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Inhibiteurs des topoisomérases II

Les médicaments intercalants

Ce sont des molécules qui se placent dans les sillons de l’ADN et forment un complexe entre le médicament, l’ADN et la topoisomérase de type II. Ce complexe concoure au blocage de la transcription.

LES ANTHRACYCLINES

UN PETIT RETOUR EN ARRIÈRE…

En 1963, un chercheur, le docteur Di Marco, détecta une activité anticancéreuse d'une nouvelle classe d'antibiotiques isolés d'une bactérie, Actinomycetales , sur certains modèles de tumeurs de souris. Le nom d'anthracyclines leur sera attribué.
Ces molécules sont fluorescentes et de couleur rubis, d’où le suffixe rubicine . Elles ont été extraites à partir de cultures de différents Streptomyces isolés d'échantillons de sol, en Italie près de la mer Adriatique, d’où le préfixe « adria- » puis en France.
La daunorubicine a été la première anthracycline, suivie quelque temps plus tard de la doxorubicine, qui est la molécule de référence, de loin, à ce jour, la molécule plus utilisée pour le traitement des tumeurs solides.

LEUR MODE D'ACTION

Elles agissent en s’intercalant entre les deux brins de l’ADN ce qui bloque l’action de la topoisomérase II, enzyme responsable de la cassure bicaténaire de l’ADN nécessaire à la transcription.
Ces médicaments sont aussi fortement oxydés dans les mitochondries générant ainsi la production importante de radicaux libres d’oxygène. Ces radicaux libres sont responsables de la cardiotoxicité aiguë de ces médicaments mais aussi, pour partie, de leur effet anticancéreux.

EN PRATIQUE...

Ces composés s'administrent par voie veineuse stricte, en injections rapides, pour éviter une extravasation (fuite du produit à côté de la veine), qui endommagerait les tissus.
En dehors de leur toxicité pour les cellules sanguines et les muqueuses du tube digestif, les anthracyclines ont une toxicité cardiaque cumulative qui limite leur utilisation à long terme.

LES ANTHRACYCLINES DE PREMIÈRE GÉNÉRATION

LES CLASSIQUES

Daunorubicine 

Elle a d’abord dénommée rubidomycine, en raison de sa couleur rouge, a été découverte en France.
Elle stabilise le complexe clivable ADN-topoisomérases II.
Elle est active par voie injectable et est indiquée dans le traitement des leucémies et des lymphomes.

Vyxeos/DaunoXome™ (forme liposomale)

C'est une forme liposomale de daunorubicine.
Le DaunoXome est indiqué dans le traitement du sarcome de Kaposi cutanéo-muqueux extensif ou viscéral, chez des patients à un stade avancé de l'infection par le VIH (CD4 < 200/mm 3 ).

Doxorubicine/adriamycine 

Ce médicament a changé de dénomination internationale. À l’origine il s’appelait l’adriamycine. Ceci explique pourquoi ce médicament est encore désigné dans les protocoles de chimiothérapie par la lettre « A »
Ce médicament est actif par voie injectable et est indiqué dans le traitement de très nombreux cancers.
L'un facteur limitant pour cette molécule est sa toxicité cardiaque qui apparait cumulative surtout lorsque les doses administrées sont au-delà de 550 mg/m².

LES NOUVELLES FORMULATIONS

De très nombreuses équipes de chercheurs ont tenté de maintenir l’efficacité de la doxorubicine, tout en rendant le médicament plus tolérable. Ces recherches ont aboutit à la mise sur le marché de deux nouvelles préparations.

Myocet™

C’est un complexe de citrate de doxorubicine encapsulé dans des liposomes injectable par voie intraveineuse.
Le Myocet™ est indiqué, dans le traitement du cancer du sein métastatique de la femme, en première ligne, en association au cyclophosphamide.

