Neurologiques
Les neuropathies périphériques
DE QUOI S’AGIT-IL ?
La neurotoxicité des traitements anticancéreux représente le facteur limitant le plus fréquent après la toxicité hématologique. Elle est dose-dépendante*.
Les atteintes des nerfs périphériques représentent la majorité des atteintes neurologiques liées à la toxicité des chimiothérapies. Elles sont la conséquence d'une atteinte toxique directe de l'axone ou d'une démyélinisation, c'est-à-dire en affectant les gaines qui entourent les nerfs. Toutes les fibres nerveuses sont susceptibles d’être atteintes, sensitives, motrice mais également végétatives.
Elle se présente sous la forme d'une polynévrite distale à prédominance sensitive ou sensitivo-motrice. Elles sont dose-dépendante* et sont régressives à l'arrêt du traitement.
QUELS SONT LES MÉDICAMENTS EN CAUSE ?
Les médicaments responsables de cette toxicité sont :
- Les poisons du fuseau : alcaloïdes de la pervenche : vincristine, surtout, vinblastine, vindésine, vinorelbine, taxanes : le paclitaxel (Taxol™), surtout et, à un moindre degré, le docetaxel (Taxotère™), les épothilones
- Les sels de platine : cisplatine et surtout l’oxaliplatine (Eloxatine™)
- Les thérapies ciblées : bortézomib (Velcade™ ), thalidomide et les autres "imids"
QUELS SONT LES SYMPTÔMES ?
Ils sont variables et peuvent prendre la forme de :
- Fourmillements ou d’impression de paralysie (paresthésie), souvent déclenchées par le froid, affectant les mains, les pieds et parfois le visage,
- Douleurs inhabituelles, indépendantes d’un stimulus douloureux, spontanées ou provoquées (frottement, pression…). Elles ressemblent à des brûlures, à des décharges électriques ou à des élancements,
- Une sensation d’engourdissement ou de diminution de la sensibilité, comme, par exemple, la perception de la température d’un bain
- Une instabilité à la marche accompagnée, ou non, d’une impression vertigineuse
- Des tremblements, des crampes ou une faiblesse musculaire
Les alcaloïdes de la pervenche peuvent provoquer également une paralysie de l’intestin (iléus paralytique) par une activité antitubuline, protéine responsable de la fabrication de microfibrilles qui entrent dans la composition de la gaine de l'axone.
Certains patients sont particulièrement exposés à ces atteintes périphériques : éthyliques (abus d'alcool), diabétiques, patients présentant des perturbations du bilan hépatique ou ayant déjà reçu des chimiothérapies neurotoxiques.
LE DIAGNOSTIC
Votre médecin peut noter la disparition des réflexes ostéotendineux, des troubles de la sensibilité profonde et/ou de la sensibilité thermo-algique en faisant un examen neurologique.
L'examen clinique du neurologue pourra être complété par un électromyogramme (EMG) qui jugera l'intensité et le type d'atteinte des nerfs.
COMMENT TRAITE-T-ON LES NEUROPATHIES ?
On peut tout d'abord des petits moyens comme le port de gants chauds en cas de problèmes avec l'oxaliplatine.
On peut vous proposer une vitaminothérapie B et des médicaments spécifiques, comme des antiépileptiques.
Certaines équipes préconisent l’électrothérapie.
Des études ont montré une certaine efficacité de l'acupuncture.
Si les troubles sont très intenses, l’oncologue peut soit différer la cure de chimiothérapie, soit diminuer les doses prévues.
