Les cholangiocarcinomes
Un cancer relativement rare
Les cancers des voies biliaires étaient des maladies rares, représentant seulement 3 % des cancers digestifs, mais leur incidence ne cesse d’augmenter avec environ 3 000 nouveaux cas par an en France.
Il existe une légère prédominance masculine.
Si l’on considère les différentes localisations, le cholangiocarcinome intrahépatique représente la deuxième cause de cancer primitif du foie après le carcinome hépatocellulaire. Sa fréquence parmi l’ensemble des tumeurs malignes du foie est de 5 à 10 %, soit 2 % de toutes les tumeurs malignes.
L'âge moyen lors du diagnostic est de 59 ans. Il s’agit dans plus de 90 % des cas, d’adénocarcinomes.
En dépit des progrès, le pronostic de ce cancer reste réservé.
Les facteurs de risque
GLOBALEMENT
Les maladies chroniques des voies biliaires sont, en général, associées à des cholangiocarcinomes périphériques, c’est-à-dire affectant les petites voies biliaires intrahépatiques.
Les pathologies à l’origine d’une inflammation chronique des voies biliaires semblent favoriser les cholangiocarcinomes des grosses voies biliaires.
PLUS SPÉCIFIQUEMENT...
Les colites inflammatoires et particulièrement la rectocolite hémorragique (RCH) exposent à un risque accru de cholangiocarcinome. Un cancer biliaire apparaît chez 1,4 % des patients dans les 20 ans suivant le diagnostic de RCH.
La cholangite sclérosante primitive des voies biliaires est une affection rare, caractérisée par une fibrose oblitérante des voies biliaires souvent associée à une colite inflammatoire. Le risque de développer un cholangiocarcinome est de 8 à 40 %, selon les publications.
Les malformations congénitales des voies biliaires représentent un facteur de risqué reconnu. Il s'agit de malformations du canal commun biliopancréatique, des kystes du cholédoque et la maladie de Caroli. Le développement de ces tumeurs pourrait être favorisé par une stase biliaire et un reflux de suc pancréatique, entraînant une inflammation locale chronique favorisant le développement de tumeurs, avec un risque de dégénérescence de 15 à 20 ans.
Un cholangiocarcinome peut survenir après 10 ans d’évolution chez 2 % des patients ayant eu une anastomose hépatico-jéjunale et 6 à 7 % des patients ayant eu une sphinctéroplastie.
LE CANCER COLIQUE NON POLYPOSIQUE HEREDITAIRE ( HNPCC )
Les tumeurs des voies biliaires sont plus fréquentes dans les familles atteintes du syndrome HNPCC, avec un risque relatif de cinq à huit (alors qu’il est supérieur à huit pour les tumeurs colorectales, de l’endomètre, de l’intestin grêle et de l’uretère).
Les autres tumeurs à risque relatif équivalent sont celles de l’ovaire et de l’estomac.
D'AUTRES FACTEURS DE RISQUE
D’autres facteurs de risque ont été identifiés plus récemment comme l'existence d’une cirrhose, d'une infection à VIH ou VHC, la consommation excessive d’alcool, un diabète, le syndrome métabolique.
La consommation de tabac peut, aussi, contribuer à cette pathologie.
Les distomatoses sont dues à certains parasites rencontrés de façon endémique en Asie du Sud-Est, tels le Clonorchis sinensis et l' Opistorchis viverini . Ces parasitoses sont associées à une fréquence accrue de cancers des voies biliaires.
Le Thorotrast™ était un produit de contraste utilisé entre 1930 et 1950 qui a été à l'origine d'une augmentation de ce type de maladie.
SIGNES & SYMPTÔMES
Le diagnostic est souvent porté de façon fortuite à l’occasion d’un bilan biologique systématique, de la découverte d’une anomalie radiologique lors d’une échographie ou d’un scanner abdominal, ou lors de l’analyse anatomopathologique d’une pièce de cholécystectomie. En effet, ces tumeurs sont longtemps asymptomatiques et leurs symptômes sont peu spécifiques.
Dans un tiers des cas environ, il peut exister des douleurs abdominales, un ictère (jaunisse) plus ou moins associé à un prurit, une altération de l’état général, mais ces signes se retrouvent seulement.
LE DIAGNOSTIC
L'EXAMEN CLINIQUE
Il est souvent proche de la normale. Il peut retrouver une hépatomégalie, une vésicule biliaire volumineuse ou des signes d' hypertension portale.
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
La prise de sang
Il peut exister, des signes de rétention biliaire avec une augmentation de la bilirubine conjuguée et/ou une atteinte du foie se traduisant par des signes de cytolyse.
