Inhiber l'angiogenèse
Un petit historique...
L'ANGIOGENÈSE
C'est la formation de vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants.
UNE LONGUE HISTOIRE ...
Elle peut être résumée à partir de quelques dates marquantes.
1787 : John Hunter (1728 - 1793), chirurgien écossais, utilise pour la première fois le terme « angiogenesis» pour décrire la croissance des vaisseaux sanguins dans les bois de rennes.
1935 : Arthur Tremain Hertig (1904 - 1990), un pathologiste de Boston, décrit l'angiogenèse dans le placenta des guenons en cours de gestation.
1968 : deux équipes indépendantes, l'une à Chicago et l'autre à Harvard, montrent que les tumeurs naissantes libèrent une substance "X", inconnue à l'époque, qui stimule la croissance des vaisseaux sanguins existants.
1971 : Judah Folkman (1934 - 2008), chirurgien de l'université d'Harvard, émet deux hypothèses. La première est qu'en bloquant l'action de cette substance ("X"), on priverait les tumeurs de sang, ce qui les tuerait. La seconde est que ce blocage ralentirait la dissémination du cancer (métastases) car les cellules cancéreuses utilisent souvent la circulation sanguine pour disséminer dans l'organisme.
1975 : Henry Brem et Judah Folkman montrent que le cartilage bovin contient une substance capable d'empêcher la formation de vaisseaux sanguins. Le fait que le cartilage soit un tissu dépourvu de vaisseaux s'expliquerait par le fait qu'il contient un ou plusieurs facteurs anti-angiogéniques capables d'entraver la prolifération des cellules endothéliales, cellules qui tapissent la paroi interne des vaisseaux.
1983 : Tim Berners-Lee et Robert Langer font le même constat pour le cartilage de requin. Chez les requins, le cartilage représente 6 à 8 % de leur masse corporelle alors qu'il ne représente que moins d'un pour-cent chez les bovins. Les requins constitueraient dès lors une source importante de substances anti-angiogéniques.
1984 : le premier facteur d'angiogénique, le bFGF (basic fibroblast growth factor) est purifié par Yuen W Shing et Michael Klagsbrun à la Harvard Medical School
1989 : le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), l'un des plus importants facteurs angiogénique, est découvert le Dr Napoleone Ferrara, biologiste italien de la firme pharmaceutique Genentech. Il s'avère être identique à une molécule appelée le facteur de perméabilité vasculaire (VPF) découvert en 1983 par le Dr Harold Dvorak médecin biologiste américain.
1989 : le premier traitement réussi par un interféron alfa2a d'une tumeur bénigne dépendante de la néo-vascularisation, un hémangiome pulmonaire, est rapporté par le Dr Carl White, un radiologue pédiatrique à Denver.
1992 : le premier essai clinique d'une drogue antiangiogéniques (TNP-470) commence chez les patients atteints de cancer
2005 : enregistrement du bevacizumab (Avastin™)
L’angiogenèse tumorale...
L’angiogenèse tumorale ou néo-angiogenèse, est un phénomène majeur dans la cancérogenèse, l’invasion cellulaire et la dissémination métastatique. Cette néo-angiogenèse fait intervenir la cellule tumorale, mais aussi son microenvironnement, la cellule endothéliale et aussi le système immunitaire.
C'est un phénomène complexe qui dépend de nombreux acteurs qui peuvent constituer des cibles thérapeutiques :
- Les ligands : les glycoprotéines VEGF A à E, et le Placental Growth Factor 1 et 2 (PLGF). Ils sont principalement synthétisés par la cellule tumorale elle même ou par les cellules du microenvironnement;
- Les récepteurs membranaires du VEGF (VEGFR1 à 3), à activité tyrosine kinase et principalement situés sur la membrane des cellules endothéliales. La fixation d’un ligand sur son récepteur membranaire entraîne au niveau de la cellule endothéliale une cascade de phosphorylation menant à des signaux de prolifération, de migration, d’inhibition de l’apoptose, et d’augmentation de la perméabilité de l’endothélium, ainsi qu’à une attraction de cellules immunitaires;
- L'HIF (Hypoxia Inducible Factor), facteur stabilisé sous forme active en situation d’hypoxie, est capable d’entraîner la transcription de nombreux gènes cibles, notamment VEGF, EPO (érythropoïétine) et les gènes induisant une vasodilatation.