*L’effet bénéfique ou toxique d’un principe actif a une intensité qui dépend de la dose administrée et par conséquent de sa concentration plasmatique ou tissulaire. Si l’on trace une courbe effet/dose, la dose étant exprimée en échelle logarithmique, on obtient une courbe sigmoïde qui montre que jusqu’à une certaine dose aucun effet n’apparaît (AB) puis que l’effet augmente avec la dose jusqu’à atteindre un effet maximum ou plateau. La dose qui donne 50% de l’effet maximum s’appelle la dose efficace 50 (DE 50)
Troubles observés en fonction du type de médicament
Médicament | Atteinte | Type de neuropathie | Fréquence |
---|---|---|---|
Vincristine | Axone | Mixe, sensitive, moteur et végétative (mains et pieds) | 50 à 60 % |
Paclitaxel Docétaxel Epothilones |
Axone | Sensitive distale et moteur | 60 à 80 % 10 % 20 à 50 % |
Cisplatine Oxaliplatine |
Ganglion de la corne dorsale de la moelle épinière | Sensitive | 15 à 30 % 80 à 90 % |
Velcade™ Thalidomide |
Axone | Sensitive parfois végétative | 30 à 75 % 40 % |
Les médicament les plus couramment impliqués dans les polyneuropathies
|
type |
symptômes cliniques |
Physiopathologie |
Pronostic |
---|---|---|---|---|
Sels de Platine |
||||
Cisplatine |
Fibres larges, sensoriel |
Engourdissement, perte de sensibilité et proprioception |
Ganglions de la racine dorsale |
Aggravation après arrêt, potentiellement réversible |
Oxaliplatine |
Fibres larges, sensoriel |
Allodynies oropharyngées, hyper sensibilité au froid, paresthésies post perfusion, paresthésies chroniques |
Ganglions de la racine dorsale, canaux à ions sodium |
Aigu: disparaît en quelques heures |
Taxanes et inhibiteurs du fuseau |
||||
Paclitaxel |
Fibres larges et fines, sensorimoteur |
Paresthésies douloureuses, myalgies |
Ganglions de la racine dorsale, microtubules, canaux ioniques |
Réversible |
Docétaxel |
Fibres larges et fines, sensorimoteur |
Paresthésies douloureuses, myalgies |
Ganglions de la racine dorsale, microtubules, terminaisons nerveuses |
Réversible |
Alcaloïdes vinca |
Fibres fines, autono miques, nerfs crâniens |
Engourdissement, douleur, faiblesse des extenseurs, constipation, vertiges, parésie oculaire, parésie faciale, paralysie des cordes vocales |
Ganglions de la racine dorsale, microtubules, terminaisons nerveuses |
Réversible à l’arrêt du traitement |
Thérapies ciblées |
||||
bortézomib |
Douloureux, sensoriel |
Paresthésies distales douloureuses |
Mitochondries, réticulum endoplasmique |
Réversible avec diminution de dose ou à l’arrêt |
thalidomide |
Sensorimoteur |
Paresthésies douloureuses, myalgies |
Ganglions de la racine dorsale, dysrégulations de la vascularisation nerveuse et des neurotrophines |
Potentiellement réversible |
Les atteintes des nerfs crâniens
L'OTOTOXICITÉ
C'est l'atteinte du nerf auditif qui est le 8ème nerf crânien. Le principal produit incriminé est le cisplatine mais des cas ont été rapportés avec le carboplatine et le BCNU en intra-artériel.
Le déficit auditif est plus ou moins symétrique et progressif, sauf si les sels de platine sont administrés à fortes doses, par voie intraveineuse rapide.
Les problèmes, paraissent liés à la dose et sont cumulatifs. C’est pourquoi, le médecin vous demandera de passer un audiogramme pour vérifier votre audition.
LES ATTEINTES OPHTALMOLOGIQUES
C'est l'atteinte du nerf optique qui est le 2ème nerf crânien . Deux types de toxicités sont ont été décrites :
- La névrite optique rétrobulbaire avec les sels de platine, la vincristine, la cytarabine, le 5-fluoro-uracile, les nitroso-urées à haute dose ou par voie intra-artérielle, la lomustine (CCNU) associée à la radiothérapie
- Des paralysies oculomotrices avec la vincristine, le cisplatine, le 5-fluorouracile, et l'ifosfamide
D'AUTRES ATTEINTES DES NERFS CRÂNIENS
Des atteintes des autres nerfs crâniens, comme celles du VII, du X et du XII, ont été rapportées après des injections intra-artérielles de cisplatine, des perfusions de cytarabine ou des injections intrathécales de méthotrexate.