Caelyx™

C’est une forme liposomale PEGylée (PEG pour polyéthylène glycol) injectable de doxorubicine.
Sa durée d’action dans l’organisme est allongée grâce la « pégylation » de la molécule.
Cette forme de doxorubicine est indiquée pour le traitement, en monothérapie du cancer du sein métastasique, du cancer ovarien à un stade avancé en seconde ligne et du sarcome de Kaposi associé au SIDA.

Les anthracyclines de seconde génération

AMÉLIORER LE PROFIL EFFICACITÉ/TOLÉRANCE...

La recherche sur de nouveaux dérivés des anthracyclines eut deux objectifs : découvrir des molécules ne présentant ni chimiorésistance croisée avec les premières ni toxicité pour le cœur.
Les chimistes ont isolé plus de 700 molécules, soit à partir de souches de Streptomyce s, soit par modifications chimiques des premières anthracyclines. Seules quelques-unes sont devenues des médicaments, comme l'épirubicine, la pirarubicine, l'idarubicine, la zorubicine et l'aclarubicine.

LES NOUVELLES MOLÉCULES

Epirubicine (Farmorubicine™ & génériques) 

C'est une anthracycline de seconde génération isolée en 1975 et développée pour réduire les complications cardiaques de la doxorubicine.
Ce médicament, commercialisé en 1991, est actif par voie injectable.
La posologie moyenne est comprise entre 40 à 100 mg/m² par cycle, chaque cycle étant séparé du précédent par 3 à 4 semaines, les cycles pouvant être répétés jusqu'à une dose cumulative maximale de 900 mg/m².
Elle est très employée dans les protocoles de chimiothérapie du cancer du sein « FEC » et de l’ovaire.
De plus, elle tend à supplanter la doxorubicine dans le traitement des autres tumeurs solides, en particulier pour les lymphomes malins hodgkiniens, la maladie de Hodgkin, le cancers à petites cellules du poumon, les sarcomes des tissus mous, les cancers de l’œsophage, de l'estomac, du pancréas, les cancers du foie et les cancers épidermoïdes de la sphère ORL..

Idarubicine (Zavedos™ & génériques)

C’est un dérivé de la daunorubicine autorisé en 1991.
Elle est administrée à la dose de 8 à 10 mg/m²/jour en injections intraveineuses répétées trois à cinq jours consécutifs.
Ce médicament a une élimination prolongée et une demi-vie longue. Il est transformé par le foie et dans divers tissus en un dérivé (métabolite) aussi actif que la molécule mère, l’idarubicinol.
Sa toxicité est analogue à celle des autres anthracyclines : risque de nécrose tissulaire en cas de passage en dehors de la veine (extravasation), toxicités aiguës sanguine et digestive, toxicité cumulative pour le cœur.
Ce médicament est surtout utilisé dans le traitement des leucémies aiguës myéloblastiques et lymphoblastiques.

Mitoxantrone (Novantrone™ & génériques) 

Ce médicament appartient à la famille chimique des anthracènediones, proche des anthracyclines date de 1985. Son mode d’action est complexe.
Elle est active par voie injectable. La posologie se situe entre 12 et 14 mg/m², en administration intraveineuse unique tous les 21 à 28 jours.
Ses indications principales sont le traitement du cancer du sein avancé, certaines leucémies aiguës, les lymphomes non-hodgkiniens et le cancer de la prostate. Elle est aussi utilisée dans le traitement de la sclérose en plaque.
Cette molécule aurait une toxicité cardiaque moindre que celle de la doxorubicine.

La toxicité cardiaque des anthracyclines

GLOBALEMENT

La toxicité aiguë des anthracyclines
C'est un événement relativement rare (< 1 % des patients traités), se traduisant par une altération de la fonction contractile transitoire, volontiers résolutive.