Même s’ils sont largement utilisés, il n’existe, à ce jour, aucun facteur prédictif validé de la réponse aux traitements anti-angiogéniques.
Pourquoi cibler l'angiogenèse ?
LE PRINCIPE
C’est d’arrêter l'approvisionnement en sang de la tumeur, afin de la faire "mourir de faim".
LA CIBLE
L’angiogenèse c’est l’ensemble des processus qui aboutissent à la formation de nouveaux capillaires sanguins à partir du réseau vasculaire préexistant.
De ce fait, elle soutient la croissance tumorale et facilite le processus métastatique. C’est donc une cible intéressante dans la stratégie de lutte contre le cancer.
LA CROISSANCE D'UNE TUMEUR
Ce que l'on sait...
Depuis les travaux de Judah Folkman, on sait que pour croître, une tumeur a besoin d'un apport constant en sang et en nutriments. Au début, lorsque sa taille est inférieure à 1 ou 2 mm, elle peut se nourrir à partir des nutriments locaux. Au-delà de cette taille, la tumeur doit développer une vascularisation néo-vascularisation). Cette capacité de la tumeur à produire de nouveaux vaisseaux sanguins s'appelle angiogenèse .
L’angiogenèse
Elle est régulée par un équilibre complexe entre divers facteurs naturels pro- et anti-angiogéniques, parmi lesquels le facteur de croissance vasculaire endothélial ( VEGF - Vascular Endothelial Growth Factor ),apparaît comme un élément clé de la vasculogenèse et de l’angiogenèse durant la vie embryonnaire.
L'angiogenèse tumorale
Les cancers dits "angiogèniques" (tumeurs cérébrales et les carcinomes) sont caractérisés par une forte densité tumorale de microvaisseaux et des taux élevés de VEGF.
LES FACTEURS ANGIOGÉNIQUES
Lors de l’angiogenèse, les cellules endothéliales sont stimulées par divers facteurs de croissance qui se lient à des récepteurs membranaires à activité tyrosine kinase (TK). Ces récepteurs sont directement impliqués dans le processus d’angiogenèse.
La famille du VEGF
Parmi les facteurs angiogéniques identifiés, le VEGF est le plus puissant et le plus spécifique. Il s’agit d’un régulateur clé de l’angiogenèse normale et pathologique.
LE VEGF-A
Il existe sous quatre isoformes (séquences d'acides aminés -peptidiques - proches et la même fonction biologique) de 121, 165, 189 et 206 acides aminés. Le VEGF-A active deux types de récepteurs à la surface de la membrane extérieure des cellules :
- Le récepteur Kinase Domain Region (KDR) ou VEGFR2, impliqué dans la prolifération, la migration, la survie, la perméabilité des cellules endothéliales et l'angiogenèse
- Le récepteur fms-like TKI (FLT1) ou VEGFR1, impliqué dans la perméabilité vasculaire
LES AUTRES MEMBRES DE LA FAMILLE VEGF
Le VEGF-B se lie au récepteur VEGFR1 (Flt-1) et au récepteur de la neuropiline (NRP-1/2)
Les VEGF-C, D et E se lient au récepteur VEGFR-3 (Flt-3) et la neuropiline 3. Cette liaison au récepteur stimule la lympho-angiogenèse et l'angiogenèse embryonnaire.
Les autres facteurs de l'angiogenèse
LES FACTEURS DE CROISSANCE
La famille du FGF (Fibroblast Growth Factor) qui comprend 23 membres fut la première identifiée comme facteurs angiogéniques. Les facteurs plus étudiés actuellement sont le FGF1 et le FGF2.