Les atteintes du système nerveux central
APRÈS ADMINISTRATION GÉNÉRALE
Des encéphalopathies aiguës dont l'évolution est spontanément régressive
Elles ont été rapportées surtout avec le méthotrexate, surtout s'il y a eu une irradiation encéphalique et ifosfamide.
Les symptômes peuvent apparaître entre le premier et le dixième jour du traitement et disparaître spontanément dans les jours suivant l’arrêt de la perfusion. L’imagerie cérébrale est normale.
Un syndrome cérébelleux
C'est une complication rare, principalement observée après l’administration des antipyrimidiniques, du 5-FU et de la cytarabine. Il est réversible dans la majorité des cas.
Des mouvements anormaux
Ils ont été rarement rapportées avec le 5-FU, la doxorubicine et la cyclosporine .
Des accidents vasculaires cérébraux
S’il est décrit des épisodes pseudo-vasculaires, notamment avec le cisplatine, de véritables AVC constitués ont été rapportés avec la L-asparaginase, le cyclophosphamide intraveineux, le 5-FU en perfusion continue, le CDDP, la gemcitabine ou les injections intrathécales de méthotrexate ou de cyclophosphamide.
Des troubles des fonction cognitives
L’atteinte des fonctions intellectuelles chez les patients recevant une chimiothérapie quelque soit leur cancer est une complication possible. Elle est de plus fortement corrélée avec le degré de fatigue, l'existence d'un état dépressif ainsi que l'existence de séquelles altérant la qualité de vie.
Son incidence est estimée entre 20 et 30%. Par exemple, pour les patientes sous chimiothérapie pour cancer du sein, elle varie, selon les séries, de 10 à 70 %.
Ces perturbations semblent plus fréquent en cas d'utilisation du 5-FU et du cyclophosphamide. Ces troubles portent sur la mémoire, l’attention, l’organisation, le calcul.
La plupart du temps, ils s’améliorent à distance du traitement.
APRÈS INJECTION DANS LE LCS
Ce type de chimiothérapie est souvent proposée pour le traitement de certaines leucémies aiguës.
Des méningites aseptiques
Elles se manifestent par des douleurs rachidiennes, des céphalées et de la fièvre. Elles dépendent de la dose, de l’âge, du produit utilisé, du volume administré et des traitements antérieurs effectués. Les symptômes surviennent en général deux à trois heures après l’injection intrathécale.
Les myélopathies
Elles sont très rares. Elles ont été décrites après injection intrathécale de méthotrexate ou de cytarabine. Après l’injection intrathécale, dans un délai très court, surviennent des signes de myélite transverse qui, le plus souvent régressent complètement en 48 heures.
Complications neurologiques centrales parfois observées
$$
Risque |
Modéré |
Faible |
---|---|---|
Encéphalopathie aiguë réversible (delirium) |
Cisplatine |
Méthotrexate (haute dose, IV, intrathécal) |
Encéphalopathie chronique (démence) |
Carmustine, cytarabine, fludarabine |
Polychimiothérapies (HD), méthotrexate |
Crises épileptiques |
L-asparaginase, busulfan (haute dose), carmustine, cisplatine |
Ciclosporine |
Syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible |
Bévacizumab, sunitinib, sorafénib |
Gemcitabine, cytarabine, vincristine |
Infarctus cérébraux |
Bévacizumab |
Dérivés du platine |
Microangiopathie thrombotique |
Mitomycine C, gemcitabine |
Ciclosporine |
Thrombose veineuse cérébrale |
L-asparaginase |
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Dysfonctions cérébelleuses |
5-FU, ciclosporine (rare), cytarabine |
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Céphalées |
Corticostéroïdes, acide rétinoïque |
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Troubles de la vision |
Bévacizumab (neuropathie optique) |
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Méningite aseptique |
Bortézomib |
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Atteintes exceptionnelles du SNC et les médicaments le plus en cause
Aiguës | Chroniques | Médicaments en cause |
---|---|---|
Encéphalopathie diffuse |
Leuco-encéphalopathie |
Methotrexate |
Mise à jour
26 août 2022