Une augmentation des marqueurs tumoraux
Il n’y a pas de marqueurs tumoraux spécifiques des cholangiocarcinomes canalaires ou non mais, en pratique, le dosage du CA 19-9, de l’ACE et du CA 125 est souvent demandé.
L’ACE est élevé chez 30 % des patients avec cholangiocarcinome canalaire mais peut être élevé aussi dans le cadre d'une colite inflammatoire (maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique) ou d’une obstruction biliaire, par un calcul, par exemple.
Le CA 125 est élevé chez 40 à 50 % des patients présentant un cholangiocarcinome canalaire et suggère l’existence de métastases péritonéales.
Le CA 19-9 est élevé dans plus de 85 % des patients avec cholangiocarcinome canalaire se développant chez les patients qui ont une cholangite sclérosante.
L’imagerie médicale
L'échographie abdominale peut visualiser une dilatation des voies biliaires, mais la tumeur n’est pas toujours visible.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien permet de retrouver la tumeur dans 90 à 100 % des cas, et permet par ailleurs, après injection de produit de contraste de rechercher une extension locale, notamment vasculaire, des adénopathies, ou des localisations secondaires pulmonaires.
La cholangio-pancréatographie par IRM (CP-IRM) fournit une cartographie des voies biliaires et permet de localiser le siège de l’obstacle ainsi que de donner des renseignements sur l’extension locale.
Un scanner cérébral et une scintigraphie osseuse seront réalisés en cas de point d’appel.
LA STADIFICATION T.N.M. (8ème édition 2018)
Stade | Tumeur T | Ganglions N | Métastases M |
---|---|---|---|
0 | Tis | N0 | M0 |
IA |
T1 T2 |
||
IIA IIB |
T3 T1, T2 |
N0 N1 |
|
III | T4 | Tout N | |
IV | Tout T | Tout N | M1 |
L'extension locale de la maladie est longitudinale.
Sa progression se fait vers le haut, touchant le foie, et vers le bas, affectant le pancréas.
Les principes du traitement
- Cholangiocarcinome intra-hépatique : résection hépatique
- Cholangiocarcinome péri-hilaire : résection de la voie biliaire principale + résection hépatique +/-résection pancréatique
- Cholangiocarcinome du bas cholédoque : résection VBP + résection pancréatique +/-résection hépatique
LE TRAITEMENT…
LA CHIRURGIE
La décision d'opérer
Elle sera prise après discussion du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) regroupant des chirurgiens, des oncologues et des radiologues. Cette décision fera suite au bilan d’opérabilité et d’extension.
Elle dépend de l’extension locale de la tumeur (uni- ou multifocale, nombre de segments hépatiques atteints), de l’extension vasculaire (l’atteinte de la veine porte est classiquement une contre-indication) et biliaire, de l’état général du patient et du foie non tumoral (atrophie hépatique). L’existence de métastases à distance, d’une carcinose péritonéale ou d’adénopathies locorégionales représentent une contre-indication à la chirurgie.
Le type et l'étendue de la résection chirurgicale
Elle est variable selon les caractéristiques de cholangiocarcinome
- Périphérique, la résection portera sur les segments hépatiques envahis
- Péri-hilaire, l'opération consistera en une résection biliaire et hépatique
- Extra-hépatique, le type d'intervention sera fonction de la localisation de la tumeur
Le curage ganglionnaire et le picking ganglionnaire systématiques ne sont pas recommandés, ils permettent néanmoins une stadification de la maladie. Une extension ganglionnaire macroscopique est une contre-indication à la chirurgie.. Lorsque la chirurgie radicale n’est pas possible, un drainage (chirurgical, endoscopique ou transhépatique) peut être proposé pour diminuer les signes de rétention biliaire.
Les traitements intra-artériels hépatiques (chimiothérapie, embolisation, chimio-embolisation, radio-embolisation) sont proposés aux patients avec cholangiocarcinome intra-hépatique non résécable, soit en première intention, soit après progression tumorale sous traitement systémique.
UNE GREFFE DE FOIE
C'est une option dans de rares cas. Une étude internationale multicentrique rétrospective a montré un taux de survie à 5 ans de 65 % après transplantation hépatique pour cholangiocarcinome intra-hépatique ≤ 2 cm développé sur cirrhose.
