La tumeur d'Ewing
Une famille de tumeurs...
JAMES EWING
Cette maladie a été décrite pour la première fois en 1921 par le docteur James Ewing, cancérologue américain (1866 - 1943) sous le nom d’endothéliome diffus de l’os à partir d'un cas de tumeur osseuse développée chez une jeune fille de 14 ans*.
Le sarcome éponyme est une tumeur maligne primitive très rare des os ou des tissus mous à petites cellules rondes et bleues à fort potentiel métastatique.
C'EST TRÈS RARE...
En France , son incidence estimée est de deux à trois nouveaux cas par an et par million d’enfants de moins de 15 ans, soit environ 100 nouveaux cas.
Cependant c’est la tumeur osseuse la plus fréquente chez l'enfant, soit 45 % tumeurs osseuses malignes pédiatriques. Avant l’âge de 20 ans, c’est la seconde tumeur osseuse maligne la plus fréquente avec 30 % des cas, derrière l’ostéosarcome.
Le pic d'incidence se situe entre 10 et 20 ans et affecte un peu plus les garçons...
UNE TUMEUR NEURO-ECTODERMIQUE
Il s’agit d’une tumeur dérivée des cellules de la crête neurale. La crête neurale est à l'origine des mélanocytes (à l'exception des cellules pigmentaires de l'œil), d'une grande partie des os et des cartilages du squelette facial et du cou, de quelques cellules endocrines et donne naissance à toutes les cellules gliales et à la majeure partie des neurones du système nerveux.
Son point de départ est la moelle osseuse ce qui explique sa répartition topographique, essentiellement les os plats (squelette axial) qui sont les sites physiologiquement les plus riches en moelle, et la partie diaphysaire des os longs.
UNE MUTATION CARACTÉRISTIQUE : FET-ETS ...
La maladie résulte d’une mutation impliquant les chromosomes 11 et 22 ou 21 et 22
Il existe soit une translocation t(11;22)(q24;q12) qui génère un gène de fusion entre la partie 50 du gène EWS et la partie 30 du gène FLI-1, membre de la famille ETS, aboutissant la production d’un gène chimérique EWS-FLI1.
L'autre gène de fusion est t(21;22)(q22;q12) aboutissant au gène EWS-ERG qui est aussi une facteur de transcription.
Les tests utilisant la technique de PCR (polymerase chain reaction)
Ils permettent d’identifier facilement la translocation et donc de porter le diagnostic.
UNE NOUVELLE FAMILLE DE TUMEURS...
Elle est caractérisée par la présence d’un transcrit de fusion issu de l’expression génique de la t(11;22)(q24;q12). La famille des tumeurs d’Ewing est maintenant considérée comme faisant partie des tumeurs neuro-ectodermiques regroupant :
- Le sarcome d’Ewing
- Les tumeurs d'Ewing à localisations extra-osseuses
- Le pPNET (Peripheral Primitive NeuroEctodermal Tumor)
- La tumeur d’Askin, n'étant qu'une variante topographique (paroi thoracique) de pPNET
* Ewing J. Classics in oncology: diffuse endothelioma of bone: proceedings of the New York Pathological Society, 1921. CA Cancer J Clin 1972; 22: 95-8.
Une épidémiologie particulière..
À QUEL AGE DÉCLARE-T-ON LA MALADIE ?
Elle s’observe essentiellement au moment de la puberté mais peut aussi se voir chez le l'enfant très jeune.
QUI EST À RISQUE ?
Il existe une prédominance masculine nette, le sex-ratio est proche de 1,5. Cette maladie est six fois plus fréquente chez les enfants de race blanche par rapport à ceux de race noire.
Aucun facteur de risque n’a encore été identifié.
QUELLES SONT LES PARTIES DU CORPS TOUCHÉES ?
Tous les os du corps peuvent être atteints mais le sarcome d'Ewing touche préférentiellement les gros os qu'ils soient plats : bassin (la moitié des cas), omoplate, côte, rachis ou longs : fémur, tibia ou humérus.
L'atteinte des diaphyses (partie médiane des os longs) est beaucoup plus fréquente que dans l'ostéosarcome. L'atteinte des épiphyses n'est , néanmoins, pas exceptionnelle.
Les petits os des mains et des pieds peuvent être atteints.
COMMENT LA MALADIE SE RÉVÈLE-T-ELLE ?
LES SIGNES
La douleur
Elle représente le symptôme le plus fréquent, surtout si elle est nocturne. Dans ce cas, elle est considérée comme un symptôme d'avertissement chez les enfants souffrant de douleurs articulaires. Ceci explique pourquoi le médecin demandera un bilan rapidement...
Plus rarement, la maladie peut être révélée par une fracture pathologique (15 % des cas).
Une atteinte de l'état général
La maladie se manifeste assez souvent par une altération de l'état général se traduisant par de la fièvre, des malaises et/ou une perte de poids.