La toxicité chronique
Elle représente un problème majeur, avec une incidence de 2 % pour les formes précoces et jusqu’à 5 % pour les formes tardives. Cette incidence varie en fonction du produit utilisé, de la dose et de l’âge des patients. Une incidence d’insuffisance cardiaque allant de 7 à 26 % chez les patients traités par doxorubicine à la dose de 550 mg/m² et de 18 à 48 % à la dose de 700 mg/m² . De ce fait, la dose maximale cumulative admise pour la doxorubicine est de 400 à 500 mg/m². L’incidence serait plus faible pour l’épirubicine et l’idarubicine.. 

Les facteurs de risque reconnus sont

  • La dose cumulée
  • L’administration sous forme de bolus intraveineux ou les doses uniques élevées
  • Un antécédent d’irradiation thoracique
  • L’utilisation concomitante d’autres agents cardiotoxiques
  • Le sexe féminin
  • Les facteurs de risques cardiovasculaires
  • Les âges extrêmes de la vie 


Les signes cliniques

Il est peu spécifique, avec une dysfonction uni- ou biventriculaire. Cette dysfonction peut être asymptomatique, découverte sur les données de l’échocardiographie (diminution de la contractilité ou à l'occasion d’un test d’effort. 

L’utilisation d’un cardioprotecteur (dexrazoxane)

Elle est limitée aux patientes traitées pour un cancer du sein et qui ont reçu au préalable une dose de doxorubicine supérieure à 300 mg/m² ou d’épirubicine supérieure à 540 mg/m².

PREVENTION


En prévention primaire, il est important de contrôler les facteurs de risque cardiovasculaires et ce, avant, pendant, et après le traitement.
Il est également recommandé d’introduire un traitement de prévention complet en cas de haut ou très haut risque de cardiotoxicité.
Dans certaines circonstances, il est possible d’utiliser la dexrazoxane, chélateur du fer modulant la toxicité des anthracyclines sur le myocyte dans cette même population

En prévention secondaire, si vous êtes porteur d’une cardiopathie vous devrez être traité de façon optimale. Chez les patients à haut et très haut risque, une discussion entre cardiologue et oncologue portera sur la possibilité d’utiliser des anthracyclines liposomales, moins cardiotoxiques que les anthracyclines classiques.

SUVEILLANCE LA PREMIERE ANNEE

Chez les patients à bas risque, une échographie transoesophagienne (ETT) devra être réalisée 1 an après la fin du traitement
Chez les patients à risque intermédiaire, une ETT devra être réalisée après 250 mg/m², puis 1 an après la fin du traitement. Les biomarqueurs cardiaques, comme la mesure du BNP, sera évaluée toutes les 2 cures, et à 3 mois après la fin du traitement.
Chez les patients à haut et très haut risque, la surveillance sera renforcée avec une ETT toutes les 2 cures, puis à 3 et 12 mois après la fin du traitement. La surveillance du BNP se fera à toutes les cures, puis à 3 et 12 mois après la fin du traitement

SURVEILLANCE AU DELA...

Une nouvelle évaluation se fera 1 an après la fin de la chimiothérapie, pour décider du schéma de surveillance des patients ayant survécu au cancer. pour ce faire, on vous reclassera "à haut risque" si vous avez reçu plus de 250 mg/m² de doxorubicine, ou une association doxorubicine/radiothérapie.
Il est recommandé d’avoir un dépistage annuel des facteurs de risque cardiovasculaire.
Si vous êtes considéré comme à haut ou très haut risque, le suivi comportera une échographie cardiaque à 1, 3 et 5 ans de la fin du traitement, puis tous les 5 ans.
Si vous êtes à risque intermédiaire, une ETT pourrait se discuter tous les 5 an.

Si vous avez reçu 100-250 mg/m² de doxorubicine, ou une association doxorubicine / radiothérapie, une ETT devra être réalisée tous les 5 ans, en plus d’un dépistage annuel des facteurs de risque cardiovasculaire. 
Elle sera réalisée tous les 2 ans chez les patients ayant reçu plus de 250 mg/m² ou une association radiothérapie/doxorubicine, avec des doses plus importantes.