LA CHIMIOTHÉRAPIE
En première ligne, les protocoles usuels, hors essais thérapeutiques, sont les suivants : GEMCIS : gemcitabine 1000 mg/m² et cisplatine 25 mg/m² à J1 et J8, toutes les 3 semaines soit 8 cycles est considéré comme un traitement de référence ou GEMOX 85 : gemcitabine 1000 mg/m² à J1 et oxaliplatine 85 mg/m² à J2, tous les 14 jours soit 12 cycles est mieux toléré.
En traitement adjuvant, la capécitabine en deux prises par jour du premier au 14ème jour (cycle de 21 jours) pendant 6 mois est une option possible.
En deuxième ligne, on peut proposer : 5-FU + Leucovérine™ (LV5FU2) avec ou sans carboplatine ou 5-FU + Leucovérine™ + cisplatine
LE SUIVI DU TRAITEMENT
Il comprend, un scanner abdominal à 3 mois après chirurgie puis une surveillance clinique et biologique tous les 4 mois.
Un scanner abdominal sera aussi demandé toutes les 4 cures au cours des chimiothérapie.
Les nouvelles options thérapeutiques
C'est un inhibiteur du facteur de croissance des fibroblaste (FGFR).
Ce médicament s'est révélé améliorer, en termes de taux de réponse, le 10 à 16 % des patients présentant un cholangiocarcinome avec un gène de fusion FGFR2.
Il est indiqué en monothérapie pour le traitement des adultes atteints d’un cholangiocarcinome localement avancé ou métastatique avec fusion ou réarrangement du gène du récepteur 2 du facteur de croissance des fibroblastes (FGFR2), dont la maladie a progressé après au moins une ligne de traitement systémique antérieure.
La dose recommandée est de 13,5 mg de pemigatinib une fois par jour pendant 14 jours, suivie de 7 jours d’arrêt du traitement. Le traitement doit être poursuivi aussi longtemps que le patient ne présente pas de signes de progression de la maladie ou de toxicité inacceptable.
Les effets indésirables les plus fréquents sont l’hyperphosphatémie (60 %), plus rarement une hypophosphatémie, l’alopécie (50 %), la diarrhée (50 %), la toxicité unguéale, la fatigue, les nausées, la stomatite, la constipation, la dysgueusie, la sécheresse de la bouche et de la peau, des arthralgie, un syndrome pieds-mains.
Cette molécule présente le même mode d'action. C'est un un inhibiteur sélectif irréversible de la tyrosine kinase du FGFR1–4.
Dans une étude de Phase-II portant sur le traitement de cholangiocarcinomes intrahépatiques présentant des fusions/réarrangements du récepteur 2 du facteur de croissance des fibroblastes (Fibroblast Growth Factor Receptor 2, FGFR2), le futibatinib, a permis d’obtenir des réponses objectives fréquentes et durables.
Il est autorisé pour le traitement en monothérapie est indiqué du cholangiocarcinome localement avancé ou métastatique avec fusion ou réarrangement du récepteur 2 du facteur de croissance des fibroblastes (FGFR2), ayant progressé après au moins une précédente ligne de traitement systémique.
La présence de fusions ou de réarrangements du gène FGFR2 doit être confirmée par un test diagnostique approprié avant l’initiation du traitement. La dose initiale recommandée est de 20 mg par voie orale une fois par jour.
C'est un inhibiteur de l'isocitrate déshydrogénase (IDH) 1 et 2 sont codées par des gènes suppresseurs de tumeurs dont les mutations sont impliquées dans le développement des cholangiocarcinomes
Il est autorisé en monothérapie pour le traitement du cholangiocarcinome localement avancé ou métastatique avec une mutation IDH1 R132 et précédemment traités avec au moins une ligne de traitement systémique. La mutation de l’IDH1 R132 doit être confirmée au moyen d'un test diagnostique approprié.
La dose est de 500 mg (2 comprimés de 250 mg) par voie orale une fois par jour.
Imfinzi™ (durvalumab)
C'est inhibiteur de PDL1 s'est révélé efficace dans le traitement des formes intra et extra-hépatiques de la maladie en augmentant la survie des patients.
Il est homologué en association avec la gemcitabine et le cisplatine pour le traitement de première ligne des patients adultes atteints d’un cancer des voies biliaires non résécable ou métastatique.
La dose est établie en fonction du poids à 20 mg/kg. En association avec une dose de chimiothérapie toutes les 3 semaines, suivi de 20 mg/kg toutes les 4 semaines en monothérapie jusqu’à ce que le poids soit supérieur à 36 kg.