LES EXAMENS
L'examen clinique de l'enfant peut aussi retrouver un gonflement des tissus mous par envahissement de ceux-ci. Ce gonflement peut être assez volumineux, surtout si la tumeur est localisée sur un os plat.
Les examens de sang (NFS) peuvent révéler une anémie avec une augmentation du taux des globules blancs (hyperleucocytose) et une vitesse de sédimentation (VS) accélérée.
Les principales localisations de la tumeur
Localisations osseuses (80 % des cas) |
Localisations extra-osseuses (20% des cas) |
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Squelette axial (45%) : pelvis (20%), côtes (10%), autres (15%) |
Paravertébrales, tissu mou thoracique |
Le diagnostic
L'IMAGERIE MÉDICALE
Sur les radiographies, la tumeur se manifeste par une perte de matière osseuse, ou ostéolyse.
Le bilan complémentaire d'extension comprend une scintigraphie osseuse et une IRM ainsi que pour certaines localisations (bassin, rachis, omoplate), un scanner.
En cas de positivité de la biopsie, un scanner pulmonaire recherchera d’éventuelles métastases.
LA BIOPSIE
Si l’aspect clinique et en imagerie est évocateur d’une tumeur osseuse maligne une biopsie s’impose rapidement. Elle devra se faire dans un centre spécialisé dans la prise en charge des tumeurs de l’enfant. La biopsie devra être réalisée par l’équipe chirurgicale qui prendra en charge la totalité du traitement chirurgical car la voie d’abord choisie pour la biopsie doit tenir compte des modalités de la résection carcinologique ultérieure de la tumeur.
Les prélèvements obtenus seront être examinés en anatomo-pathologie, en cytogénétique et en biologie moléculaire.
LE TRAITEMENT
LES MODALITÉS
En centre spécialisé
Le traitement doit être entrepris uniquement dans un centre spécialisé et par une équipe multidisciplinaire comprenant des radiologues, des anatomopathologistes, des chirurgiens, des chimiothérapeutes et des radiothérapeutes.
En trois phases...
Les objectifs du traitement sont d'une part d'assurer le contrôle de la maladie systémique et d'autre part le contrôle local.
Pour des raisons, le traitement est long et dure environ un an. Il comporte trois phases :
- Une chimiothérapie initiale ou d'induction comportant de 3 à 6 cycles, instaurée après la biopsie
- Un traitement local, habituellement chirurgical
- Une chimiothérapie adjuvante comportant 6 à 10 cycles à trois semaines d'intervalle
LES MOYENS THÉRAPEUTIQUES
La chirurgie
Sa faisabilité dépend de la localisation tumorale. Alors que la majorité des ostéosarcomes touche les os longs, surtout autours du genou, la moitié des tumeurs d’Ewing est centrale. Ces tumeurs sont pelviennes ou rachidiennes rendant la chirurgie plus difficile. Cependant, elle sera proposée, car les récidives locales sont beaucoup plus fréquentes qu'après une radiothérapie seule.
La radiothérapie
Cette tumeur est radiosensible. La radiothérapie est associée à la chirurgie en cas d’exérèse non satisfaisante et parfois en cas de mauvaise efficacité de la chimiothérapie.
La chimiothérapie
Les protocoles actuels reposent sur des associations de deux à six médicaments anticancéreux parmi lesquels, la doxorubicine, l’actinomycine D, le cyclophosphamide, l’ifosfamide qui semble le plus actif, la vincristine, l’étoposide, le busulfan, le melphalan et le carboplatine. Ces poly-chimiothérapies varient selon les équipes :
- VACA (Vincristine, doxorubicine, cyclophosphamide, actinomycine D)
- VAIA et EVAIA (l’Ifosfamide remplace le cyclophosphamide avec ou non l’adjonction d’étoposide)
- VIDE (Vincristine, Ifosfamide, Doxorubicine, Etoposide) et consolidation avec vincristine, actinomycine D, associées à l'ifosfamide ou le cyclophosphamide, ou busulfan + melphalan.
La chimiothérapie est poursuivie après le traitement local pour une durée globale d’environ un an.
Le pronostic
AUJOURD'HUI..
La survie globale à dix ans des formes localisées est de 80 % actuellement contre 40 % à la fin des années 1970.
Le taux de survie sans récidive à cinq ans des formes métastatiques est d'environ 20 %.
Les patients qui rechutent plus de deux ans après le diagnostic initial, avec atteinte d'un seul os et/ou sans atteinte médullaire ont un meilleur pronostic.
DEMAIN
La recherche clinique est très active pour mettre au point de nouveaux traitements, plus efficaces et mieux tolérés. Parmi les molécules en cours d'évaluation, on peut citer :
- Les inhibiteurs de la PARP comme l'olaparib, le talazoparib ou le niraparib font l'objet d'études avec des centres ouverts en France.
- Le volasertib qui est un inhibiteur de la polokinase PLK1 semble être une options intéressante.
Mise à jour
14 janvier 2021