Lors d'une immunothérapie ciblée
Durée de l’immunodépression
Une immunodépression post-chimiothérapie ou post-corticoïde au long cours persiste pendant environ 3 mois. L’arrêt ou l’allégement de traitement pour limiter les infections graves n’ont que peu d’intérêt..
L’immunodépression selon le type de traitement
La radiothérapie induit peu d’immunodépression avec un faible risque d’infection virale grave.
Les mono-chimiothérapies et les chirurgies carcinologiques induisent une immunodépression modérée.
Les polychimiothérapies peuvent conduire à des infections virales graves notamment en cas de lymphopénie. Ainsi une lymphopénie < 600/mm² est un facteur de risque, surtout si elle est prolongée et une corticothérapie au long cours associée.
Certaines thérapies ciblées, comme les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) dont l’imatinib sont considérées comme à risque d'induire une réactivation virale et pourraient être un risque d’infection grave COVID-19 en cas de lymphopénie.
Les immunothérapies (anti-PD1 et anti-PDL1 utilisés seules ne sont pas immunosuppressives.
Les corticoïdes à faible dose et pendant une courte durée, notamment en prophylaxie d’allergie ou pour prévenir les nausées et les vomissements post-chimiothérapie ne constituent pas un risque d’infection virale grave.
Les effets secondaires des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires
QUAND ?
Ils peuvent se manifester très tôt après le début du traitement mais, le plus souvent, ils ne surviennent que plusieurs semaines après le début du traitement, 40 jours en moyenne. Dans de rares cas, ils peuvent apparaitre après plusieurs années.
LEUR SEVERITE
La majorité des effets secondaires provoqués par ces traitements sont mineurs (grade 1 ou 2 selon la classification internationale). De plus, ils sont facilement gérés en arrêtant le traitement (dès le grade 2) et en prenant en charge les effets indésirables impactant la qualité de vie comme un prurit, une éruption cutanée, un état de fatigue ou de la diarrhée. Beaucoup plus rarement, des effets indésirables plus marqués de grades 3 à 5 peuvent survenir.
Les anticorps anti-CTLA-4 ont une plus grande toxicité. De: 20 à 25 % des patients traités présentent une toxicité de grade 3 ou supérieure, contre 10 % des patients traités par les anticorps anti-PD-1 ou anti-PD-L1. Il faut savoir que les problèmes associés aux anticorps anti-PD-1 et anti-PD-L1 sont similaires.
Les manifestations dermatologiques
Ce sont les manifestations les plus fréquentes.
Sous traitement par les anticorps anti-CTLA-4, elles sont souvent précoces et se présentent sous formes de réactions inflammatoires, de réactions bulleuses*. Des réactions sévères, comme le syndrome de Stevens-Johnson** ou les pustuloses exanthémateuses aiguës généralisées*** sont rares mais possibles.
Les réactions inflammatoires sont plus fréquentes et se manifestent par un prurit, une éruption cutanée.
Le vitiligo (décoloration de la peau) est associé à l’utilisation des anticorps anti-PD-1 dans le mélanome. Il serait un marqueur prédictif positif de la réponse au traitement.
Des cas d’alopécie ont parfois été rapportés.
Les réactions sévères (grade supérieur à 2) sont rares mais nécessitent l’arrêt du traitement et doivent être prises en charge par une équipe spécialisée. Les corticoïdes sont le traitement sous forme de dermocorticoïdes. Les traitements symptomatiques (antihistaminiques, émollients) restent la base de la prise en charge des symptômes..
* Maladies de peau dont la lésion principale est une bulle, c'est-à-dire un soulèvement de peau contenant un liquide, d'aspect clair ou plus opaque. Les bulles apparaissent au niveau de la peau ou des muqueuses (dans la bouche par exemple). Après grattage, les lésions présentes au niveau de la peau forment des croûtes, tandis que celles situées sur les muqueuses laissent un petit creux. Elles mesurent au moins 5 millimètres de diamètre, mais peuvent atteindre une taille bien plus important.
** Forme limitée de nécrolyse épidermique toxique caractérisée par la destruction et le détachement de l'épithélium de la peau et des muqueuses sur moins de 10 % de la surface totale corporelle.
*** Réaction d'hypersensibilité rare caractérisée par le développement rapide de nombreuses pustules non folliculaires, stériles, de la taille d'une tête d'épingle sur une lésion érythémateuse, siégeant principalement sur le tronc, les zones intertrigineuses et de flexion, avec de rares atteintes des muqueuses (généralement buccales). Une fièvre, une leucocytose sanguine périphérique et une légère éosinophilie sont associées. Une atteinte systémique, avec dysfonctionnement hépatique, rénal ou pulmonaire, est parfois observée. La maladie se déclare généralement 1 à 12 jours après l'administration du médicament
Les manifestations gastro-intestinales auto-immunes
Elles touchent principalement les voies digestives basses, et sont à l’origine de colites auto-immunes ou d’entérocolites.
Les colites auto-immunes
Elles se traduisent principalement par des diarrhées. La prise en charge recommandée actuellement repose sur l’utilisation de corticoïdes, voire de traitements anti-inflammatoires, comme l’infliximab (Remicade™ et biosimilaires) un anticorps chimérique anti-TNF-α), ou le védolizumab (Entivyo™) en cas de corticorésistance, ou en seconde ligne
Les hépatites auto-immunes
Elles sont rares, moins de 10 % des cas. Elles sont le plus souvent asymptomatiques et repérées par le dosage sanguin des enzymes hépatiques.