L'avenir
TECHNIQUES ENDOSCOPIQUES
Comparaison de l'efficacité du traitement des obstructions biliaires hilaires d'origine tumorale par prothèse métallique expansible avec drainage d'un ou de deux lobes hépatiques: étude randomisée multicentrique sous l'égide de la SFED.
Stents métalliques non-couverts versus couverts dans le traitement palliatif des sténoses malignes de la voie biliaire principale : étude randomisée multicentrique sous l'égide de la SFED.
Thérapie photodynamique des cholangiocarcinomes non résécables : étude de cohorte prospective sous l'égide de la SFED, avec le Club Francophone de Thérapie Photo-Dynamique
DEMAIN...
La recherche des anomalies génétiques
Plusieurs mutations génétiques accélérant la progression de la maladie ont été mises en évidence. Il s'agit de mutations de facteurs de croissance comme le FGFR2 (pengatinib), l'IDH1 (ivosidenib), de l'HER2. Leur indentification devrait permettre l'instaurations de thérapies ciblant ces mutations
Plusieurs protocoles nouveaux font l'objet d'essais de recherche clinique ou sont en cours de validation.
Le protocole 5FU + Leucovérine™ hebdomadaire versus 5FU + Leucovérine™ + oxaliplatine (Eloxatine™) fait l’objet d’un essai thérapeutique européen (EORTC)
Le protocole gemcitabine 1000 mg/m² à J1) et oxaliplatine (100 mg/m² à J2) à raison d'un cycle toutes les deux semaines semble prometteur en termes de survie selon les résultats préliminaires d'une étude de Phase 3
Une étude comparant la gemcitabine 1000 mg/m² à J1, 8 et 15 seule à l'association la gemcitabine 1000 mg/m² à J1 et 8 plus cisplatine 25 mg/m² à J1 à raison d'un cycle toutes les trois semaines semble prometteur pour le doublet en termes de survie.
15% à 20% des tumeurs surexpriment HER2
Cette découverte récente ouvre des perceptives thérapeutiques. Le trastuzumab deruxtecan (Enhertu™) est un anticorps monoclonal humanisé anti-HER2 conjugué à un inhibiteur de la topoisomérase I permettant d’y associer une activité cytotoxique. Il est déjà autorisé pour le traitement certains cancers (sein et estomac) surexprimant HER2.
Les résultats des études de Phase-II (HERB) sont très encourageants.
Les thérapies ciblées
Truseltiq™ (infigratinib) est un médicament est un inhibiteur de la tyrosine kinase du factor de croissance des fibroblastes (FGFR1–3).
Cette petite molécule active par voie orale vient d'être homologué pour les patients présentant une maladie avancée dont la caractéristique est de présenter un réarrangement ou un gène de fusion FGFR2.
L'immunothérapie ciblée
Keytruda™ (pembrolizumab)
Dans une étude récente KEYNOTE-966 (The Lancet 2023;401 (10391):1853-1865) le pembrolizumab, immunothérapie ciblant les points de contrôle immunitaires en association avec le gemcitabine et le cisplatine s'est révélé supérieur en terme de maladie sans progression et de survie par à l'association gemcitabine/cisplatine chez des patients dont la maladie avait évoluée.
APRÈS-DEMAIN…
La recherche clinique dans ce domaine est très active et de nombreuses molécules sont en cours d'évaluation pour le traitement de cette maladie. Parmi elles, on peut citer le sunitinib, le linifanib, le bevacizumab, les inhibiteurs du récepteur du facteur épidermique de croissance (EGFR) ainsi que les inhibiteurs de la mTOR.
Les autres perspectives d’avenir sont la mise en évidence de marqueurs biologiques ou histologiques, permettant de prédire la réponse et/ou la résistance primaire au traitement et donc d’adapter d’emblée au mieux la prise en charge de chaque patient selon les caractéristiques de sa tumeur.
L'essor des thérapies ciblées et de l'immunothérapie...
Cible |
Fréquence |
Thérapie ciblée |
---|---|---|
IDH1 |
15 % des cholangiosarcomes intra-hépatiques |
Ivosidenib homologué |
FGFR |
20 % des cholangiosarcomes intra-hépatiques |
Erdafitinib ; infigratinib |
BRAF |
5 % des cholangiosarcomes intra-hépatiques |
Dabrafenib plus trametinib; vemurafenib |
MSI-élevé ou MMR déficient |
2% des cancers des voies biliaires |
Pembrolizumab |
HER2 |
15–20% cancers de la vésicule et des cholangiosarcomes extra-hépatiques |
Herceptin™ |
NTRK |
Rare |
Entrectinib; larotrectenib |
Mise à jour
11 novembre 2023