Le facteur de croissance PDGF (Platelet Derivative Growth Factor), initialement purifié à partir des plaquettes, d'où son nom, est, aussi, impliqué dans la maturation de l'angiogenèse qui a pour but de reconstituer la membrane basale autour des nouveaux capillaires et de leur assurer une enveloppe péricytaire*.
LES ANGIOPOÏETINES
Les angiopoïétines, Ang-1, Ang-2 et Ang-3, sont des facteurs de croissance qui favorisent l'angiogenèse, c'est-à-dire, la formation de vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants. Ce sont des ligands de la famille des récepteurs Tie** qui sont des protéines à activité tyrosine kinase.
LES AUTRES ACTEURS...
Le facteur de croissance hépatocytaire HGF et les éphrines (Eph) qui sont des protéines transmembranaires assurant des interactions cellule-cellule par liaison à leurs récepteurs Eph, à activité tyrosine-kinase, sont aussi impliquées.
* Péricyte : cellule contractile entourant plus ou moins complètement le capillaire, située en dehors de la membrane basale de celui-ci et possédant sa propre membrane basale.
** TIE (Tyrosine kinase with Immunoglobulin and EGF homology domains) : famille de récepteurs de tyrosine kinase structurellement apparentés qui sont exprimés principalement dans les cellules endothéliales.
Les étapes de la néo-angiogenèse...
Dormance : équilibre entre apoptose et prolifération tumorale
Switch angiogénique
Augmentation de l'hypoxie locale ⇒ sécrétion de VEGF⇒ acquisition du phénotype angiogénique
Développement d’un réseau vasculaire anormal (néovaisseaux)
Dissémination métastatique
Cibles des anti-angiogéniques
Facteurs angiogéniques | Inhibiteurs de l ’angiogenèse |
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Mécanisme d'action d'un anti-angiogénique
Régulation de la vascularisation tumorale : régression de la prolifération endothéliale et diminution des anastomoses
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Restructuration des vaisseaux néoformés : péricytes fonctionnels et diminution des fentes vasculaires)
⇓
Inhibition d’une nouvelle angiogenèse par baisse de l’apport d’O2
LES INHIBITEURS DE L’ANGIOGENÈSE
DÉFINITION
On désigne ses médicaments par le terme générique d'inhibiteurs de l'angiogenèse ou médicaments anti-angiogéniques.
POURQUOI ?
Choisir l'angiogenèse comme cible thérapeutique présente de nombreux avantages :
- L'universalité : l'angiogenèse est un phénomène caractéristique de toutes les tumeurs solides, de ce fait, on peut espérer une efficacité sur la plupart des tumeurs
- L'absence de résistance : les cellules de l'endothélium vasculaire ne présentent pas, contrairement aux cellules cancéreuses, de résistance naturelle ou acquise aux agents pharmacologiques
- Une meilleure tolérance : l'effet thérapeutique est basé sur la pharmacologie et non sur une toxicité permet d'envisager une meilleure tolérance et, ce d'autant, que l'angiogenèse non tumorale est un phénomène limité chez l'adulte
- La possibilité de les associer avec les médicaments de chimiothérapie conventionnelle
UN MODE D'ACTION PARTICULIER
Ces molécules n’agissent pas directement sur les cellules tumorales mais sur une population cellulaire normale, les cellules endothéliales, cellules constitutives des vaisseaux sanguins.
Ils n’éradiquent pas la tumeur mais contrôlent sa croissance.
Ceci explique, pourquoi ils doivent être utilisés en association avec une chimiothérapie classique, en relais, pour stabiliser une maladie résiduelle minimale ou en traitement de maintenance.
UN PROFIL DE TOLÉRANCE SPÉCIFIQUE...
Les effets sur le rein, les plus communément rapportés, sont l’hypertension artérielle et la protéinurie car les récepteurs du VEGF sont fortement exprimés dans les reins.
Mise à jour
10 mai 2023