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Les sels de platine

La saga du cisplatine...

IL Y A 130 ANS...

Le cisplatine est décrit pour la première fois par le chimiste italien Michele Peyrone en 1884, d'où son nom de "chlorure de Peyrone". En 1893, sa structure est décrite par Alfred Werner, un chimiste suisse nobélisé en 1913.

IL Y A 50 ANS...

L'intérêt thérapeutique des sels de platine a été découvert de manière fortuite par Barnett Rosenberg en 1965 qui étudiait les effets des courants électriques sur des cultures de bactéries, Escherichia coli (E. coli ). Il constate que près des électrodes en platine, dans le tampon contenant du chlorure d’ammonium (NH4Cl), la croissance des bactéries est inhibée et qu'elles sont fragmentées. L’explication est donnée par le fait que les sels de platine forment des complexes comprenant des ions ammonium et chlore.

IL Y A 40 ANS...

Le cisplatine a reçu sa première approbation de la FDA le 19 décembre 1978 et son introduction en clinique date de la fin des années 1970. Il a représenté une étape majeure dans l’histoire de la chimiothérapie anticancéreuse.
Ce médicament déjà ancien est toujours indiqué dans de nombreuses indications, notamment, les cancers de la vessie, de la tête et du cou, du poumon, de l’ovaire et du testicule et apporte un bénéfice indiscutable.

Données générales...

LEUR MODE D'ACTION

Les sels de platine fonctionnent comme des alkylants
Ils se lient à l’ADN, à l’ARN et aux protéines et se comportent comme des agents bifonctionnels.
En milieu aqueux, la dissociation de la molécule se traduit par la libération de deux atomes de chlore. Les deux valences libres se fixent alors sur les sites actifs des molécules d'ADN. Les sels de platine se fixent essentiellement par leurs atomes de chlore sur l’azote 7 des guanines (N7G). Ils forment alors des ponts intra- ou inter-brins (pontages) entre les deux chaînes de l’ADN.

Les adduits
On appelle adduits les complexes ADN-Platine. On parle alors de platinisation qui est responsable de la cytotoxicité.
Les adduits inhibent la réplication de l'ADN car les pontages sont des sortes de clips qui empêchent l’ouverture de l’ADN, lors de la réplication, comme le ferait une fermeture éclaire, coincée. Ce blocage aboutit à l’apoptose de la cellule.

L'effet toxique
Il est corrélé au nombre de ponts inter-brins observés, qui peuvent demander plusieurs heures à être formés et sont ensuite réparés très lentement. De ce fait, la cytotoxicité est directement corrélée avec la quantité de platine liée à l'ADN.

L'IMPORTANCE DE LA STRUCTURE DES MOLÉCULES

Les complexes de platine actifs (Pt2+), comme les agents antinéoplasiques, ont une structure commune.
Le platine, généralement à l'état de Pt2+, est lié par des liaisons covalentes à deux substituants et datives aux deux autres, dont deux substituants azotés peu labiles et deux substituants labiles, chlorure ou carboxylate.
L'ensemble forme une structure plane carrée au centre de laquelle se trouve le platine.
Du fait de la structure plane du complexe, le platine est en contact de part et d'autre du plan avec les molécules environnantes. Si ces molécules sont nucléophiles, c'est-à-dire ont beaucoup d'affinité pour les sites chargés positivement comme l'est le platine, elles tendent à former avec lui de nouvelles liaisons fortes, ce qui entraîne le départ des substituants labiles Cl- ou RCOO-.
La forme hydratée, dite aqua, est beaucoup plus réactive que la forme chlorure.

LA CHIMIO-RÉSISTANCE AUX SELS DE PLATINE

Une résistance des tumeurs aux dérivés du platine peut apparaître qui s'explique, en partie, par :

  • Une diminution de la concentration des dérivés du platine dans les cellules cancéreuses
  • Une élévation de la teneur du glutathion intracellulaire, qui se lie aux atomes de platine
  • Une capacité de réparation de l’ADN par les cellules augmentée
  • Une production accrue de métallothionéines qui sont des détoxifiants des métaux lourds.

Les indications des dérivés du platine très larges

  • Les cancers du testicule
  • Les cancers de la thyroïde, de l'ovaire, du col de l’utérus et de l'endomètre
  • Les cancers du sein
  • Les cancers de l'œsophage
  • Les tumeurs de la vessie
  • La plupart des cancers de la sphère ORL
  • Les différents types de cancers du poumon
  • Pour l’oxaliplatine, seulement, pour les cancers colorectaux et pancréatiques, plus récemment

Leur utilisation, en pratique...

Leur voie d’administration
Tous les dérivés à base de platine  sont actifs uniquement par voie injectable intraveineuse.

