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La polyglobulie de Vaquez

UNE POLYGLOBULIE

DÉFINITION

Une polyglobulie se définit par un taux de globules rouges supérieur à 5 millions et par un hématocrite (rapport entre le volume qu'occupent les cellules circulantes du sang après centrifugation et le volume centrifugé) supérieur à 54 % chez l’homme et supérieur à 47 % chez la femme ou l’enfant.

LE DIAGNOSTIC

Il est confirmé par la mesure des volumes sanguins (globulaire et plasmatique) isotopiques. On peut affirmer un diagnostic de polyglobulie si le volume globulaire total chez un homme adulte est supérieur à 36 ml/kg et supérieur à 32 ml/kg chez la femme ou en fonction des valeurs théoriques. Cette vérification isotopique est inutile si ce taux est supérieur à 60 %.

LA POLYCYTEMIA VERA

UN PETIT RETOUR EN ARRIÈRE…

En 1892, Louis Vaquez (médecin français 1860 - 1936) décrivait, à Paris, un syndrome avec une polyglobulie chez un patient dont l’autopsie révéla une hépato-splénomégalie massive. Cette description fut la première de la polyglobulie vraie, appelée, depuis, maladie éponyme de Vaquez.

LA MALADIE

C'est un syndrome myéloprolifératif
Il prédomine sur la lignée érythroblastique qui s'accompagne d'une augmentation du volume globulaire total.
En 2005, les chercheurs on montré que cette maladie était associée, dans plus de 90 % de cas, de mutations du gène JAK 2 (V617F et mutation de l'exon 12). La protéine Jak2 est une enzyme de type tyrosine kinase. Elle intervient dans la cascade de transduction du signal du récepteur membranaire de l’EPO.

Qui peut être atteint ?
C'est une maladie rare de l’adulte qui est exceptionnelle chez l’enfant et rare chez l’adulte jeune. Elle, survient après 50 ans (âge moyen au diagnostic 60 ans) et touche plus les hommes que les femmes.
Elle affecte essentiellement la lignée rouge et se caractérise par une augmentation du nombre de globules rouges au-delà de cinq millions/mm 3 .

Les trois grandes caractéristiques de la maladie de Vaquez

  • Polyglobulie vraie : augmentation du volume globulaire total
  • Polyglobulie primitive : précurseurs érythroblastiques anormaux + sensibilité accrue à l'hormone de stimulation de l'érythropoïèse l'EPO
  • Maladie clonale comme les autres syndromes myéloprolifératifs : LMC, TE, SM

Le diagnostic

LES SIGNES ET LES SYMPTÔMES 

L'excès de globules rouges
Il va entraîner une coloration anormalement rouge du visage, des mains et des pieds. Cette coloration, dite érythrose, peut s’étendre également au niveau de l’ensemble de la peau et au niveau des yeux. Elle peut se reconnaître au niveau de la paroi du palais qui prend une couleur beaucoup plus foncée qu’à l’état normal. Cet aspect rouge donne très souvent l’impression d’être bien portant ce qui peut retarder le diagnostic.

Des démangeaisons
Elles apparaissent au contact de l’eau tiède ou chaude sont également observées. Elles ne surviennent pas au contact de l’eau froide. Ce symptôme paraît être la conséquence d’une dilatation des vaisseaux superficiels de la peau. On peut également observer des douleurs des doigts et des orteils qui sont rouges et chauds.

Parfois...
Des signes en rapport avec l'hyperviscosité sanguine : céphalées, vertiges, paresthésies, des troubles visuels ou des acouphènes, ou une complication : une thrombose artérielle ou veineuse

LES EXAMENS BIOLOGIQUES

L'hémogramme (NFS) montre habituellement :

  • Un taux d'hémoglobine (Hb) augmenté : > 17 g/dl chez l'homme ou > 16 g/dl chez la femme
  • Un hématocrite augmenté (> 60 % pour les hommes ; > 56 % pour les femmes ou > 54 % chez l'homme et > 47 % chez la femme avec un volume globulaire total (VGT) > 125 % de VGT théorique
  • Un volume globulaire (VGM) normal
  • Une augmentation habituelle du nombre de globules blancs (hyperleucocytose) à polynucléaires neutrophiles
  • Une hyperplaquettose fréquemment (75 % des cas)
     

La vitesse de sédimentation (VS) est basse.
La mesure de la masse sanguine montre une augmentation du VGT, > 36 ml/kg (homme), > 32 ml/kg (femme) soit > 125 % du VGT théorique qui permet d'affirmer le diagnostic de polyglobulie vraie.

LE BILAN

Il comprend la mesure des gaz du sang, une échographie abdominale, à la recherche d'une grosse rate (splénomégalie), une radiographie du thorax, ainsi qu’un dosage de l’EPO. Celle-ci est très augmentée dans les polyglobulies secondaires mais très diminuée dans la polyglobulie de Vaquez.
La recherche d'une mutation somatique JAK2-V617F dans l’exon 14, présente dans 95 % des PV ou de l’exon 12, beaucoup plus rare est maintenant systématique.

Critères de la maladie de Vaquez (2016)

Critères majeurs Critère mineur
  • Taux d'hémoglobine (Hb) > 16,5 g/dL chez l’homme, > 16 g/dL chez la femme
    • ou un hématocrite (Ht) > 49% chez l’homme, > 48% chez la femme
    • ou augmentation de la masse sanguine totale (>25% de la valeur théorique)
  • Biopsie médullaire : hypercellularité touchant les trois lignées (panmyélose) avec prolifération mégacaryocytaire pléomorphe
  • Mutation JAK2V617F ou de JAK2 exon 12
  • Érythropoïétine (EPO) sanguine basse
  • Croissance spontanée des progéniteurs érythroïdes
  • Hyperplasie des lignées myéloïdes à la biopsie osseuse

Son évolution...