Les hépatites fulminantes sont exceptionnelles et leur prise en charge repose sur l’administration de corticoïdes, voire d’immunosuppresseurs, en cas de toxicité de grade supérieur à 2
Les pancréatites auto-immunes
Ce sont des manifestations rares. Néanmoins, une élévation isolée de la lipase peuvent être observée, le plus souvent sans conséquence.
Les manifestations pulmonaires
Elles sont rares et associées aux traitements par anticorps anti-PD-1 et anti-PD-L1, chez les patients présentant des cancers du poumon. Elles affectent plutôt les patients présentant des pathologies pulmonaires (asthme, bronchite chronique - BPCO, etc.), ou chez les fumeurs..
Les manifestations se présentent comme une pneumopathie interstitielle*
* Les pneumopathies interstitielles diffuses aussi appelées pneumonies infiltratives diffuses, ont des causes et des mécanismes variés. Leur point commun est leur aspect radiologique sous forme d’opacités infiltratives diffuses. Les symptômes sont un essoufflement à l'effort (dyspnée), d’apparition progressive et une toux sèche.
Les manifestations endocriniennes
Elles apparaissent dans 10 à 15 % des cas à la suite d'une immunothérapie.
Les problèmes thyroïdiens (dysthyroïdies) sont les plus fréquents. Ils se manifestent sous la forme d’une hypothyroïdie bien qu'une hyperthyroïdie puisse se voir, souvent transitoire.
Les insuffisances surrénaliennes primaires ou secondaires sont également possibles mais très rares.
L’ipilimumab peut être, très rarement, à l’origine d’hypophysites, qui conduisent à des déficits hormonaux centraux. Des troubles visuels et des céphalées peuvent en être la manifestation clinique et doivent être signalés.
Le traitement hormonal de substitution hormonale et la surveillance des paramètres biologiques hormonaux, comme la TSH [thyroid-stimulating hormone], le taux de cortisol ou celui d'ACTH [adreno-corticotropic hormone], etc.) permettent de gérer les symptômes et de poursuivre le traitement dans la majorité des cas.
Les autre manifestations
Neurologiques et oculaires
Elles peuvent toucher le système nerveux central et le système nerveux périphérique chez environ 5 % des patients traités et se manifestent, surtout par des maux de tête (céphalées). Exceptionnellement, des méningites aseptiques, des encéphalites, des syndromes de Guillain-Barré*, des myasthénies, des neuropathies périphériques ou d’autres syndromes démyélinisants, ont été rapportés.
Leur apparition implique l’arrêt, au moins temporaire, du traitement, en plus des corticoïdes, en association, parfois, avec des échanges plasmatiques, l’administration d’immunoglobuline (Ig) IV ou de rituximab.
Les atteintes oculaires sont rares, comme un syndrome sec, des uvéites et des épisclérites. Le traitement repose généralement sur la corticothérapie topique, et ne nécessite pas, dans les cas d’atteinte isolée, d’arrêt du traitement.
Rhumatologiques
Ils s'agit de douleurs articulaires (arthralgies), des myalgies et des arthrites. Près de 40 % des patients traités présentent de tels symptômes.
Leur traitement comprend une corticothérapie, voire sur des biothérapies.
Toutes les articulations peuvent être touchées, parfois très à distance du traitement. Des formes cliniques ressemblant à des rhumatismes inflammatoires, polyarthrite rhumatoïde ou pseudo-polyarthrite rhizomélique, ont été décrites.
Les myosites sont rares mais potentiellement graves.
Hématologiques
Des cas d’anémie hémolytique auto-immune, de purpura thrombocytopénique immunologique, et de neutropénie auto-immune ont été rapportés.
Ils sont traités par corticothérapie (sauf dans le cas des neutropénies, afin de diminuer le risque infectieux), de facteurs de croissance, d’IgIV, ou des transfusions avec un arrêt temporaire du traitement. L’aplasie médullaire est rare mais grave. .
Les atteintes rares
L’atteinte rénale se voit dans 1 à 2 % des cas mais tend à être majorée en cas de combinaisons d’anticorps.
Cardiovasculaires
Elles sont rares mais sont les plus sévères. Il s'agit de myocardites, de péricardites, une insuffisance cardiaque, une maladie thromboembolique et des cas rares de vascularites immuno-induites. La corticothérapie et les thérapeutiques immunosuppressives, en plus des mesures de réanimation cardiovasculaire, sont souvent nécessaires.
* Le Syndrome de Guillain-Barré, également appelé polyradiculonévrite démyélinisante aigüe, est une atteinte dysimmunitaire des nerfs périphériques qui se traduit par une paralysie rapide qui débute le plus souvent au niveau des membres inférieurs puis remonte vers le haut du corps, pouvant atteindre parfois les muscles respiratoires et les nerfs crâniens.
Le Syndrome de Guillain-Barré est une maladie potentiellement grave. La récupération est le plus souvent complète, mais environ 5 % des patients décèdent et environ 10 % conservent des séquelles motrices.
Mise à jour
16 décembre 2023