Les effets secondaires
Les complexes de platine ont plusieurs effets indésirables :

  • Le risque d’insuffisance rénale, particulièrement importante avec le cisplatine. Avec ce médicament, ce sont les cellules des tubules rénaux (tubulopathie) qui sont les plus touchées. Cette toxicité est contrôlée, en pratique avec une hyperhydratation permettant de maintenir une diurèse importante avec, éventuellement, adjonction de chlorure de sodium.
  • Une myélotoxicité avec thrombopénie, leucopénie, anémie, plus importante avec le carboplatine qu'avec le cisplatine.
  • Des troubles neurosensoriels : ototoxicité, bourdonnements d'oreilles, diminution de l'acuité auditive
  • Neuropathies périphériques sont fréquentes avec l'oxaliplatine
  • Des troubles digestifs, vomissements, nausées lors de leur administration.
  • Une baisse des taux plasmatiques de magnésium, de calcium et de potassium.

Les principaux effets indésirables

 

Toxicités Cisplatine Carboplatine Oxaliplatine
Myélosuppression +++ +++  
Néphrotoxicité ++++    
Neurotoxicité +++   ++++
Ototoxicité +++    
Nausées, vomissements ++++ ++ ++

 

Le cisplatine ou CDDP

CISPLATINE

Le cis-diamminodichloroplatine (CDDP) fut synthétisé en 1845 mais ne fut essayé qu’en 1970 en clinique humaine et homologué en 1978. Il faillit être abandonné en raison de sa toxicité rénale.
C'est une pro-drogue car le produit actif est son métabolite, le diaquaplatine. Il se lie aux protéines plasmatiques (forme inactive).
La disposition planaire en cisplatine est essentielle à son activité même lorsque le médicament est lié aux structures biologiques (composés trans- inactifs).

SES INDICATIONS

Il est la base de nombreux protocoles de chimiothérapie, comme par exemple, pour le traitement des cancers du testicule, de la prostate, du col de l’utérus, de l’ovaire, de l’endomètre, du poumon, de la vessie, des voies aérodigestives, des sarcomes et des neuroblastomes.

SON ADMINISTRATION

La perfusion est toujours précédée par une hyperhydratation par 2 litres de sérum isotonique et suivie par l'administration de 1 litre de ce même sérum.
Un traitement pour prévenir les nausées et les vomissements sera institué avant la perfusion et comprendra, un sétron (médicament antiémétique), un corticoïde et de l'aprépiptant pour prévenir les nausées secondaires.
Elle est administrée par une perfusion intraveineuse de 30 à 60 minutes. Les doses varient entre 80 et 100 mg/m².

SA TOLÉRANCE

Ses toxicités principales sont rénales (néphrotoxicité tubulaire) et neurologiques (neurotoxicité).

Le carboplatine ou CDCP

CARBOPLATINE

Le cyclobutane-dicarboxyloplatine (CDCP) découvert en 1975 possède deux groupes carboxylates à la place des deux atomes de chlore pour le cisplatine.
C'est une prodrogue et le métabolite actif est le même que celui du cisplatine, le diaquaplatine.
Ces groupes sont plus stables et donc plus difficilement déplacés, expliquant la nécessité d’utiliser des concentrations plus fortes que le cisplatine.

SES INDICATIONS

C'est le traitement de référence du cancer de l'ovaire en association avec un taxane (CarboTaxol).
Il est aussi utilisé pour le traitement des cancers du testicule, des voies aérodigestives et du poumon. Pour ces dernières indications, il sera surtout prescrit en cas de contre-indication à l'utilisation du cisplatine.

SON ADMINISTRATION

Il est administré par une perfusion intraveineuse de 30 à 60 minutes.
La posologie de carboplatine est habituellement définie par une AUC (Area Under Curve) et non en mg/kg ou mg/m². Elle peut être calculée avec la formule de Calvert ou la formule d'Egorin.
La formule dite de Calvert prend en compte l'AUC, le poids, l'âge du patient et la fonction rénale au travers du débit de filtration glomérulaire (GFR en ml/min.) et de l'aire sous la courbe (AUC en mg/ml x min.) : Dose (mg) = AUC x (GFR + 25). L'AUC désirée varie de 4 à 8 mg/ml/min.

SA TOLÉRANCE

Par rapport au cisplatine, il a une moindre toxicité rénale et neurologique.
En revanche, il existe une toxicité hématologique plus marquée, notamment en termes de thrombopénie associée à un risque plus marqué de saignements.

L’oxaliplatine (Eloxatine™ et génériques)

L'OXALIPLATINE

C'est  un dérivé diaminocyclohexane du platine (DACH platine), le dernier commercialisé. Il s'administre sous forme perfusion intraveineuses de 2 à 6 heures. Les doses administrées vont de 85 à 130 mg/m².

INDICATIONS

Il est homologué pour le traitement adjuvant du cancer du côlon au stade III après résection complète de la tumeur initiale ainsi que pour le traitement du cancer colorectal métastatique. Son association avec le 5-fluoro-uracile et l'acide folinique s’appelle le protocole FOLFOX.
Il est de plus en plus utilisé dans le protocole FOLFIRINOX pour le traitement du cancer du pancréas.

EFFETS INDÉSIRABLES

Par rapport aux autres dérivés à base de platine, ce médicament est peu hématotoxique et n’a pas de toxicité rénale. En revanche, il est responsable de neuropathies sensitives particulières, exagérées par le froid dont la sévérité augmente avec la dose cumulée.
 

Mise à jour

17 août 2022