 

Les épipodophyllotoxines

GÉNÉRALITÉS

Ce sont sont des alcaloïdes dérivés hémi-synthétiques d’origine naturelle que l’on peut extraire de Podophyllum peltatum (plante d’Amérique du nord) mais aussi de la mandragore (Mandragora officinarum ).
La cible de cette famille de molécules c'est l'ADN. De fait, elles inhibent l'entrée en mitose des cellules tumorales, par action sur la topo-isomérase II, qui permet la "détorsade" des deux brins d'ADN. Elles empêchent la religation de la molécule d'ADN et en résulte une cassure des deux brins.

ETOPOSIDE

Les indications actuelles sont très nombreuses :

  • Les carcinomes embryonnaires du testicule
  • Les cancers bronchiques à petites cellules et non à petites cellules
  • Les hémopathies malignes
    • Lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens
    • Leucémies aiguës
  • Les choriocarcinomes placentaires
     

Ce médicament est souvent utilisé dans les traitements intensifs pour préparation d'auto- ou d'allo-greffes de moelle osseuse.

Il s'agit d'un traitement qui est administré par voie veineuse. La dose est de 50 à 150 mg/m² administrée sur trois à cinq jours de suite toutes les trois semaines.
La toxicité limitante est hématologique. Parfois, des réactions anaphylactiques, avec frissons, fièvre, tachycardie, bronchospasme, hypotension peuvent se produire dès le début de la perfusion, d'où la nécessité de la présence de l’infirmière et d'un médecin dans le service. Il faut alors arrêter immédiatement la perfusion. Des leucémies secondaires ont été décrites.

LES AUTRES MÉDICAMENTS RATTACHÉS A CETTE CLASSE

A la famille des intercalants certains produits sont rattachés. Ils ont en commun un risque de toxicité pulmonaire cumulative.

ACTINOMYCINE-D OU DACTINOMYCINE (COSMEGEN™)

Elle a été découverte en 1940 par SA Waksman et possède un effet antibiotique, non utilisable en raison de sa toxicité.
La dactinomycine, produite par certains types de Streptomyces, comporte un noyau phénoxazone qui s'intercale dans la chaîne de l’ADN et forme un complexe dactynomycine-ADN. Ce complexe bloque, alors, la transcription de l’ADN en ARN par la ARN polymérase, plus sensible à son action que la ADN polymérase. Elle peut s'intercaler entre les deux chaînes d’ADN sous trois conformations différentes.
Cette molécule est active par voie injectable.
Elle est utilisée pour le traitement du néphroblastome (tumeur de Wilms), du rhabdomyosarcome, du cancer du testicule, du sarcome d'Ewing et la tumeur trophoblastique gestationnelle Elle potentialise les effets de la radiothérapie.

BLÉOMYCINE

Elle a été découverte en 1962 par Umezawa, un chercheur japonais. Il est extrait de Streptomyces verticillus . La bléomycine comporte en réalité un mélange de deux produits actifs appelés bléomycine A2 et B2.
La bléomycine est un chélateur qui provoque la formation de radicaux libres qui altèrent l’ADN et interfère probablement avec l'ARN.

Les indications de la bléomycine sont les carcinomes épidermoïdes, les cancers ORL, les carcinomes épidermoïdes, les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens et les cancers du testicule.
La posologie moyenne est en général de 10 à 20 mg/m² une à deux fois par semaine par voie parentérale IV directe, en perfusion continue ou même sous-cutanée jusqu’à une dose cumulative totale de 300 mg qu’il est conseillé de ne pas dépasser. 

La bléomycine est peu toxique pour la moelle osseuse, mais elle a une toxicité pulmonaire et l'apparition de râles et de toux doit faire suspecter le début d'une fibrose pulmonaire.

 

Mise à jour

14 octobre 2024