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Cancers du grêle

Une pathologie rare

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les tumeurs malignes de l'intestin grêle sont 15 à 40 fois plus rares que ceux du côlon. Elles ne représentent que moins de 5 % de l'ensemble des tumeurs malignes du tube digestif. 
En France, on estime, en 2018, à 1 750 le nombre de nouveaux cas de cancer de l’intestin grêle, dont 56 % chez l’homme.
Les taux d’incidence sont pour 100 000 personnes‑années de de 1,6 cas chez l’homme et de 1,0 cas chez la femme. Ce taux a doublé chez l'homme, passant de 0,8 pour 100 000 en 1990 à 1,6 en 2018. Chez la femme, il est passé de 0,6 à 1,0 en 2018. Cette hausse a été attribuée à l’augmentation de l’incidence des adénocarcinomes du duodénum.
L’âge médian de diagnostic est de 68 ans chez l'homme et de 70 ans chez la femme.

LES FACTEURS DE RISQUE

Constitutionnels

Ces cancers surviennent souvent dans le cadre de
syndromes génétiques familiaux, notamment la polypose adénomateuse familiale (FAF) et le syndrome HNPCC . Dans ce cas, la maladie apparaît plus tôt, l'âge moyen du diagnostic étant alors de 49 ans. Il s'agit majoritairement des adénocarcinomes dont le pronostic serait meilleur.

Environnementaux

Ils peuvent compliquer l'évolution à long terme de maladies inflammatoires chroniques du côlon, comme la maladie cœliaque ou la maladie de Crohn.
Ils peuvent aussi compliquer la maladie de Hodgkin ou les lymphomes non hodgkiniens.

LES FORMES DE LA MALADIE

Il existe quatre types histologiques principaux :

  • Les adénocarcinomes représentant la première étiologie en France
  • Les tumeurs neuroendocrines, en particulier carcinoïdes
  • Les lymphomes
  • Les "GIST" (voir chapitre spécifique)

LES CIRCONSTANCES DE SA DÉCOUVERTE

La maladie peut se manifester par des signes non spécifiques comme :

  • Des douleurs abdominales
  • Des hémorragies : rectorragies ou méléna
  • Une altération de l’état général
  • Parfois un syndrome occlusif

LES ADÉNOCARCINOMES

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les adénocarcinomes représentent environ 2 % des tumeurs malignes du tube digestif. Parmi les tumeurs malignes de l’intestin grêle, c'est la première forme histologique devant les tumeurs endocrines, les lymphomes ou les tumeurs stromales.
Les données épidémiologiques suggèrent que l’incidence annuelle de l’adénocarcinome du grêle est de 2,2 à 5,7/million d’habitants/an dans les pays développés. Comme celle du cancer du côlon, l’incidence de l’adénocarcinome de l’intestin grêle est en augmentation, principalement pour les tumeurs du duodénum.

LEUR SIÈGE

Ils peuvent siéger sur l'ensemble de l'intestin grêle. Cependant, les tumeurs du duodénum (50%) et du jéjunum (20 %) représentent 70 % des sites touchés. Les tumeurs de l’iléon sont moins fréquentes représentant environ 20 % des cas.
Le stade au diagnostic est le plus souvent avancé.
Le pic d’incidence est observé à la soixantaine, avec une prédominance masculine (60 % des cas).

LES MALADIES PREDISPOSANTES

Les pathologies prédisposantes sont la polypose adénomateuse familiale, le syndrome de Lynch, le syndrome de Peutz-Jeghers, la maladie de Crohn et la maladie cœliaque (rare).

LE DIAGNOSTIC

LES PRINCIPAUX SYMPTÔMES

Ce sont, le plus souvent :

  • Un syndrome occlusif, définis par l'arrêt complet du transit intestinal, se traduit par des douleurs abdominales avec arrêt des gaz et des matières,
  • Des saignements, pouvant entraîner une anémie,
  • Un syndrome carcinoïde avec des bouffées vasomotrices, appelées également flushs, une diarrhée motrice, c’est-à-dire une diarrhée survenant très rapidement après l'ingestion et dans laquelle on retrouve des aliments non digérés.

LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Un scanner thoraco-abdomino-pelvien est habituellement demandé pour préciser la localisation et extension tumorale locale et l'extension à distance.
Souvent un dosage de l’ACE ou du CA 19.9, en cas de normalité de l’ACE, est demandé
En cas de pathologie prédisposante à des localisations multiples sur l’intestin grêle, une exploration de l’intestin grêle par entéroscopie, entéro-scanner ou vidéocapsule (en l’absence de lésion sténosante) peut-être discutée.
Pour les localisations duodénales, une écho-endoscopie digestive haute pour préciser la résécabilité tumorale en l’absence de métastase ou de tumeur jugée non résécable au scanner .

Il est également nécessaire d'y associer une exploration morphologique du foie, à la recherche de métastases.

Classification pTNM des carcinomes de l'intestin grêle & stadification

 LES VALEURS DE T, N, M (AJCC 8ème édition 2017)

 Les valeurs de T, N et M sont données dans le tableau ci-dessous.

 

TUMEUR = TGANGLIONS = N 
(Examen d'au moins 6 ganglions)
MÉTASTASES = M
  • Tx : non classable
  • T0 : Pas de signe de tumeur primitive
  • Tis: in situ
  • T1 : envahissant la lamina propria muqueuse, la musculaire muqueuse ou la sous-muqueuse
    • T1a : envahissant la lamina propria ou la musculaire muqueuse
    • T1b : envahissant la sous-muqueuse
  • T2 : envahissant la musculeuse
  • T3 : envahissant la sous-séreuse ou le tissu périmusculaire non péritonéalisé (mésentère ou rétropéritoine), sans infiltration de la séreuse
  • T4 :Tumeur perforant le péritoine viscéral ou avec envahissement direct d'autres organes ou structures 
  • Nx non classable
  • N0 Pas d'atteinte ganglionnaire
  • N1 1 ou 2 ganglions lymphatiques régionaux
  • N2 3 ou plus ganglions lymphatiques régionaux
  • MX non classable 
  • M0 pas de métastases à distance 
  • M1 présence de métastase(s) à distance

 

LA STADIFICATION

La stadification utilisée actuellement est celle de l'UICC. Il s'agit d'une classification pathologique (pT), c'est-à-dire après examen de la tumeur au microscope par le médecin anatomo-pathologiste.

  • Stade 0 = pTis, N0, M0
  • Stade I = pT1-T2,  N0, M0
  • Stade IIA = pT3,  N0, M0
  • Stade IIB = T4, N0, M0
  • Stade IIIA = T1-T2, N1, M0
  • Stade IIIB = T3-T4, N1, M0
  • Stade IIIC = tout T, N2
  • Stade IV = tout T, tout N,  M1

Le traitement des adénocarcinomes

LES OPTIONS

La chirurgie

Dans un premier temps, chirurgien explorera précisément l'ensemble de la cavité abdominale afin de s'assurer de la pertinence de la résection intestinale. Elle consiste en une exérèse de la partie d'intestin envahie par la tumeur avec dune marge de sécurité d'au moins 5 cm. Au terme de la résection, les deux extrémités de l'intestin grêle sont ensuite suturés l'un à l'autre afin de rétablir la continuité de l'intestin.
La type d'intervention est lié à la localisation de la tumeur sur l'intestin grêle.