LES COMPLICATIONS POSSIBLES

Liées à la polyglobulie

  • A cause de l'excès d'acide urique : crises de goutte, coliques néphrétiques par lithiases (calculs) uriques
  • Hémorragiques: épistaxis (saignement du nez), gingivorragies, hémorragies au FO liées à la thrombopathie associée
  • Thrombotiques: fréquentes et graves affectant les vaisseaux cérébraux et/ou coronaires, des membres, plus rarement, les artères mésentériques (vascularisation des intestins) ou veines sus-hépatiques, drainant le foie vers le cœur.
     

Hématologiques
Une myélofibrose qui se caractérise par : une augmentation de la taille de la rate (splénomégalie), une altération de l’état général ou l'apparition d'une myélémie, érythroblastémie, d'une anémie, de dacryocytes (globules rouges qui présentent une extrémité effilée en forme de poire, de larme ou de raquette de tennis).
La transformation en leucémie aiguë est une évolution possible, soit par transformation directe, soit par une transformation secondaire à la myélofibrose

LE PRONOSTIC

Il est très favorable avec un taux de survie à 5 ans de 93 %. Il est légèrement moins favorable pour les sujets âgés.

Les moyens thérapeutiques…

LE CONTEXTE

La proposition thérapeutique que l'on vous proposera sera débattue lors d'une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP).
Dans le cas général, elle consiste à limiter le risque de complications thrombo-hémorragiques, à traiter les symptômes sans vous exposer à une augmentation du risque de transformation leucémique et à prévenir le risque d’évolution hématologique sur le long terme. Dans ces maladies chroniques, la prise en compte de la fatigue et la préservation de la qualité de vie seront au centre de la proposition qui vous sera faite.

EN PREMIÈRE LIGNE

Les saignées
Elles constituent le traitement initial de l’hyperviscosité. Elles doivent être abondantes, répétées et rapprochées pour corriger rapidement l’hématocrite. Les saignées peuvent être manuelles ou par érythroaphérèse.
En traitement de fond, leur objectif est de maintenir un hématocrite normal. Elles sont alors effectuées mensuellement ou trimestriellement, tous en contrôlant le taux de fer sérique.

Les médicaments
Ils ont comme objectif de ralentir le fonctionnement de la moelle osseuse. Les deux principaux médicaments utilisés sont :

  • L’Hydréa™ (hydroxycarbamide) agent cytostatique 2 à 4 gélules par jour
  • Le Vercyte™ (pipobroman) qui est un agent alkylant 2 à 4 comprimés par jour deuxième ligne
     

Habituellement, après 6 à 8 semaines de traitement, on constate un retour à la normale des chiffres de globules rouges. Le traitement ensuite est adapté selon le niveau de l’hématocrite et doit être poursuivi de manière permanente, car il n’y a aucun moyen actuellement de bloquer de manière définitive le surcroît d’activité de la moelle osseuse.

ENSUITE...

Le phosphore 32 marqué avec un isotope radioactif
Il se fixe le long de la moelle osseuse à la limite de celle-ci et provoque une irradiation lente mais continue ce qui aboutit à un ralentissement global du fonctionnement de la moelle.
Ce médicament est administré soit par la bouche, soit par voie intraveineuse. Son avantage est que l’effet qu’il provoque va persister pendant plusieurs mois, voir plusieurs années sans qu’il soit nécessaire d’en redonner une nouvelle dose. Il faut savoir qu'il existe un risque leucémogène.

L’interféron
Il possède un effet antiviral mais également un effet de ralentissement du fonctionnement de la moelle osseuse. C’est cette dernière propriété qui le fait utiliser dans certaines maladies ou la moelle osseuse est trop active.

LES INHIBITEURS DES KINASES JAK

JAK
Le nom JAK signifie Janus kinase, car ces enzymes ont "un double visage", comme le personnage de la mythologie, Janus :

  • Une fonction «positive» dans le système immunitaire
  • Une fonction «négative» dans la pathogenèse de l’inflammation chronique
     

La famille des JAK comprend, le JAK1, 2 et 3 et TYK2. Ce sont des kinases qui ont un rôle essentiellement physiologique dans l’organisme. Leur activation se base sur une phosphorylation de leur structure.

Ruxolitinib (Jakafi™)
C'est un inhibiteur de JAK, actif par voie orale.
Il est indiqué dans le traitement de la splénomégalie ou des symptômes liés à la maladie chez l'adulte atteint de myélofibrose secondaire à la maladie de Vaquez. De plus, il est dorénavant homologué pour le traitement des polyglobulies de Vaquez résistantes ou intolérantes à l’hydroxyurée.
La dose initiale  est de 5 mg deux fois par jour chez les patients ayant un taux de plaquettes compris entre 50 000 et 100 000/mm3.
Le traitement est en général bien toléré, néanmoins des cas d’infections herpétiques ont été rapportés.

DEMAIN LE RUSFERTIDE.

Rusfertide est un peptide injectable qui mimique l'hepcidine, l'hormone régulatrice du fer qui limite la disponibilité du fer pour l'érythropoïèse.
Dans une étude de Phase-II, le traitement par rusfertide a permis une baisse de l'hématocrite moyen au dessous de 45 %  et le pourcentage de patients répondeurs.

Les traitements et leur chronologie

Saignées seules
< 60 ans (bon état cardiovasculaire + taux de plaquettes < 800 x 10 9 /L)

Première ligne
Hydréa™ ou parfois Vercyte™

Seconde ligne
P32 si... > 60 ans + échec de la chimiothérapie ou surveillance difficile
Interféron, ruxolitinib, inhibiteur de JAK

Mise à jour

4 mars 2022