ± radiothérapie | Cancer de la prostate |
Les formes à pronostic défavorable
En première ligne, le traitement standard actuel est un "doublet" de chimiothérapie associant un sel de platine avec de la gemcitabine ou des taxanes.
En deuxième ligne, il n’existe pas de traitement standard. L’association oxaliplatine-capecitabine semble la meilleure option pour les patients en bon état général. L’efficacité des thérapies ciblées n’est pas encore démontrée. Les résultats les plus encourageants reviennent à l’association bevacizumab (anti-VEGF) et erlotinib (anti-EGFR) combinée à la chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel.
Mise à jour
26 janvier 2021