  • Si la la lésion siège sur le duodénum, une duodéno-pancréatectomie céphalique est indiquée en cas de tumeur de la deuxième portion du duodénum et pour les tumeurs infiltrantes proximales et distales. Un curage ganglionnaire régional doit être effectué.
  • Si la tumeur affecte le jéjunum et iléon, une résection segmentaire avec curage ganglionnaire et anastomose jéjuno-jéjunale ou iléo-iléale est l'option habituelle.
  • Si le cancer affecte la dernière anse iléale ou valvule iléo-caecale, l'intervention consiste en une résection iléo-caecale ou hémicolectomie droite avec résection de l’anse iléale atteinte et ligature de l’artère iléo-colique à son origine, permettant le curage ganglionnaire.

En règle générale, la quantité d'intestin réséquée est limitée et n'aura par conséquent, pas d'impact significatif sur la digestion des différents nutriments, notamment de certaines vitamines. Toutefois, il existe des cas particuliers nécessitant la résection d'une partie limitée mais spécifiquement impliquée dans l'absorption d'une vitamine particulière. Dans ce cas, il faudra alors compenser l'absorption intestinale, par exemple au moyen d'une injection intramusculaire régulière.

Le selon le stade

Au stade I (T1-2, N0, M0), une chirurgie seule est la norme.
Au stade II (T3, T4, N0, M0), la chirurgie sera suivie ou non d'une chimiothérapie adjuvante, notamment pour les tumeurs T4.
Au stade III (Tout T, N1, M0), la chirurgie est suivie d’une chimiothérapie adjuvante 6 mois par FOLFOX4 simplifié ou chez les patients sensibles à la toxicité liée à l'oxaliplatine, ou non candidats à cette chimiothérapie, chimiothérapie par une association 5FU-acide folinique par exemple LV5FU2 standard ou simplifié ou 5-FU oral : capécitabine ou UFT sera préconisée
Au stade IV, la chimiothérapie palliative améliore la survie. Les options sont une association de 5-FU ou de capécitabine avec l'oxaliplatine ou le cisplatine. En cas de contre-indication au cisplatine et à l’oxaliplatine, le protocole LV5FU2.

LE PRONOSTIC

La survie à 5 ans est de l'ordre de 57 % (55 % hommes & 59 % femmes) et de 44 % à 10 ans.

LE SUIVI

Après traitement à visée curative, les éventuelles récidives à distance peuvent affecter le foie ou le poumon ce qui définit le cadre du suivi post-traitement.

  • Une visite avec examen clinique tous les 3 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 3 ans.
  • Une échographie abdominale ou un scanner abdomino-pelvien tous les 3 à 6 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois pendant 3 ans.
  • Une radiographie pulmonaire ou un scanner thoracique annuel pendant 5 ans 

LES TUMEURS CARCINOÏDES OU NEURO-ENDOCRINES (TNE)

EN BREF...

Ces tumeurs sont désignées par plusieurs termes et on parle, alors, de tumeur carcinoïde ou de tumeur neuroendocrine. Aujourd'hui, le terme tumeur endocrine remplace les autres dénominations et le terme de "carcinoïde" est maintenant réservé aux tumeurs endocrines digestives associées à un syndrome carcinoïde clinique du à l'hypersécrétion de sérotonine. 
Ce sont des tumeurs dites "fonctionnelles", responsables de symptômes cliniques liés à une production tumorale de peptides ou d’amines.

Ce sont des tumeurs rares. L'incidence estimée est de l'ordre de 200 nouveaux cas par an en France.

Les tumeurs neuroendocriniennes du grêle sont les plus fréquentes avec les tumeurs de l'appendice. Elles représentent environ un tiers des tumeurs endocrines digestives.
Elles ont une prolifération lente. Néanmoins, elles sont souvent multiples et localement avancées au moment du diagnostic.

LE DIAGNOSTIC

Il est en général fait après 60 ans, à l’occasion de douleurs abdominales ou d’un syndrome occlusif.
Les examens de laboratoires montrent une élévation du taux de sérotonine du sang et du 5-HIAA, métabolite de la sérotonine, dans les urines de 24 heures.
Le bilan initial, pour rechercher la tumeur primitive et faire le bilan d’extension à distance, la réalisation d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien ou une IRM abdominale suivie si possible d’une tomodensitométrie par émission de positons (TEP)
La stadification La dernière classification OMS, publiée en 2010, utilise les grades histologiques G1 à G3. Elle distingue 3 classes principales  de tumeurs neuro-endocriniennes

  • De bas grade G1
  • De grade G2, intermédiaire, qui sont bien différenciées
  • De  haut grade G3, à grandes ou à petites cellules peu différenciés. 

 Important...

Tous les dossiers de malades atteints de tumeurs neuroendocriniennes doivent être discutés en RCP régionale dans le cadre du réseau national spécifique aux TNE,  RENATEN .
Le matériel anatomo-pathologique doit, selon les indications, avoir été relu par un médecin anatomo-pathologiste du réseau  TENpath .

La prise en charge des TUMEURS neuro-ENDOCRINES

LE TRAITEMENT

Il est essentiellement chirurgical. La chimiothérapie traditionnelle est peu active, ces tumeurs étant, le plus souvent radio-résistantes.

LES TRAITEMENTS DE FOND

En plus de la chirurgie, les traitements spécifiques de ces tumeurs sont les suivants :

  • L’embolisation de la tumeur ou la chimio-embolisation. Cette technique nécessite une anesthésie. Les médicaments de chimiothérapie injectés sont une association de streptozotocine et de 5-FU.
  • La chimiothérapie systémique comprend une association de 5-FU (400 mg/m²/j en perfusion de 2 heures de J1 à J5) + streptozotocine (500 mg/m²/j de J1 à J5) - Reprise du cycle à J36
  • L’octréotide (Sandostatin LAR™), analogue de la somatostatine est utilisé à la dose de 30 mg en injection intramusculaire (IM) mensuelle, dans les tumeurs avec métastases. Ce traitement permet d'augmenter significativement le temps sans progression de la maladie.
  • L’immunothérapie à base d’interféron

Actuellement, des thérapies ciblées sont souvent proposées, en seconde line. On peut faire appel aux inhibiteurs de mTOR (everolimus - Afinitor™) et aux inhibiteurs de tyrosine kinases, comme le sunitinib (Sutent™).

LES TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES

Ils peuvent comprendre :

  • L'octréotide (Sandostatine™, Cybèle™) comme médicament symptomatique
  • Les antagonistes de la sérotonine
  • Les sétrons, utilisés dans la prévention des nausées de la chimiothérapie, comme l'andosétron et l’alosétron, sont utiles pour contrôler les diarrhées.

LE SUIVI

Il comporte une visite tous les 6 mois les 3 premières années puis tous les ans les 4 et 5ème  années. A cette occasion seront réalisés les dosages hormonaux et de chromogranine (CGA) , tous les 6 mois pendant 3 ans, puis tous les ans 2 ans.
Une échographie et radiographie pulmonaire ou scanner sera demandée, tous les 6 mois pendant un an puis tous les ans pendant 4 ans.

Les autres formes de la maladie

LES LYMPHOMES

Des localisations digestives, bien que rares peuvent être observées.

LES MÉTASTASES D’AUTRES CANCERS

Il faut savoir que l'intestin grêle et le site principal des localisations métastatiques en raison du premier passage de la sérotonine par le foie.   

POUR VOUS AIDER...

APTED Association des patients de tumeurs endocrines digestives
Courriel :
contact@apted.fr
162, avenue Lacassagne 69424 Lyon  Cedex 03

ACFE  Association Francophone de Chirurgie Endocrinienne

CNETSC  Carcinoide NeuroEndocrine Tumor Society Canada

GTE  Groupe d'étude des tumeurs endocrines

WorldWide Net Cancer Day  La communauté mondiale des associations sur les tumeurs neuro-endocrines (langue anglaise) 

Mise à jour

10 décembre 2021